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05/09/2024 | FRANCE | N°32400455

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 05 septembre 2024, 32400455


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3


MF






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 5 septembre 2024








Cassation partielle




Mme TEILLER, président






Arrêt n° 455 F-D


Pourvoi n° N 23-19.492








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 SEPTEMBRE 2024


La société Entreprise Eymery, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 23-19.492 contre l'a...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 septembre 2024

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 455 F-D

Pourvoi n° N 23-19.492

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 SEPTEMBRE 2024

La société Entreprise Eymery, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 23-19.492 contre l'arrêt rendu le 8 juin 2023 par la cour d'appel de Douai (3e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [O] [G], domicilié [Adresse 1],

2°/ à la société [G]-Cortier, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Griel, avocat de la société Entreprise Eymery, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [G] et de la société [G]-Cortier, après débats en l'audience publique du 18 juin 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 8 juin 2023), suivant marché de travaux du 6 novembre 1998, la société La Royale a confié la construction d'un immeuble à un groupement de dix-sept entreprises, dont la société Entreprise Eymery (la société Eymery), titulaire du lot « cloison, isolation, plafond suspendu ».

2. Par acte du 16 mai 2012, la société Eymery, représentée par M. [G], avocat, a engagé une action en paiement du solde de ses travaux, laquelle a été irrévocablement déclarée prescrite.

3. La société Eymery a assigné M. [G] et la société civile professionnelle [G]-Cortier (la SCP) en responsabilité et indemnisation de l'ensemble des préjudices résultant de l'acquisition de la prescription de son action.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Eymery fait grief à l'arrêt d'assortir la condamnation solidaire de M. [G] et de la SCP à lui payer 90 % de la somme de 34 087,94 euros des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2001, alors « qu'en se bornant, pour décider que l'article 18-7 de la norme Afnor NF P 03-001 qui majore le taux des intérêts contractuels en cas de défaillance du débiteur s'analyse en une clause pénale que le juge peut réduire en application de l'article 1152 du code civil, devenu l'article 1231-5 du même code, à énoncer lapidairement que ces intérêts moratoires ont pour objet non seulement d'indemniser de manière forfaitaire et anticipée le préjudice causé à la société Eymery par le non-respect du délai de paiement convenu mais aussi de contraindre le maître d'ouvrage à exécuter ponctuellement ses obligations, sans indiquer en quoi l'article 18-7 susvisé avait, outre la finalité d'inciter le débiteur à exécuter son obligation dans le délai convenu, celle d'indemniser forfaitairement le créancier de l'obligation, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a relevé que l'article 18-7 de la norme NF P03-001 de septembre 1991, rendue applicable au contrat par les parties, prévoyait que les retards de paiement ouvraient droit pour l'entrepreneur, après mise en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au paiement d'intérêts moratoires à un taux qui, à défaut d'être fixé au cahier des clauses administratives particulières, serait celui des obligations cautionnées augmenté de 2,5 points et que le taux contractuel s'élevait ainsi à 17 % l'an, de sorte que ces intérêts avaient pour objet, non seulement d'indemniser de manière forfaitaire et anticipée le préjudice causé à la société Eymery par le non-respect du délai de paiement convenu, mais aussi de contraindre le maître d'ouvrage à exécuter ponctuellement ses obligations, de sorte qu'elle constituait une clause pénale.

6. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

7. La société Eymery fait le même grief à l'arrêt, alors « que dans son rapport d'expertise judiciaire, M. [U] a énoncé que restait à régler à la société Eymery la somme de 223 602,26 francs HT correspondant à 34 087,94 ¿ HT, de sorte que la créance résiduelle s'élevait à 269 664,31 francs TTC soit 41 110,06 euros TTC, somme réclamée, à titre subsidiaire, par la société dans ses conclusions d'appel ; que, dès lors, en se déterminant par la circonstance que, dans son rapport d'expertise judiciaire du 30 décembre 2011, M. [U] avait fixé la créance résiduelle de la société Eymery à la somme de 223 602,26 francs soit 34 087,94 euros TTC, quand cette somme et sa conversion en euros correspondaient, selon le rapport d'expertise, au montant hors taxe restant dû à cette société, la cour d'appel a dénaturé ce rapport d'expertise, violant par là l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1192 du même code, ensemble le principe selon lequel il est fait défense au juge de dénaturer un écrit. »

Réponse de la Cour

8. Le moyen attaque le chef de dispositif en ce que la condamnation prononcée n'est assortie que des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2001, tandis que les motifs critiqués par le grief n'ont pas trait à la détermination de ce taux et de son point de départ.

9. Les motifs critiqués ne fondant pas le chef de dispositif attaqué, le moyen est donc inopérant.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. La société Eymery fait grief à l'arrêt d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 15 avril 2021 dans les conditions de l'article 1154 du code civil, alors « que la contradiction entre les motifs et le dispositif d'une décision équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en ordonnant, dans le dispositif de sa décision, la capitalisation des intérêts des sommes dues à l'exposante à compter du 15 avril 2021, après avoir énoncé dans ses motifs que cette capitalisation serait ordonnée à compter du 14 mai 2012, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. Le vice allégué par le moyen procède d'une erreur matérielle dont la rectification sera ci-après ordonnée en application de l'article 462 du code de procédure civile.

12. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

13. La société Eymery fait grief à l'arrêt d'assortir la condamnation solidaire de M. [G] et de la SCP à lui payer 90 % de la somme de 34 087,94 euros des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2001, alors « qu'en se bornant à énoncer, pour réduire le taux d'intérêt contractuel de 17 % litigieux à celui de l'intérêt légal non majoré, que ce taux contractuel apparaît manifestement excessif compte tenu des circonstances du présent litige en cours depuis 2001, présentant un caractère complexe avec de nombreux intervenants dans le cadre de l'instruction particulièrement longue du litige opposant le groupement d'entreprises ainsi que ses membres au maître d'ouvrage, l'expert judiciaire désigné le 4 avril 2000 ayant déposé son rapport le 30 décembre 2011, et qu'alors que la clause pénale a vocation à indemniser forfaitairement le préjudice résultant de l'inexécution contractuelle, il résulte de ces circonstances que le préjudice résultant de l'absence de paiement du solde est largement imputable à des facteurs étrangers au comportement du débiteur, de sorte qu'il convient de modérer la pénalité manifestement excessive, eu égard aux conditions du marché et aux circonstances du présent litige, en réduisant le taux d'intérêt à celui de l'intérêt légal non majoré, sans rechercher en quoi le taux d'intérêt litigieux était manifestement excessif en considération du préjudice effectivement subi par le créancier et constater la disproportion manifeste entre l'importance du préjudice effectivement subi et le montant conventionnellement fixé, la cour d'appel, qui s'est déterminée par une motivation inopérante, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1152 du code civil, devenu l'article 1231-5 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1152, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

14. Selon ce texte, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

15. Pour réduire le montant de la clause pénale stipulée au contrat, l'arrêt retient que le taux contractuel de 17 % apparaît manifestement excessif, compte tenu des circonstances du litige en cours depuis 2001, présentant un caractère complexe avec de nombreux intervenants dans le cadre de l'instruction particulièrement longue opposant le groupement d'entreprises ainsi que ses membres au maître d'ouvrage, l'expert judiciaire désigné le 4 avril 2000 ayant déposé son rapport le 30 décembre 2011, de sorte que le préjudice résultant de l'absence de paiement du solde est largement imputable à des facteurs étrangers au comportement du débiteur.

16. En se déterminant ainsi, par des motifs tirés du comportement du débiteur de la pénalité, impropres à justifier le caractère manifestement excessif du montant de la clause, lequel doit être apprécié au regard de la disproportion manifeste entre l'importance du préjudice effectivement subi et le montant conventionnellement fixé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il assortit la condamnation solidaire de M. [G] et la société civile professionnelle [G]-Cortier à payer à la société Entreprise Eymery 85 % de la somme de 34 087,94 euros des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2001, l'arrêt rendu le 8 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Réparant l'erreur matérielle affectant l'arrêt attaqué, remplace dans son dispositif, en page n° 21 :

« Ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 15 avril 2021 dans les conditions de l'article 1154 du code civil ; »

par

« Ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 14 mai 2012 dans les conditions de l'article 1154 du code civil ; »

Condamne M. [G] et la société civile professionnelle [G]-Cortier aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [G] et la société civile professionnelle [G]-Cortier ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Boyer, conseiller faisant fonction de doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 32400455
Date de la décision : 05/09/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 08 juin 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 05 sep. 2024, pourvoi n°32400455


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Le Griel

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:32400455
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