LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 septembre 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 475 F-D
Pourvoi n° R 23-13.308
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 SEPTEMBRE 2024
1°/ [C] [B], ayant été domicilié [Adresse 4], décédé,
2°/ Mme [W] [B], domiciliée [Adresse 3], agissant en qualité d'héritière de [C] [B],
ont formé le pourvoi n° R 23-13.308 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2023 par la cour d'appel de Metz (3e chambre, baux ruraux), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [S] [U], domicilié [Adresse 2],
2°/ à Mme [X] [K], épouse [U],
3°/ à M. [O] [U],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [B], venant aux droits de [C] [B], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de MM. [S] et [O] [U], et de Mme [K], après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandjean, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à Mme [B], ayant droit de [C] [B], décédé le 7 août 2023, de sa reprise d'instance.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 12 janvier 2023, RG n° 20/01934), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 10 septembre 2020, pourvoi n° 19-11.556), [E] [U] (le preneur) a pris à bail des terres appartenant à [C] [B] (le bailleur).
3. Par lettre du 30 avril 2016, le notaire du bailleur lui a notifié une déclaration d'intention d'aliéner.
4. Par lettre du 16 juin 2016, le preneur a exercé son droit de préemption sous réserve de la fixation judiciaire du prix.
5. Par déclaration du 24 juin 2016, il a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en détermination de la valeur vénale des biens, objet de la vente.
6. Le bailleur a demandé, à titre reconventionnel, la déchéance du droit de préemption et la résiliation du bail.
7. MM. [S] et [O] [U], Mme [K] sont intervenus à l'instance en qualité d'héritiers de [E] [U], décédé le 25 janvier 2020.
Examen des moyens
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. Le bailleur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en résiliation du bail, alors « que toute cession ou sous-location de bail rural est interdite sauf accord des bailleurs ; qu'en jugeant que la preuve d'une cession ou d'une sous-location des terres louées n'est pas rapportée, après avoir constaté que « le défaut d'exploitation effective et permanente des parcelles par le preneur est établi » et que les terres étaient exploitées par M. [S] [U], qui s'est lui-même présenté comme nouveau preneur, serait-ce avec l'aide de ses frères, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 411-31, II, 1°, et L. 411-35, alinéa 1er, du code rural et de la pêche maritime :
9. Selon le second de ces textes, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur.
10. Selon le premier, toute contravention aux dispositions précitées entraîne la résiliation du bail.
11. Pour rejeter la demande en résiliation du bail, l'arrêt retient que l'état de santé de [E] [U], âgé de 82 ans lors de l'introduction de la demande en résiliation, ne lui permettait plus, depuis plusieurs années d'exploiter effectivement et de façon permanente la parcelle objet du bail à ferme, comme il y était tenu, mais que la preuve d'une cession ou d'une sous-location du bail au profit d'un tiers n'est cependant pas rapportée, dès lors que le bailleur ne démontre pas que le preneur s'est substitué totalement à son fils.
12. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en résiliation du bail de [C] [B] et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 12 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;
Condamne MM. [S] et [O] [U], et Mme [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [S] et [O] [U], et Mme [K] et les condamne à payer à Mme [B], venant aux droits de [C] [B], la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille vingt-quatre.