LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 juin 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 352 F-D
Pourvoi n° U 23-16.876
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 19 JUIN 2024
La société Bunge Geneva, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1] (Suisse), a formé le pourvoi n° U 23-16.876 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2023 par la cour d'appel de Paris (chambre commerciale internationale, pôle 5, chambre 16), dans le litige l'opposant à la société BZ Grains, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Tréard, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Bunge Geneva, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société BZ Grains, après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Tréard, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 avril 2023) la société française BZ Grains, a conclu avec la société suisse Bunge Geneva, un contrat de fourniture de blé de meunerie transporté par navires au départ du port de [Localité 3]. Ce contrat faisait référence aux conditions « Incograin 13 et Synacomex 2000 » qui contiennent chacune une clause compromissoire, les premières désignant la Chambre Arbitrale Internationale de Paris (la CAIP) pour connaître des litiges, les secondes la Chambre Arbitrale Maritime de Paris (la CAMP). Le dernier chargement de blé à destination de l'Algérie a fait l'objet d'un refus d'importation par les autorités algériennes en raison de la découverte, lors du déchargement, d'une carcasse de sanglier mort dans la cale.
2. La société Bunge Geneva a saisi la CAIP d'une demande d'arbitrage, tout en formulant des réserves sur l'application de la clause compromissoire et en réservant son droit de saisir les tribunaux français.
3. La sentence arbitrale partielle rendue le 18 mars 2022 sous l'égide de la CAIP, a déclaré le tribunal arbitral compétent pour trancher le litige.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La société Bunge Geneva fait grief à l'arrêt de rejeter le recours en annulation formé contre cette sentence arbitrale et de la condamner à payer à la société BZ Grains la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « qu'une cour d'appel saisie d'une demande d'annulation d'une sentence arbitrale est tenue de s'interroger sur l'ensemble des éléments de fait et de droit relatifs à la compétence arbitrale, ce qui implique de s'interroger sur l'applicabilité au litige de la clause d'arbitrage contestée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a décidé que les parties avaient soumis leur accord à deux clauses compromissoires au champ d'application distinct, l'une ¿ la clause compromissoire comprise dans les conditions Incograin 13, désignant la chambre arbitrale internationale de Paris ¿ concernant les litiges relatifs aux contrats de vente de la filière céréale, l'autre ¿ la clause compromissoire comprise dans les conditions Synacomex 2000, désignant la chambre arbitrale maritime de Paris ¿ concernant les litiges relatifs aux contrats de transport maritime ; qu'il en résultait que la chambre arbitrale internationale de Paris n'était compétente pour connaître du litige qu'à la condition que celui-ci ait trait à l'exécution d'un contrat de vente de la filière céréale, et non à un contrat de transport maritime ; que cependant, sur ce point, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que "le juge de l'annulation n'étant pas le juge de la révision de la sentence, il ne lui appartient pas d'infirmer ou de confirmer les motifs de la sentence sur l'appréciation qu'a faite le tribunal arbitral de la nature du litige [en relevant que] les Parties au présent arbitrage agissent respectivement en qualité de vendeur et acheteur de grains, et non pas en tant que fréteur et affréteur"; qu'en statuant ainsi, tandis que l'appréciation de la nature du litige, conditionnant la compétence de la juridiction arbitrale saisie, relevait de la compétence du juge de l'annulation, la cour d'appel a violé l'article 1520, 1° du code de procédure civile ».
Réponse de la Cour
5. L'arrêt constate, d'abord, que le contrat signé par les parties ne contient pas de clause compromissoire mais renvoie aux conditions « Incograin 13 » et « Synacompex » qui chacune en contient une, rendant nécessaire de rechercher la commune intention des parties. Enonçant faire application des principes d'interprétation de bonne foi et d'effet utile, l'arrêt retient que l'incorporation par renvoi à des conditions du commerce international connues pour s'appliquer de façon différenciée aux contrats de la filière céréales d'une part et aux contrats de transport maritime d'autre part, ne peut que confirmer la volonté des parties de soumettre leurs litiges à l'arbitrage, en renvoyant à l'une ou l'autre desdites clauses, distinctes et non contradictoires, selon que le litige relève plutôt de l'une ou plutôt de l'autre clause.
6. Ayant constaté que le litige concernait une fourniture de blé de meunerie française effectuée en exécution du contrat signé par les parties et que les conditions Incograin 13, désignaient la CAIP pour les litiges relatifs aux contrats de la filière céréales, faisant ainsi ressortir que les demandes soumises au tribunal arbitral entraient dans le champ de la clause compromissoire mise en oeuvre, c'est à bon droit que la cour d'appel, sans encourir le grief du moyen qui attaque des motifs surabondants, a retenu que le tribunal arbitral avait admis sa compétence en faisant prévaloir le choix des parties selon les conditions applicables au différend.
7. Le moyen ne peut être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bunge Geneva aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille vingt-quatre.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre