LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 septembre 2024
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 841 F-D
Pourvoi n° H 22-20.610
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [E].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 9 juin 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 SEPTEMBRE 2024
Mme [G] [E], domiciliée [Adresse 1], [Localité 4], a formé le pourvoi n° H 22-20.610 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société GRDF, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [E], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société GRDF, après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Douxami, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 octobre 2021), Mme [E] a été engagée par la société GRDF en qualité d'assistante de direction, suivant contrat de professionnalisation à durée déterminée du 5 septembre 2016 au 29 août 2018, en vue de la préparation d'un brevet de technicienne supérieure.
2. L'établissement qui lui dispensait la formation qu'elle était contractuellement tenue de suivre lui a notifié deux avertissements, les 2 février et 12 juin 2017, en raison de ses absences injustifiées, puis l'a exclue le 19 juillet 2017 pour non-respect du règlement intérieur et écarts de comportement.
3. L'employeur l'a convoquée, le 19 juillet 2017, à un entretien préalable puis lui a notifié, le 31 juillet 2017, la rupture anticipée de son contrat pour faute grave.
4. La salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de cette mesure.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer fondée la rupture de son contrat pour faute grave et de la débouter de l'ensemble de ses demandes, alors « que la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, le licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués ; qu'en retenant que le comportement de la salariée, qui rendait impossible son maintien dans l'entreprise, était constitutif d'une faute grave, après avoir constaté que l'employeur, qui avait eu connaissance des absences injustifiées dès le 31 octobre 2016, n'avait introduit la procédure de licenciement que le 26 juillet 2017, avant de lui notifier son licenciement par courrier du 31 juillet 2017, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que la faute imputée à la salariée était exclusive de toute gravité, violant ainsi les articles L. 1234-1 et suivants du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail :
6. La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la procédure de rupture anticipée du contrat de formation professionnelle doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués et dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.
7. Pour dire que la rupture anticipée du contrat de professionnalisation de la salariée reposait sur une faute grave, l'arrêt retient qu'un second avertissement lui avait été décerné par l'établissement de formation en raison de 72 heures d'absences injustifiées, correspondant à 10 journées d'absence sur sept mois, dont l'employeur avait eu connaissance le 12 juin 2017 et qu'elle s'était abstenue, de manière réitérée, de suivre l'enseignement correspondant à sa formation, en dépit de ses obligations contractuelles, d'un premier avertissement du centre de formation, d'une mise en garde par sa tutrice après le 31 octobre 2016 et d'un rappel de son responsable hiérarchique le 6 février 2017.
8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions de la salariée, si la procédure de licenciement avait été mise en oeuvre dans un délai restreint après la constatation par l'employeur des faits, le 12 juin 2017, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription des faits fautifs, l'arrêt rendu le 20 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société GRDF aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société GRDF à payer à la SAS Buk Lament-Robillot la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille vingt-quatre.