LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 22-86.366 F-D
N° 01017
SL2
18 SEPTEMBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 SEPTEMBRE 2024
La société Hameau des Rennes, MM. [W] [T] et [L] [I] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 19 octobre 2022, qui, pour fraude fiscale a condamné, la première à 25 000 euros d'amende, le deuxième à six mois d'emprisonnement avec sursis et 6 000 euros d'amende et le troisième à six mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d'amende et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de MM. [W] [T], [L] [I], et de la société Hameau des Rennes, les observations de la SCP Foussard-Froger, avocat de la direction générale des finances publiques et de la direction régionale des finances publiques de la région Provence-Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 juin 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A la suite d'une procédure de vérification de comptabilité, l'administration fiscale a déposé plainte, sur avis conforme de la commission des infractions fiscales, contre la société Hameau des Rennes (la société) du chef de fraude fiscale.
3. A l'issue de l'enquête préliminaire, la société et ses gérants, MM. [W] [T] et [L] [I], ont été cités devant le tribunal correctionnel pour soustraction frauduleuse à l'établissement et au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) exigible au titre du mois de décembre 2013.
4. Par jugement du 22 novembre 2021, le tribunal correctionnel les a condamnés de ce chef.
5. Les prévenus, le procureur de la République et la direction générale des finances publiques ont interjeté appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens, le troisième moyen, pris en sa seconde branche, et le quatrième moyen
6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ensemble des dispositions pénales du jugement attaqué, alors :
« 1°/ que, d'une part, lorsque le prévenu de fraude fiscale justifie avoir fait l'objet, à titre personnel, d'une sanction fiscale pour les mêmes faits, il appartient au juge pénal, après avoir caractérisé les éléments constitutifs de cette infraction au regard de l'article 1741 du code général des impôts, et préalablement au prononcé de sanctions pénales, de vérifier que les faits retenus présentent le degré de gravité de nature à justifier la répression pénale complémentaire ; qu'en prononçant à l'égard de la société Hameau des Rennes une peine de 25.000 euros d'amende cumulativement aux sanctions fiscales déjà définitivement prononcées, sans rechercher si la répression pénale était justifiée au regard de la gravité des faits retenus, en se bornant à affirmer péremptoirement « qu'il appartient au prévenu de justifier qu'il a fait l'objet, à titre personnel, de pénalités fiscales, même non définitives, pour les mêmes faits que ceux visés par la poursuite pénale » et que « tel n'est pas le cas en l'espèce » (arrêt, p. 11, § 3 et 4), lorsqu'il résulte des pièces de la procédure et des écritures déposées par la société prévenue qu'elle s'est vue appliquée une pénalité définitive de 40 % des droits éludés pour manquement délibéré sur le fondement de l'article 1729 du Code général des impôts pour des faits identiques à ceux qui sont l'objet de la présente procédure pénale ; la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 1729 et 1741 du Code général des impôt, de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel énoncée dans ses décisions n° 2016-545 QPC et n° 2016-546 QPC du 24 juin 2016, et de l'article 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Pour déclarer la société coupable de fraude fiscale sans vérifier au préalable que les faits retenus contre elle présentent le degré de gravité de nature à justifier le cumul de sanctions pénale et fiscale, l'arrêt attaqué énonce que la prévenue n'établit pas qu'elle a fait l'objet, à titre personnel, de pénalités fiscales, même non définitives, pour les mêmes faits que ceux visés par la poursuite pénale.
9. En statuant ainsi, par des motifs relevant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve contradictoirement débattus devant elle, contre lesquels aucun grief de dénaturation des pièces de procédure n'est invoqué, la cour d'appel a justifié sa décision.
10. Ainsi, le moyen doit être écarté.
11. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille vingt-quatre.