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26/09/2024 | FRANCE | N°32400515

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 26 septembre 2024, 32400515


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3


JL




COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 26 septembre 2024








Rejet




Mme TEILLER, président






Arrêt n° 515 FS-B


Pourvoi n° B 23-13.893








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 SEPTEMBRE 2024


Mme [A] [T], épouse [H], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 23-13.893 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2023 par la cour d'appel de Douai...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 septembre 2024

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 515 FS-B

Pourvoi n° B 23-13.893

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 SEPTEMBRE 2024

Mme [A] [T], épouse [H], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 23-13.893 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2023 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 4), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [S] [B],

2°/ à Mme [L] [D], épouse [B],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

3°/ à la société Les Harys, exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits du GAEC [B],

4°/ à M. [O] [B],

5°/ à Mme [F] [C], épouse [B],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations et les plaidoiries de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [T], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [S] [B], de Mme [D] et de l'exploitation agricole à responsabilité limitée Les Harys, et l'avis de Mme Compagnie, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Pic, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Compagnie, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 26 janvier 2023), par acte du 27 février 2002, [P] [W], usufruitière, et ses deux enfants, Mme [Z] [T] et M. [Y] [T], nus-propriétaires, ont donné à bail à M. [S] [B] et Mme [D], son épouse, ainsi qu'à M. [O] [B] et Mme [C], son épouse, (les copreneurs) diverses parcelles.

2. Les parcelles ont été mises à la disposition de l'exploitation agricole à responsabilité limitée Les Harys (l'EARL) dont Mme [D] est devenue associée à compter du 21 juin 2018.

3. Par acte du 11 mai 2015, M. [Y] [T] et Mme [Z] [T], devenus pleinement propriétaires après le décès d'[P] [W] en 2011, ont vendu l'ensemble des parcelles données à bail à Mme [A] [T] (la bailleresse).

4. Le 21 février 2020, la bailleresse a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première à troisième branches

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

6. La bailleresse fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en résiliation, alors :

« 4°/ que la faculté de mettre les biens loués à la disposition d'une société à objet principalement agricole impose, en cas de pluralité de preneurs, que ceux-ci en soient tous associés et qu'à défaut, le preneur non associé manque à son obligation de se consacrer personnellement à la mise en valeur de ces biens et procède à une cession prohibée ; que la cession prohibée constitue une infraction qui n'est pas susceptible d'être régularisée ; qu'en retenant, pour débouter Mme [T] de sa demande de résiliation du bail pour cession prohibée en raison du défaut de qualité d'associée de Mme [L] [D] épouse [B] de l'EARL Les Harys avant le 21 juin 2018, qu'à la date de la demande de résiliation du bail, le 21 février 2020, la situation était régularisée, Mme [D] étant entrée dans la société en qualité de gérante-associée, la cour d'appel a violé les articles L. 411-37, L. 411-35 et L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ;

5°/ que la faculté de mettre les biens loués à la disposition d'une société à objet principalement agricole impose, en cas de pluralité de preneurs, que ceux-ci en soient tous associés et qu'à défaut, le preneur non associé manque à son obligation de se consacrer personnellement à la mise en valeur de ces biens et procède à une cession prohibée ; que le renouvellement du bail ne prive pas le bailleur de la possibilité d'en demander la résiliation pour la cession prohibée résultant du défaut de qualité d'associé du preneur qui a mis les parcelles données à bail à disposition d'une société au cours du bail expiré ; qu'en décidant néanmoins, pour débouter Mme [T] de sa demande de résiliation du bail pour cession prohibée en raison du défaut de qualité d'associée de Mme [L] [D] épouse [B] de l'EARL Les Harys avant le 21 juin 2018, que la faute commise et régularisée avant le renouvellement du bail, le 1er octobre 2019, ne pouvait être invoquée dans le cadre du bail renouvelé, la cour d'appel a violé les articles L. 411-37, L. 411-35 et L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur.

8. Selon l'article L. 411-37 du même code, le preneur associé d'une société à objet principalement agricole peut mettre à la disposition de celle-ci, pour une durée qui ne peut excéder celle pendant laquelle il reste titulaire du bail, tout ou partie des biens dont il est locataire, sans que cette opération puisse donner lieu à l'attribution de parts. Il doit, à peine de résiliation, continuer à se consacrer à l'exploitation du bien loué mis à disposition, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation.

9. Selon l'article L. 411-31, II, 1° et 3°, de ce code, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie soit d'une contravention aux dispositions de l'article L. 411-35, soit, si elle est de nature à porter préjudice au bailleur, d'une contravention aux obligations dont le preneur est tenu en application de l'article L. 411-37.

10. Le preneur ou, en cas de cotitularité, l'un ou les copreneurs, qui mettent les biens loués à la disposition d'une société dont ils ne sont pas associés mais qui continuent à se consacrer à l'exploitation de ceux-ci, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, n'abandonnent pas la jouissance du bien loué à cette société et ne procèdent donc pas à une cession prohibée du bail.

11. Il en résulte que, dans ce cas, le bailleur ne peut solliciter la résiliation du bail que sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 3°, et est donc tenu de démontrer que le manquement est de nature à lui porter préjudice.

12. Après avoir constaté que Mme [D] n'était devenue associée en qualité de co-gérante de l'EARL que le 21 juin 2018, la cour d'appel a, par motifs adoptés, souverainement retenu que la bailleresse ne démontrait aucun préjudice résultant de la situation passée.

13. Elle en a exactement déduit que la demande en résiliation devait être rejetée, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la cinquième branche.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [T] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [T] et la condamne à payer à M. [S] [B], Mme [D] et l'exploitation agricole à responsabilité limitée Les Harys la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé le vingt-six septembre deux mille vingt-quatre, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 32400515
Date de la décision : 26/09/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

BAIL RURAL - Bail à ferme - Résiliation - Sous-location ou cession illicite - Mise à disposition d'une société d'exploitation agricole - Participation aux travaux de façon effective et permanente du preneur - Qualité d'associé du preneur - Défaut - Effets - Action en résiliation - Conditions - Détermination

Le preneur ou, en cas de cotitularité, l'un ou les copreneurs, qui mettent les biens loués à la disposition d'une société dont ils ne sont pas associés mais qui continuent à se consacrer à l'exploitation de ceux-ci, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, n'abandonnent pas la jouissance du bien loué à cette société et ne procèdent donc pas à une cession prohibée du bail. Il en résulte que, dans ce cas, le bailleur ne peut solliciter la résiliation du bail que sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 3°, du code rural et de la pêche maritime et est donc tenu de démontrer que le manquement est de nature à lui porter préjudice


Références :

Articles L. 411-31, II, 1° et 3°, L. 411-35 et L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 26 janvier 2023

3e Civ., 26 septembre 2024, pourvoi n° 23-12967, Bull., (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 26 sep. 2024, pourvoi n°32400515


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SAS Buk Lament-Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:32400515
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