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03/07/2024 | FRANCE | N°52400722

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 juillet 2024, 52400722


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 3 juillet 2024








Rejet




Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 722 F-D


Pourvoi n° D 23-13.941








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 JUILLET 2024


M. [X] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 23-13.941 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2023 par la cour d'appel de Lyo...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 juillet 2024

Rejet

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 722 F-D

Pourvoi n° D 23-13.941

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 JUILLET 2024

M. [X] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 23-13.941 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2023 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Le Seyec, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La société Le Seyec a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [H], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Le Seyec, après débats en l'audience publique du 4 juin 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Pecqueur, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Thuillier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 janvier 2023), M. [H] a été engagé en qualité de préparateur de commandes le 28 juin 1998 par la société Le Seyec. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable d'expédition.

2. Le salarié a été licencié pour faute grave le 9 novembre 2017.

Examen des moyens

Sur les moyens du pourvoi incident

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter la somme allouée à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que l'article 24.b de la Charte sociale européenne dispose qu'en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s'engagent à reconnaître le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ; que cette disposition qui crée des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la charte, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'a pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requiert l'intervention d'aucun acte complémentaire, est d'effet direct en droit interne ; que l'absence d'un tel effet ne saurait être déduite de la circonstance que la disposition désigne les Etats parties comme sujets de l'obligation qu'elle définit ; qu'en refusant de juger que cette stipulation pouvait être invoquée utilement par un salarié pour écarter l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail en présence d'une atteinte manifeste au droit à une indemnité adéquate en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article 24.b de la Charte sociale européenne ;

2°/ que l'article 24.b de la Charte sociale européenne, doté d'un effet direct entre particuliers, dispose qu'en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s'engagent à reconnaître le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ; que comme en a décidé le comité européen des droits sociaux dans sa décision du 23 mars 2022, les plafonds prévus par l'article L. 1235-3 du code du travail ne sont pas suffisamment élevés pour réparer le préjudice subi par la victime et être dissuasifs pour l'employeur ; qu'en outre le juge ne dispose que d'une marge de manoeuvre étroite dans l'examen des circonstances individuelles des licenciements injustifiés ; que pour cette raison, le préjudice réel subi par le salarié en question lié aux circonstances individuelles de l'affaire peut être négligé et, par conséquent, ne pas être réparé ; qu'en outre, les dérogations aux plafonds du barème sont limitées à certains cas ; qu'à la lumière de ces éléments, le droit à une indemnité adéquate au sens de l'article 24.b de la Charte sociale européenne n'est pas garanti par l'article L. 1235-3 dudit code ; qu'en refusant de déclarer cette disposition nationale incompatible avec l'article 24.b de la Charte sociale européenne, la cour d'appel a violé ledit article 24.b de la Charte sociale européenne ;

3°/ que l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné à l'article 1er de son protocole n° 1 prohibe les discriminations indirectes en raison de l'âge et de l'état de santé en matière de créances indemnitaires ; que dans la mesure où les salariés âgés de plus de 50 ans et/ou atteints d'un handicap ou d'une maladie rencontrent de plus grandes difficultés à retrouver un emploi que les autres salariés, les plafonds du barème instaurent indirectement une différence de traitement entre ce groupe particulier et les autres salariés pour le calcul de leur indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en ce qu'ils sont fixés uniquement en considération de l'ancienneté du salarié, sans tenir compte de son âge ou de son état de santé ; qu'en refusant d'écarter l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail, en ce qu'il instaure une discrimination indirecte fondée sur l'âge et l'état de santé contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des

droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné à l'article 1er de son protocole n° 1, la cour d'appel a violé ces deux derniers textes ;

4°/ que l'article 24.b de la Charte sociale européenne dispose qu'en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s'engagent à reconnaître le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ; que cette disposition dotée d'un effet direct entre les particuliers peut être invoquée utilement par un salarié pour écarter l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail, au regard de sa situation concrète et particulière, en cas d'atteinte manifeste à son droit à une indemnisation adéquate du préjudice causé par la perte injustifiée de son emploi ; qu'en s'abstenant de rechercher si le salarié, travailleur handicapé, âgé de 51 ans au moment du licenciement et ayant totalisé dix-neuf ans d'ancienneté, indûment licencié pour complicité de vol, ne subissait pas, au regard de sa situation concrète et particulière, une atteinte disproportionnée à son droit de bénéficier d'une indemnité adéquate tel que prévu par l'article 24.b de la Charte sociale européenne doté d'un effet direct du fait de l'application du barème prévu à l'article L. 1235-3 du code du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 24.b de la Charte sociale européenne ;

5°/ qu'aux termes de l'article 10 de la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ; que cette disposition, qui crée des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la convention, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'a pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requiert l'intervention d'aucun acte complémentaire, est d'effet direct en droit interne ; qu'il en résulte que cette disposition dotée d'un effet direct entre les particuliers peut être invoquée utilement par un salarié pour écarter l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail, au regard de sa situation concrète et particulière, en cas d'atteinte manifeste à son droit à une indemnisation adéquate du préjudice causé par la perte injustifiée de son emploi ; qu'en s'abstenant de rechercher si le salarié, travailleur handicapé, âgé de 51 ans au moment du licenciement et ayant totalisé dix-neuf ans d'ancienneté, indûment licencié pour complicité de vol, ne subissait pas, au regard de sa situation concrète et particulière, une atteinte disproportionnée à son droit de bénéficier d'une indemnité adéquate tel que prévu par l'article 10 de la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail du fait de l'application du barème prévu à l'article L. 1235-3 du code du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.

6. Ces dispositions sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention internationale du travail n° 158 concernant la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur.

7. Les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

8. L'invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, permettant d'allouer au salarié une indemnité fixée à une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par ce texte.

9. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a retenu que, les dispositions de la Charte sociale européenne n'étant pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l'invocation de son article 24 ne pouvait pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail et qu'il convenait d'allouer en conséquence au salarié une indemnité fixée à une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par ce texte, dont elle a souverainement évalué le montant.

10. Le moyen, inopérant en sa troisième branche dès lors que la cour d'appel n'a pas retenu le montant maximal d'indemnisation prévu à l'article L. 1235-3 du code du travail, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois, tant principal qu'incident ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400722
Date de la décision : 03/07/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 27 janvier 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 jui. 2024, pourvoi n°52400722


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400722
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