LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
FP6
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 février 2024
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 167 F-D
Pourvois n°
Q 21-18.980
R 21-18.981 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 FÉVRIER 2024
1°/ Mme [E] [D], domiciliée [Adresse 4],
2°/ Mme [K] [N], domiciliée [Adresse 1],
ont respectivement formé les pourvois n° Q 21-18.980 et R 21-18.981 contre deux arrêts rendus le 22 avril 2021 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans les litiges les opposant :
1°/ à la société MJM [T] et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], représentée par M. [T], prise en qualité de mandataire judiciaire des sociétés Boulangerie Wilson [Localité 7] Réunion et Boulangerie Wilson [Localité 6],
2°/ à la société Mulhaupt et [X], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], représentée par M. [X], prise en qualité d'administrateur judiciaire des sociétés, Boulangerie Wilson [Localité 7] Réunion et Boulangerie Wilson [Localité 6],
3°/ à l'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 8], dont le siège est [Adresse 5],
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent chacune, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mmes [D] et [N], de la SCP Boucard-Maman, avocat de la société MJM [T] et associés, ès qualités, après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Q 21-18.980 et R 21-18.981 sont joints.
Désistement partiel
2. Il est donné acte à Mmes [D] et [N] du désistement de leurs pourvois en ce qu'ils sont dirigés contre M. [X] en sa qualité d'administrateur judiciaire des sociétés Boulangerie Wilson [Localité 7] Réunion et Boulangerie Wilson [Localité 6].
Faits et procédure
3. Selon les arrêts attaqués (Mulhouse, 22 avril 2021), Mme [D] a été engagée par la société Boulangerie Wilson [Localité 7] Réunion et Mme [N] par la société Boulangerie Wilson [Localité 6].
4. Par jugement du 20 décembre 2017, le tribunal de grande instance a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de chaque société.
5. Le 19 février 2018, les salariées ont saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le prononcé de la résiliation judiciaire de leur contrat de travail aux torts de l'employeur et le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
6. Par jugement du 11 juillet 2018, le tribunal de grande instance de Mulhouse a prononcé la liquidation judiciaire des sociétés, la société MJM [T] et associés étant désignée en qualité de liquidateur, et a arrêté un plan de cession, prévoyant la reprise des contrats de travail, au profit de la société Alma, à laquelle s'est substituée la société Newbakery. Le tribunal a également ordonné le transfert des contrats de travail au jour de la reprise sur le fondement de l'article L. 1224-1 du code du travail.
7. Après que la société cessionnaire a repris l'activité cédée et poursuivi les contrats de travail, les salariées ont maintenu devant la juridiction prud'homale leurs demandes uniquement dirigées contre l'ancien employeur, en résiliation du contrat de travail et en paiement d'indemnités consécutives à la rupture.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. Les salariées font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes tendant à ce que soit prononcée la résiliation de leur contrat de travail aux torts de l'ancien employeur et que soit fixée au passif de celui-ci leurs créances à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, alors « que le salarié peut obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur à ses obligations empêchant la poursuite du contrat ; que lorsque le contrat de travail est transféré à un nouvel employeur dans le cadre d'une liquidation judiciaire, le salarié peut rechercher l'entreprise cédante sur le fondement de la résiliation judiciaire, la date d'effet de la résiliation devant alors être fixée à la date de la reprise et les créances résultant de la résiliation fixées au passif de l'entreprise cédante ; qu'en rejetant la demande de résiliation judiciaire du contrat de la salariée aux motifs que celle-ci ne pouvait agir contre l'entreprise cédante et que la fixation de la date d'effet de la résiliation à la date de la reprise aboutissait à une situation inextricable, la cour d'appel a violé l'article 1224 (anc. art. 1184) du code du civil ensemble l'article L. 1224-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
9. L'article L. 1224-1 du code du travail, dont les dispositions sont d'ordre public, s'impose tant aux salariés qu'aux employeurs et s'applique à tout transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise.
10. Il en résulte que si le salarié, en cas de changement d'employeur par le seul effet de ces dispositions, n'est pas privé du droit d'agir directement contre l'ancien employeur pour obtenir l'indemnisation de son préjudice né de fautes commises par celui-ci dans l'exécution de ses obligations avant le transfert de son contrat de travail, il ne peut poursuivre la résiliation de son contrat de travail aux torts de l'ancien employeur et obtenir des indemnités consécutives à la rupture du contrat de travail tout en continuant à travailler avec le cessionnaire.
11. La cour d'appel, qui a constaté que la poursuite du contrat de travail avec la société cessionnaire n'était pas contestée par les salariées, en a exactement déduit que la demande de résiliation judiciaire de ce même contrat de travail dirigée contre l'ancien employeur avec prise d'effet au jour du transfert, n'était pas fondée.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne Mmes [D] et [N] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille vingt-quatre.