LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 juin 2024
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 577 F-D
Pourvoi n° F 23-11.068
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024
M. [J] [E], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 23-11.068 contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2022 par la cour d'appel de Nîmes (5e chambre sociale PH), dans le litige l'opposant à la société Fresenius kabi France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société Fresenius kabi France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations écrites de Me Haas, avocat de M. [E], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Fresenius kabi France, après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Salomon, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 6 décembre 2022), M. [E], engagé en qualité de délégué commercial le 1er avril 1992 par la société T2A, aux droits de laquelle vient la société Fresenius kabi France, a été licencié pour faute grave le 24 mars 2016.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident qui est préalable
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité de licenciement, alors « que le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement ; qu'en rejetant sa demande en paiement d'une indemnité de licenciement après avoir retenu que le licenciement reposait, non sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse, et avoir constaté que le salarié comptait plus d'une année d'ancienneté, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-9 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le salarié conteste en réalité une omission de statuer.
5. Cependant, la cour d'appel, qui a confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, a expressément débouté le salarié de sa demande d'indemnité de licenciement et adopté les motifs du jugement de ce chef.
6. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 1234-9 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :
7. Selon ce texte, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
8. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité de licenciement, l'arrêt retient, par motifs propres, que la faute grave doit être requalifiée en cause réelle et sérieuse et par motifs adoptés que le licenciement est justifié de sorte que le salarié doit être débouté de sa demande au titre de l'indemnité de licenciement mais qu'il y a lieu de requalifier la faute grave en faute sérieuse ouvrant droit au paiement de l'indemnité de préavis.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait écarté la faute grave et constaté que le salarié avait une ancienneté de vingt-quatre ans, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [E] de sa demande d'indemnité de licenciement et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 6 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Fresenius kabi France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fresenius kabi France et la condamne à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-quatre.