LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 mai 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 236 FS-B
Pourvoi n° V 22-24.739
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 MAI 2024
1°/ La société [G]-[O], société civile immobilière (SCI), représentée par Mme [S] [O], domiciliée [Adresse 5], a formé le pourvoi n° V 22-24.739 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2022 par la cour d'appel de Pau (1ère chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [B] [R], domiciliée [Adresse 1],
2°/ au conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Tarbes, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ à l'Union des jeunes avocats de Pau, dont le siège est [Adresse 3],
4°/ au procureur général près la cour d'appel de Pau, domicilié [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société [G]-[O], de la SCP Spinosi, avocat de Mme [R], de l'Union des jeunes avocats de Pau, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mars 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, M. Jessel, M. Mornet, Mme Kerner-Menay, Mme Bacache-Gibeili, conseillers, Mme de Cabarrus, Mme Thieffry, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 29 novembre 2022), la société civile professionnelle d'avocats [G]-[O] (la SCP) a conclu avec Mme [R], un contrat de collaboration libérale, à effet du 1er avril 2021, comportant une période d'essai de trois mois.
2. Le 28 juillet 2021, la SCP a notifié à Mme [R], qui était placée en arrêt maladie, la rupture de sa période d'essai.
3. Le 5 août 2021, Mme [R] a contesté cette rupture devant le bâtonnier de l'ordre des avocats de son barreau.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et le troisième moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
5. La SCP fait grief à l'arrêt de dire que la rupture ne pouvait intervenir pendant la période d'indisponibilité pour cause de maladie de Mme [R], et que celle-ci n'a commis aucun manquement grave aux règles professionnelles non lié à l'état de santé, alors « que les règles relatives la rupture du contrat de collaboration ne sont en principe pas applicables durant la période d'essai ; que partant, les règles spécifiques à la rupture du contrat de collaboration pendant une période d'indisponibilité pour raison de santé médicalement constatée ne sont pas applicables durant la période d'essai ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 14.4.1 et 14.4.2 du règlement intérieur national de la profession d'avocat. »
Réponse de la Cour
6. Le litige relatif à la rupture d'un contrat de collaboration libérale doit être tranché selon les termes du contrat et les textes régissant la profession d'avocat. Il résulte de l'article 14.4.2 du règlement intérieur national de la profession d'avocat (RIN) que la notification de la rupture du contrat ne peut intervenir pendant une période d'indisponibilité du collaborateur pour raison de santé médicalement constatée, sauf manquement grave aux règles professionnelles non lié à l'état de santé.
7. Ce texte n'excluant pas la protection du collaborateur libéral en période d'essai, la cour d'appel en a, à bon droit, fait application.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. La SCP fait grief à l'arrêt de dire que Mme [R] n'a commis aucun manquement grave aux règles professionnelles non lié à l'état de santé, de dire que la rupture du contrat de collaboration notifiée le 28 juillet 2021 ne peut produire aucun effet, de condamner la SCP à payer à Mme [R] la somme de 7 500 euros au titre du délai de prévenance de trois mois, et à l'Union des jeunes avocats de Pau la somme de 1 euro de dommages et intérêts et d'ordonner la réouverture des débats sur la demande en paiement de la rétrocession d'honoraires du 26 juillet 2021 au 22 août 2021, alors « que la rupture du contrat de collaboration peut intervenir pendant une période d'indisponibilité du collaborateur pour raison de santé dès lors que sont établis des manquements graves aux règles professionnelles non liés à l'état de santé ; qu'à ce titre, tous manquements, tant aux principes essentiels de la profession qu'aux obligations qui résultent du contrat de collaboration, peuvent justifier la rupture du contrat de collaboration à condition d'être suffisamment graves ; qu'en décidant qu'il n'y avait pas lieu de s'expliquer sur les manquements pris des absences répétées, du défaut de collaboration aux activités du cabinet et du manque de travail de M. [R] au motif qu'ils ne constituaient pas des manquements aux principes essentiels de la profession, quand de tels manquements, à condition d'être graves, pouvaient justifier la rupture du contrat de collaboration pendant la période d'indisponibilité, la cour d'appel a violé l'article 14.4.2 du Règlement intérieur national de la profession d'avocat. »
Réponse de la Cour
10. Constitue un manquement grave aux règles professionnelles non lié à l'état de santé au sens de l'article 14.4.2 du RIN précité, toute méconnaissance par l'avocat des obligations légales, réglementaires ou contractuelles, qui porte atteinte aux principes essentiels de la profession.
11. La cour d'appel a retenu que les griefs invoqués par la SCP à l'encontre de Mme [R] consistaient, en premier lieu, en des absences, un défaut de collaboration aux activités du cabinet à temps complet, un manque de travail et un défaut de compte-rendu des dossiers durant une semaine, n'ayant pas porté atteinte aux principes essentiels de la profession, en deuxième lieu, en une carence dans la défense des intérêts de clients ayant dû être orientés vers d'autres confrères qui n'était pas établie, en troisième lieu, en certains faits qui, lorsqu'ils auraient été constatés, n'auraient pas entraîné une rupture de la période d'essai et ne sauraient la justifier ultérieurement et, en dernier lieu, en un défaut de respect des délais de procédure qui affectait l'obligation de diligence mais constituait un incident isolé ayant pu être réparé.
12. Elle a pu en déduire que la rupture du contrat de Mme [R] n'était pas justifiée par un manquement grave aux règles professionnelles au sens de l'article 14.4.2 du RIN.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Rejette le pourvoi ;
Condamne la SCP [G]-[O] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCP [G]-[O] à payer à Mme [R] et l'UJA la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille vingt-quatre.