LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 janvier 2024
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 20 F-D
Pourvoi n° Y 22-16.439
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 24 JANVIER 2024
1°/ M. [K] [I], domicilié [Adresse 5],
2°/ M. [G] [I], domicilié [Adresse 2],
3°/ M. [B] [I], domicilié [Adresse 3],
4°/ la société BSR, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° Y 22-16.439 contre l'arrêt rendu le 8 février 2022 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant à la société Godart, Demierre-Bernard, Vernier et Dupuis-Bernard, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. [K], [G] et [B] [I] et de la société BSR, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Godart, Demierre-Bernard, Vernier et Dupuis-Bernard, après débats en l'audience publique du 28 novembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 8 février 2022), par acte reçu le 15 juin 1998 par M. [C], notaire (le notaire) associé au sein de la société Debief [C] Speyser Charlot Genin, devenue la société Godart Demierre-Bernard Vernier et Dupuis-Bernard (la société notariale), la société civile immobilière BSR (la SCI) a fait l'acquisition de bâtiments industriels financée par deux prêts avec comme garantie le cautionnement solidaire de MM. [K], [G] et [B] [I] (les consorts [I]).
2. Par arrêt du 12 septembre 2006, une cour d'appel a annulé l'acte de vente. La SCI a restitué l'immeuble mais n'a pu obtenir la répétition du prix en raison de la liquidation judiciaire de la venderesse.
3. Par actes des 8 et 11 janvier 2011, les consorts [I] et la SCI ont assigné la société notariale en responsabilité et indemnisation de leurs dommages consécutifs à la faute commise par le notaire dans l'établissement de l'acte du 15 juin 1998 annulé.
Examen du moyen
Sur le moyen en tant qu'il est formé par la SCI
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen en tant qu'il est formé par les cautions
Enoncé du moyen
5. Les consorts [I] font grief à l'arrêt de dire que leur action en responsabilité contre la société notariale est irrecevable comme prescrite, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que le dommage dont MM. [I], qui n'étaient pas partie à l'acte de vente, mais seulement caution de l'emprunt contracté par la SCI pour l'acquisition, demandaient la réparation au notaire instrumentaire, n'était pas celui constitué par la perte du bien provoquée par l'irrégularité entachant l'acte, mais par la mise en oeuvre de leur cautionnement à la suite de l'incapacité de la venderesse à laquelle l'immeuble avait été restitué après l'annulation de la vente, d'en restituer le prix ; en fixant néanmoins le point de départ de leur action en responsabilité au jour de la découverte de l'irrégularité, qui ne leur avait causé par elle-même aucun préjudice, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2224 du code civil :
6. Aux termes de ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
7. Pour déclarer irrecevable l'action en responsabilité dirigée contre le notaire, l'arrêt retient que le point de départ de la prescription de cette action doit être situé au jour où l'irrégularité prétendue de l'acte qu'il a instrumenté a été clarifiée par une décision ayant acquis force de chose jugée et non au jour où les cautions ont été poursuivies par les banques.
8. En statuant ainsi, alors que le dommage invoqué par les cautions ne s'était pas manifesté tant que les prêteurs n'avaient pas exigé l'exécution des cautionnements donnés en garantie du financement du prix de la vente annulée, de sorte que le délai de prescription de l'action en responsabilité exercée contre la société notariale n'avait pas commencé à courir antérieurement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme étant prescrite l'action en responsabilité engagée par les consorts [I] contre la société notariale et en ce qu'il les condamne aux dépens et à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 8 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne la société Godart Demierre-Bernard Vernier et Dupuis-Bernard aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-quatre.