LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 juin 2023
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 765 F-D
Pourvoi n° X 21-15.744
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 JUIN 2023
Le groupement d'intérêt économique (GIE) Klesia Adp, venant aux droits de l'Association de moyens Klesia, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 21-15.744 contre le jugement rendu le 8 avril 2021 par le président du tribunal judiciaire de Paris statuant selon la procédure accélérée au fond, dans le litige l'opposant au CSE association de moyens Klesia, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat du groupement d'intérêt économique (GIE) Klesia Adp, après débats en l'audience publique du 1er juin 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Paris, 8 avril 2021), statuant selon la procédure accélérée au fond, l'association de moyens Klesia a engagé une procédure d'information et de consultation de son comité social et économique à des fins de réorganisation de ses services par une scission en trois entités juridiques distinctes, cette consultation ayant été engagée par deux réunions tenues les 16 octobre et 9 novembre 2020. Le comité social et économique de l'association de moyens Klesia (le comité social et économique) a voté, le 9 novembre 2020, le déclenchement d'une procédure de droit d'alerte économique et a ensuite voté, lors d'une réunion du 7 décembre 2020, le recours à un expert-comptable agréé afin de l'assister dans cette procédure d'alerte économique, confiant l'exercice de cette mission à la société Sacef.
2. Contestant ces délibérations, l'association de moyens Klesia a, par acte du 11 décembre 2020, assigné le comité social et économique devant le président du tribunal judiciaire.
3. Le groupement d'intérêt économique (GIE) Klesia Adp vient aux droits de l'association de moyens Klesia depuis le 1er janvier 2021.
Examen des moyens
Sur les deux moyens, réunis
Enoncé du moyen
4. Par son premier moyen, le Gie Klesia Adp fait grief au jugement de le débouter de sa demande formée à l'encontre du comité social et économique aux fins d'annulation de la délibération du 7 décembre 2020 de recours à expert-comptable agréé dans le cadre de la procédure d'alerte économique déclenchée par vote du 9 novembre 2020, alors :
« 1°/ que l'ordonnance de référé n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée ; qu'en retenant, pour refuser d'examiner les moyens développés par le GIE Klesia ADP, qu'il résultait de l'ordonnance de référé du 23 février 2021 que la légalité manifeste de la délibération du 9 novembre 2020 ne pouvait être mise en cause, le président du tribunal judiciaire, statuant en matière de procédure accélérée au fond, a violé l'article 488 du code de procédure civile ;
2°/ subsidiairement qu'aux termes de l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée exige pour être retenue une triple identité de parties, d'objet et de cause de la demande ; que le GIE Klesia ADP avait, par acte d'huissier de justice signifié le 23 novembre 2020, assigné le CSE de l'association de moyens Klesia devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris en sollicitant que soit constatée l'existence d'un trouble manifestement illicite, que soit annulée la délibération prise par le CSE le 9 novembre 2020 relative au déclenchement du droit d'alerte et que soit suspendue la procédure d'alerte économique ; qu'il avait ensuite assigné le CSE devant le Président du tribunal judiciaire de Paris suivant la procédure accélérée au fond, aux fins de voir annuler la délibération du 7 décembre 2020 de recours à un expert agréé ; qu'en refusant d'examiner les moyens soulevés par le GIE Klesia ADP au regard de la force de chose jugée qui s'attacherait à l'ordonnance de référé du 23 février 2021, malgré l'absence d'identité d'objet entre les procédures, le président du tribunal judiciaire a violé de surcroît l'article 1355 du code civil ;
3°/ qu'aux termes de l'article 4 du code de procédure civile, « l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense (?) » ; que méconnaît les termes du litige le juge qui introduit dans le litige des moyens que les parties n'avaient pas invoqués ; qu'en retenant, pour refuser d'examiner les moyens soulevés par le GIE Klesia ADP, la force de chose jugée attachée à l'ordonnance de référé du 23 février 2021, quand il ne ressortait ni des écritures du CSE Klesia, ni de l'exposé de ses prétentions, qu'il se serait prévalu d'une telle autorité pour contester l'argumentation du GIE, le président du tribunal judiciaire a méconnu l'objet du litige et a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
4°/ en tout état de cause, qu'en procédant de la sorte, le président du tribunal judiciaire a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
5°/ que l'acquiescement implicite, au sens de l'article 410 du code de procédure civile, ne peut être retenu que si est constatée l'existence d'une manifestation claire de volonté en ce sens, se traduisant par des actes incompatibles avec la volonté de former un recours et démontrant avec évidence l'intention de la partie à laquelle on l'oppose d'accepter la décision intervenue ; que cette manifestation ne peut en particulier être déduite de la seule expiration du délai pour exercer une voie de recours ; qu'en retenant que le GIE Klesia ADP aurait ''visiblement acquiescé'' à l'ordonnance de référé du 23 février 2021 dans la mesure où ses dernières conclusions ne faisaient pas mention de l'exercice d'un appel de cette décision, sans caractériser l'existence d'une volonté manifeste de sa part en ce sens alors qu'à la date de l'audience du 2 mars 2021, le délai d'appel de l'ordonnance de référé n'était même pas encore expiré, le président du tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard des articles 409 et 410 du code de procédure civile. »
5. Par son second moyen, le GIE Klesia Adp fait le même grief au jugement, alors :
« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 2262-1 du code du travail, l'application des conventions et accords est obligatoire pour tous les signataires ou membres des organisations ou groupements signataires ; qu'aux termes de l'article 4.2 de l'accord collectif du 5 juillet 2019, l'ordre du jour ainsi que les documents afférents doivent être communiqués aux membres du CSE au moins cinq jours ouvrables avant la réunion ; qu'en retenant, pour considérer que le GIE Klesia ADP ne pouvait refuser d'inscrire à l'ordre du jour de la réunion une demande soumise moins de cinq jours avant qu'elle ne se tienne, que seuls les membres du comité social et économique étaient habilités à se prévaloir de la méconnaissance du délai conventionnel, le président du tribunal judiciaire a d'ores et déjà violé l'article susvisé ;
2°/ qu'en retenant, pour considérer que le GIE Klesia ADP ne pouvait refuser d'inscrire à l'ordre du jour de la réunion une demande soumise moins de cinq jours avant celle-ci, que seuls les membres du comité social et économique étaient habilités à se prévaloir de la méconnaissance du délai conventionnel quand ni les articles L. 2315-2 et L. 2315-30 du code du travail, ni l'article 4.2 du chapitre II de l'accord collectif du 5 juillet 2019 ne formulaient le principe selon lequel le délai conventionnel de convocation n'aurait été formulé que dans l'intérêt des membres du CSE qui seuls pouvaient se prévaloir de sa violation, le président du tribunal judiciaire a violé ensemble lesdits articles;
3°/ qu'en retenant, pour considérer que le GIE Klesia ne pouvait se prévaloir du non-respect du délai conventionnel, que le déclenchement du droit d'alerte économique relevait d'un régime d'inscription de droit, quand l'article L. 2312-63 alinéa 2 du code du travail excluait uniquement que l'employeur puisse refuser d'inscrire ce point à l'ordre du jour de la prochaine réunion, sans modifier les modalités d'organisation prévues par les articles L. 2315-2 et L. 2315-30, le président du tribunal judiciaire a violé par fausse application l'article L. 2312-63 alinéa 2 du code du travail ;
4°/ qu'en retenant, pour écarter le moyen de l'employeur tiré du non-respect par le CSE des étapes de déclenchement du droit d'alerte économique, que les articles L. 2312-63 et L. 2312-64 n'imposeraient pas de telles étapes, quand le séquençage des étapes présenté par l'employeur (p. 6 et s) ne faisait que reprendre les étapes visées par le premier texte, le président du tribunal judiciaire en a encore violé les dispositions. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte des dispositions de l'article L. 2315-86 du code du travail que l'employeur qui saisit le président du tribunal judiciaire selon la procédure accélérée au fond en annulation de la décision de recourir à un expert-comptable lors de la procédure d'alerte économique prévue à l'article L. 2312-63 du même code, s'il peut contester la nécessité de l'expertise, le choix de l'expert, le coût prévisionnel, l'étendue ou la durée de l'expertise, ainsi que son coût définitif, ne peut remettre en cause par voie d'exception la régularité de la procédure d'alerte économique déclenchée par le comité social et économique.
7. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée, qui a constaté que le GIE fondait sa demande d'annulation de l'expertise décidée par la délibération du 7 décembre 2020 sur l'irrégularité alléguée des conditions du vote de l'exercice du droit d'alerte lors de la réunion du 9 novembre 2020, se trouve légalement justifiée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le groupement d'intérêt économique (GIE) Klesia Adp aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le groupement d'intérêt économique (GIE) Klesia Adp ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille vingt-trois.