LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 mai 2024
Annulation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 468 F-B
Pourvoi n° W 22-17.104
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 MAI 2024
La société Riad, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° 22-17.104 contre l'arrêt rendu le 15 mars 2022 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [I] [W], domicilié [Adresse 1], pris en qualité de mandataire judiciaire désigné commissaire à l'exécution du plan de la société Riad,
2°/ à la société Crédit immobilier de France développement (CIFD), dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Riad, de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Crédit immobilier de France développement, venant aux droits du Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 avril 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 mars 2022), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 20 janvier 2021, pourvoi n° 19-15.849, publié au Bulletin), la société Crédit immobilier de France développement (la banque) a consenti à la SCI Riad, selon offres acceptées les 18 et 22 décembre 2006, quatre prêts immobiliers.
2. Invoquant l'inexactitude des taux effectifs globaux figurant sur ces offres, la SCI Riad a assigné la banque afin d'obtenir, à titre principal, la déchéance totale du droit aux intérêts, et, à titre subsidiaire, l'annulation de la stipulation d'intérêts et la substitution de l'intérêt au taux légal.
3. Par déclaration du 13 novembre 2015, la SCI Riad a relevé appel du jugement du 21 septembre 2015 qui l'a déboutée de ses demandes.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La SCI Riad fait grief à l'arrêt de constater qu'elle n'était saisie d'aucune demande d'infirmation du jugement et de le confirmer, alors « que l'obligation de mentionner expressément, dans le dispositif des conclusions de l'appelant, la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, affirmée pour la première fois par un arrêt publié (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié au Bulletin), fait peser sur les parties une charge procédurale nouvelle en sorte que son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable ; que la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation n'étant pas une déclaration d'appel, la cour d'appel de renvoi étant investie par l'arrêt de cassation de la connaissance de l'entier litige tel qu'il avait été déféré au juge d'appel par les appels originairement formés et l'instruction étant reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation, l'obligation de mentionner expressément la demande d'infirmation ne s'applique pas lorsque la juridiction d'appel censurée avait été saisie par une déclaration d'appel antérieure à la date de l'arrêt précité du 17 septembre 2020 ; que la cour d'appel de renvoi, en jugeant qu'elle ne pouvait que confirmer le jugement, dès lors qu'elle n'était saisie d'aucune demande d'infirmation de celui-ci par la SCI Riad, après avoir pourtant constaté que cette dernière avait interjeté appel du jugement du 21 septembre 2015, par déclaration d'appel du 13 novembre 2015, et que la Cour de cassation avait censuré l'arrêt du 19 février 2019 de la cour de Grenoble rendu sur cet appel, a violé les articles 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 542, 954, 631, 634, 1032 et 1033 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 542, 631 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
5. Il résulte des premier et troisième de ces textes que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement. Cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui a été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié au Bulletin) pour la première fois dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.
6. Il ressort du deuxième que devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation, de sorte que c'est la même instance d'appel qui reprend et se poursuit devant la cour d'appel de renvoi.
7. La déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation n'est pas une déclaration d'appel et n'introduit pas une nouvelle instance mais entraîne la poursuite de l'instance d'appel initiale. Lorsque cette instance a été introduite par une déclaration d'appel antérieure à l'arrêt du 17 septembre 2020, la règle de procédure nouvelle énoncée pour la première fois par cet arrêt ne peut recevoir application.
8. Pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que dans le dispositif des conclusions de son avocat notifiées le 10 mai 2021, la SCI Riad ne sollicite pas l'infirmation du jugement du 21 septembre 2015 qui n'a pourtant fait droit à aucune de ses demandes concernant les deux prêts immobiliers restant en cause et que la cour d'appel, qui ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures des parties, n'est pas saisie d'une demande d'infirmation du jugement.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle elles ont relevé appel, soit le 13 novembre 2015, une telle portée résultant de l'interprétation nouvelle de dispositions au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'application de cette règle de procédure dans l'instance en cours aboutissant à priver la SCI Riad d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.
Condamne le Crédit immobilier de France développement, venant aux droits du Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille vingt-quatre.