LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 avril 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 168 F-D
Pourvoi n° D 21-22.949
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 AVRIL 2024
La société Petrel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-22.949 contre l'arrêt rendu le 22 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 16), dans le litige l'opposant à la société DMA Holographics, société de droit israélien, dont le siège est [Adresse 1] (Israël), défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Petrel, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société DMA Holographics, après débats en l'audience publique du 13 février 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué ( Paris, 22 juin 2022), la société française Pétrel a conclu avec la société israélienne DMA Holographics (DMA) un contrat de représentation exclusive d'encres sécurisées pour le marché israélien.
2. Invoquant une rupture abusive du contrat, la société DMA a assigné la société Petrel en responsabilité et indemnisation.
Examen des moyens
Sur le second moyen et sur le premier moyen en tant qu'il est dirigé contre le chef de l'arrêt condamnant la société Pétrel à réparer le préjudice d'image résultant de son comportement déloyal
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen en tant qu'il est dirigé contre les autres chefs de l'arrêt
Enoncé du moyen
4. La société Pétrel fait grief à l'arrêt de dire que la loi israélienne était seule applicable au litige, de qualifier le contrat d'agence commerciale, de la condamner à payer à la société DMA les sommes de 10 452 euros à titre d'indemnité de préavis, de 12 717 euros à titre d'indemnité de résiliation et de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'ordonner la communication à la société DMA de divers documents, alors :
« 1° / que, si l'article 4 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats d'intermédiaires et à la représentation stipule que "la loi désignée par la Convention s'applique même s'il s'agit de la loi d'un Etat non contractant", il n'en résulte pas qu'elle peut s'appliquer aux ressortissants d'un État qui n'en serait pas signataire, mais simplement que son application peut conduire à la mise en oeuvre d'une autre loi que celle des États contractants ; qu'en l'espèce, en affirmant, après avoir visé l'article 4 précité, que la Convention était applicable, bien qu'elle ait été invoquée par une société dont le siège se trouve en Israël, pays qui n'y est pas partie et ne l'a pas ratifiée, la cour d'appel a violé l'article 4 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 ;
2°/ que l'article 5 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats d'intermédiaires et à la représentation stipule que "la loi interne choisie par les parties régit le rapport de représentation entre le représenté et l'intermédiaire. Le choix de cette loi doit être exprès ou résulter avec une certitude raisonnable des dispositions du contrat et des circonstances de la cause", tandis que l'article 6 de ladite convention stipule que c'est uniquement "dans la mesure où elle n'a pas été choisie dans les conditions prévues à l'article 5", que " la loi applicable est la loi interne de l'État dans lequel, au moment de la formation du rapport de représentation, l'intermédiaire a son établissement professionnel ou, à défaut, sa résidence habituelle" ; qu'en l'espèce, la SAS Petrel faisait valoir que, comme l'avait jugé le tribunal de commerce, bien qu'en l'absence de stipulation expresse du contrat, le choix par les parties de la loi française ressortait clairement des circonstances de la cause, comme le montraient le lieu de signature du contrat (en France), la compétence donnée aux juridictions françaises, le choix spontané de la société DMAH de saisir le juge des référés français pour obtenir une provision, en fondant ses prétentions au provisoire sur le droit français, ou l'invocation par la société DMAH du droit français dans ses écritures d'appel ; qu'en faisant pourtant application de l'article 6 de la Convention, sans avoir préalablement vérifié que les dispositions du contrat et les circonstances de la cause ne permettaient pas de déterminer la loi applicable par l'analyse de la volonté des parties, la cour d'appel a violé les articles 5 et 6 Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats d'intermédiaires et à la représentation ;
3°/ qu'il résulte de l'article 5 précité de la Convention de La Haye que le juge est tenu d'appliquer la loi à laquelle les parties conviennent de soumettre leur relation commerciale ; qu'en l'espèce, tandis que la SAS Petrel revendiquait l'application de la loi française pour régler l'entier litige, la société DMAH invoquait le droit français pour déterminer la qualification de la relation contractuelle entre les parties, n'évoquant le droit israélien qu'incidemment pour confirmer son analyse du droit français ; qu'en faisant néanmoins application de la loi israélienne pour apprécier la qualification de la relation contractuelle entre les parties, la cour d'appel a violé l'article 5 de la convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats d'intermédiaires et à la représentation ;
4°/ que le juge français doit statuer par une décision rédigée en français ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la condition de mandat requise pour la qualification d'agent commercial était remplie, au motif que le contrat du 7 décembre 2001 était intitulé "Agent contract" et avait pour objet "Exclusive sales representation of Pertrel by DMA in Israël", sans traduction de ses formules juridiques de langue anglaise ; qu'en statuant ainsi sur un point déterminant de la qualification litigieuse, par des motifs en anglais qu'elle n'a pas traduit, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile, ensemble l'ordonnance de Villers-Cotterêts d'août 1539. »
Réponse de la Cour
5. En premier lieu, après avoir relevé que le litige était relatif à un contrat du 7 décembre 2001 portant sur la représentation exclusive des produits d'une société française par une société israélienne sur le marché israélien, l'arrêt retient exactement qu'à défaut de loi de police applicable, le conflit de lois devait être résolu conformément à la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur les contrats d'intermédiaire et la représentation, qui constitue, depuis son entrée en vigueur le 1er mai 1992, et, dès lors que la Convention de Rome du 19 juin 1980 réserve l'application des conventions internationales auxquelles un État contractant est ou sera partie, la règle française de conflit de lois en cette matière, peu important que les parties au litiges ne soient pas toutes ressortissantes de pays signataires.
6. En deuxième lieu, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la volonté des parties que la cour d'appel, après avoir analysé les stipulations du contrat et les circonstances de la cause, a jugé qu'il ne s'en déduisait ni expressément ni implicitement le choix d'une loi, de sorte qu'il convenait, en application de l'article 6 de la Convention, de désigner la loi de l'Etat dans lequel l'intermédiaire avait son établissement professionnel et exerçait son activité principale.
7. En dernier lieu, la cour d'appel, qui a analysé la définition de l'agent commercial en droit israélien, et qui en a déduit que cette qualification coïncidait avec les termes du contrat, cités dans leur version anglaise originale, en a ainsi explicité la signification en français.
8. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Petrel aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Petrel et la condamne à payer à la société DMA Holographics la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille vingt-quatre.