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09/10/2024 | FRANCE | N°C2401210

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 octobre 2024, C2401210


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° T 23-84.702 F-D


N° 01210




ODVS
9 OCTOBRE 2024




CASSATION




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 OCTOBRE 2024






M. [N] [

X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 13 juillet 2023, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, dix a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° T 23-84.702 F-D

N° 01210

ODVS
9 OCTOBRE 2024

CASSATION

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 OCTOBRE 2024

M. [N] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 13 juillet 2023, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, dix ans d'interdiction d'activité en lien avec les mineurs et a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.

Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [N] [X], les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [L] [K], Mmes [H] [T] et [D] [K], et de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [C] [W], Mmes [O] [P] et [U] [W], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 septembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par ordonnance du 29 avril 2019, le juge d'instruction a renvoyé M. [N] [X] des chefs de cinq agressions sexuelles commises sur mineurs de 15 ans en février, mars et octobre 2017.

3. Par jugement du 29 octobre 2021, le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, dix ans d'interdiction d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs et a prononcé sur les intérêts civils.

4. Le prévenu a relevé appel ; le ministère public et les parties civiles ont formé appel incident.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [X] coupable des faits d'agression sexuelle imposée à un mineur de 15 ans commis courant février 2017 et jusqu'au 28 février 2017, courant mars 2017 et jusqu'au 31 mars 2017 et le 13 octobre 2017 à Givry, l'a condamné pénalement et a statué sur les intérêts civils, alors :

« 1°/ que le principe de présomption d'innocence implique que le doute profite au prévenu ; que pour déclarer M. [X] coupable des faits d'agression sexuelle sur mineur de quinze ans à savoir, [D] [K], [D] [A], [S] [F], [I] [E] et [Z] [W] la cour d'appel a relevé toute à la fois, en premier lieu, concernant [S] [F], que M. [X] « avait posé sa main contre sa fesse en posant sa paume contre son téléphone » puis qu'il « lui avait tapé sur la fesse droite », en deuxième lieu, que [D] [A] et [I] [E] avaient indiqué « que M. [X] leur avait mis la main aux fesses » puis que [D] [A] avait fait valoir « que M. [X] avait touché son téléphone avec son pouce » et [I] [E] qu'il avait « posé la main sur le téléphone qui était dans sa poche et qu'elle avait senti sa paume sur une partie de ses fesses sans qu'il rentre sa main dans sa poche », en troisième lieu, concernant [D] [K], que M. [X] « lui avait mis la main aux fesses » puis que « son bras avait touché la fesse de [D] [K] » et que « son poignet avait accidentellement heurté les fesses de la jeune filles » et, en dernier lieu, s'agissant de [Z] [W], qu'elle avait indiqué que M. [X] « avait plaqué sa main sur ses fesses et ensuite qu'elle avait senti la main sur sa fesse droite et les doigts qui bougeaient un peu » puis qu'elle avait souligné « j'étais assise sur une chaise devant un ordinateur, [N] [X] s'est assis à côté de moi pour m'aider dans mon travail et il a glissé sa main dans le dos de ma chaise (dans le trou de ma chaise) et il a plaqué sa main sur ma fesse et j'ai tout de suite réagi, je me suis décalée » ; qu'en statuant ainsi, alors que l'ensemble de ces éléments jetait un doute sur la culpabilité de M. [X], la cour d'appel a insuffisamment justifié sa décision au regard des articles 222-22 du code pénal et 593 du code de procédure pénale, ensemble le principe de présomption d'innocence ;

2°/ que l'infraction d'agression sexuelle suppose l'intention de l'auteur du geste de porter atteinte à la liberté sexuelle d'autrui ; qu'en.déclarant M. [X] coupable des faits poursuivis au motif que « l'ensemble des éléments ci-dessus rappelés permettent de lui imputer les gestes dénoncés par les cinq adolescentes » après avoir relevé que la jeune [D] « a au début pensé que ce geste pouvait ne pas avoir été volontaire », que M. [X] avait indiqué être parti en chasse contre les téléphones portables et que trois des victimes avaient indiqué, y compris lors d'une confrontation avec les enquêteurs, que « M. [X] avait mis la main aux fesses alors qu'elles avaient en effet un téléphone dans leur poche arrière », que [D] avait déclaré « que M. [X] avait « touché le téléphone avec son pouce, le pouce rentré à l'intérieur de sa poche et le reste des doigts à l'extérieur », que « [S] [F] rapportait des faits similaires, [N] [X] ayant posé sa main contre sa fesse en posant sa paume contre son téléphone » que « [S] a relaté qu'il lui avait tapé sur la fesse droit en lui disant que les téléphones devaient être dans les sacs », qu'il « avait reconnu s'être un peu enfermé dans sa lutte contre les portables » et que « toutes les jeunes victimes ont décrit des gestes similaires, comme étant de simples appositions sur la fesse, sans pression appuyée et sans mouvements circulaires », ce dont il résultait que M. [X] n'avait pas eu l'intention de porter atteinte à leur liberté sexuelle en commettant les gestes qui lui étaient reprochés mais avait seulement voulu qu'elles retirent leur téléphone de leur poche, la cour d'appel qui s'est contredite, a insuffisamment justifié sa décision au regard de l'article 222-22 du code pénal dans sa version applicable aux faits de l'espèce en vigueur du 11 juillet 2010 au 23 avril 2021, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que tout jugement de condamnation doit constater, à la charge du prévenu, l'existence de chacun des éléments constitutifs de chacune des infractions dont il le déclare coupable ; qu'en énonçant, pour dire établis les délits d'agression sexuelle, « que toutes les jeunes filles ont décrit des gestes similaires, sans en rajouter (?) », « que M. [X] a beau invoqué un complot de la part des élèves, des parents et de ses collègues, force est de constater que les gestes ont été décrits par cinq mineures différentes, non des garçons, dont certaines ne connaissaient pas ou n'étaient pas dans la même classe et au cours de deux années scolaires différentes » et « que les expertises psychologiques des mineurs n'ont pas révélé de traits d'affabulation et elles apparaissent tout à fait crédibles, aucune d'entre elles n'étaient en conflit avec [N] [X] », la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'élément matériel et intentionnel de l'infraction, n'a pas justifié sa décision pour les motifs au regard de l'article 222-22 du code pénal ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;

4°/ qu'il résultait des pièces du dossier que trois classes appelées au téléphone par les officiers de police judiciaire ont répondu à 100 % par la négative à la question « M. [X] a-t-il des gestes déplacés, un comportement déplacé ? » et que le procès-verbal d'audition de [U] [R], camarade placée juste à côté de [S] [F], rapportait qu'il « ne s'était rien passé de déplacé » avec la seconde (D00127) ; qu'en l'ayant cependant déclaré coupable des faits poursuivis, la cour d'appel qui s'est contredite a insuffisamment justifié sa décision au regard de l'article 222-22 du code pénal dans sa version applicable aux faits de l'espèce en vigueur du 11 juillet 2010 au 23 avril 2021, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;

5°/ que la cour d'appel a énoncé, pour déclarer M. [X] coupable des faits poursuivis « que cependant, si le contact physique admis a été tout à fait fortuit et non volontaire, il est difficile de concevoir que [N] [X] ait pu déduire de ce simple geste qu'il allait avoir des ennuis et « que sa carrière était finie », qu'en statuant ainsi tandis que M. [X] faisait valoir que sa réaction était liée au contexte toxique de la rumeur probablement née en décembre 2016 au sujet de la caméra qu'il aurait fait installer ainsi qu'à l'affaire concernant des propos déplacés qu'il aurait tenus en juin 2017 qui l'avait profondément affecté et que cinq de ses collègues avaient attesté de son bon comportement professionnel, la cour d'appel, qui n'a pas répondu à ces éléments, a insuffisamment justifié sa décision au regard de l'article 222-22 du code pénal dans sa version applicable aux faits de l'espèce en vigueur du 11 juillet 2010 au 23 avril 2021, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

6. Selon ce texte, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

7. Pour déclarer le demandeur coupable d'agressions sexuelles aggravées, en application, notamment, des dispositions de l'article 222-22, alinéa 1er, du code pénal, dans sa version applicable à la date des faits et antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021, l'arrêt attaqué fait état d'attouchements pratiqués par ce dernier sur les victimes ; il retient la crédibilité des déclarations de celles-ci et écarte les arguments avancés par le prévenu.

8. En prononçant ainsi, sans s'expliquer, de manière suffisante, sur la nature sexuelle des agissements qu'elle a réprimés, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

9. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Dijon, en date du 13 juillet 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Besançon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Dijon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2401210
Date de la décision : 09/10/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 13 juillet 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 oct. 2024, pourvoi n°C2401210


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SARL Le Prado - Gilbert, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C2401210
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