LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 juillet 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 436 F-D
Pourvoi n° K 23-23.561
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [V].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 9 janvier 2024.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUILLET 2024
M. [G] [V], domicilié chez M. [X] [N], [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 23-23.561 contre l'ordonnance rendue le 12 décembre 2023 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 11), dans le litige l'opposant au préfet de police de Paris, domicilié [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [V], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat dupréfet de police de Paris, après débats en l'audience publique du 4 juin 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 12 décembre 2023), le 4 décembre 2023, M. [V], de nationalité égyptienne, qui faisait l'objet d'une fiche, établie par le bureau de lutte contre l'immigration irrégulière en vue de son interpellation et communiquée aux services de police, a été interpellé par un officier de police judiciaire qui a procédé à un contrôle de son titre de séjour.
2. M. [V] a été placé en retenue administrative et le lendemain, en rétention administrative.
3. Le 7 décembre 2023, le juge des libertés et de la détention a été saisi par le préfet de police de Paris, sur le fondement de l'article L. 742-4, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), d'une requête en prolongation de la mesure de rétention.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. M. [V] fait grief à l'ordonnance de prolonger la mesure de rétention administrative jusqu'au 4 janvier 2024, alors :
« 1°/ que les contrôles de titres de séjour auxquels les autorités peuvent procéder en dehors de tout contrôle d'identité ne peuvent être que des contrôles aléatoires organisés pour une période et dans une zone déterminées, et non le contrôle ciblé d'une personne préalablement identifiée ; qu'en jugeant au contraire qu'il pouvait être procédé au contrôle ciblé de M. [V] sur le fondement d'une fiche administrative le concernant personnellement, le premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 812-2, 1°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
2°/ que les éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l'intéressé de nature à faire apparaître sa qualité d'étranger, justifiant un contrôle de titres de séjour en dehors de tout contrôle d'identité, sont ceux directement constatés par l'officier de police judiciaire aux temps et lieu du contrôle, et qui le conduisent à mettre en oeuvre immédiatement un tel contrôle ; que tel n'est pas le cas d'une fiche éditée par le bureau de lutte contre l'immigration irrégulière et communiquée aux forces de police, conduisant l'officier de police judiciaire à organiser un contrôle ciblé ; qu'en jugeant au contraire que le contrôle de M. [V] motivé par la communication antérieure d'une fiche administrative était fondé sur un élément d'information objectif déduit de circonstances extérieures, le premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 812-2, 1°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
3°/ que la fiche administrative qui ne mentionne que des informations relatives à la personne même de l'intéressé ne constitue pas un élément d'information objectif déduit de circonstances extérieures ; qu'en rejetant le moyen de nullité de M. [V] au motif que son extranéité se déduisait de circonstances extérieures résultant de la lecture de la fiche du BLII et qu'il s'agissait bien d'un élément d'information objectif, quand cette fiche comportait la photographie, le nom, la date et le lieu de naissance, la nationalité, le document d'identité et la situation administrative de M. [V], le premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 812-2, 1°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4°/ que le contrôle de titres de séjour, qui a pour objet de vérifier la mise en oeuvre des obligations faites aux étrangers de détention, de port et de production des documents attestant la régularité de leur entrée et de leur séjour en France, ne peut être mis en oeuvre lorsque l'officier de police judiciaire est d'ores et déjà informé de l'irrégularité de la situation de l'intéressé ; qu'il ressortait du procès-verbal de contrôle que l'officier de police judiciaire était informé de la situation irrégulière de M. [V] par la transmission d'une fiche le concernant par le bureau de lutte contre l'immigration irrégulière intitulée « fiche aux fins d'interpellation d'un étranger en situation irrégulière », et que le contrôle était uniquement motivé par cette transmission ; qu'en rejetant pourtant le moyen de nullité de M. [V] tiré d'un détournement de procédure au motif que ce contrôle aurait eu pour objet de vérifier que la personne interpellée était celle à l'encontre de laquelle avait été éditée une fiche mentionnant une situation irrégulière, le premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 812-2, 1°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5°/ subsidiairement, qu'une détention est arbitraire lorsque, même si elle est parfaitement conforme à la législation nationale, il y a eu un élément de mauvaise foi ou de tromperie de la part des autorités ; qu'en admettant que serait conforme à l'article L. 812-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la pratique consistant à procéder à un contrôle de titres de séjour alors même que l'irrégularité de la situation de l'étranger est connue, l'administration, au terme d'un tel contrôle dont elle connaît nécessairement l'issue, ne peut sans mauvaise foi placer l'étranger en retenue ou rétention administrative ; qu'en refusant de constater le caractère déloyal de la rétention administrative de M. [V], quand il relevait qu'elle était intervenue à l'issue d'un contrôle diligenté alors que l'officier de police judiciaire était informé de l'irrégularité de sa situation, le premier président a refusé de tirer les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 5§1 de la Convention européenne des droits de l'homme.»
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 812-2, 1°, du CESEDA, les contrôles des obligations de détention, de port et de présentation des pièces et documents prévus à l'article L. 812-1 peuvent être effectués, en dehors de tout contrôle d'identité, si des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l'intéressé sont de nature à faire apparaître sa qualité d'étranger.
6. C'est à bon droit que le premier président a, d'une part, retenu que la fiche dont disposait l'officier de police judiciaire constituait un élément d'information objectif extérieur à la personne au sens du texte précité pouvant justifier qu'il vérifie son identité et sa situation administrative sans avoir procédé à un contrôle aléatoire d'identité, peu important que l'élément objectif n'ait pas été constaté aux temps et lieu du contrôle et que l'officier de police judiciaire ait eu connaissance antérieurement de la situation de M. [V], d'autre part, écarté tout détournement de procédure et déloyauté dans la procédure de placement en rétention administrative.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.