LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 24-84.813 F-D
N° 01390
16 OCTOBRE 2024
SL2
QPC INCIDENTE : RENVOI AU CC
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 16 OCTOBRE 2024
M. [O] [E] a présenté, par mémoire spécial reçu le 6 septembre 2024 une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1re section, en date du 1er juillet 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de dégradations aggravées et démoralisation de l'armée en vue de nuire à la défense nationale, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.
Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [O] [E], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article 413-4 du code pénal, qui définissent et répriment l'infraction de participation à une entreprise de démoralisation de l'armée en vue de nuire à la défense nationale, méconnaissent-elles les droits et libertés que la Constitution garantit et, notamment, le principe de légalité des délits et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par l'article 34 de la Constitution, et la liberté d'expression garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? ».
2. La disposition législative contestée, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000, est applicable à la procédure et n'a pas été déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. La question posée présente un caractère sérieux en ce qu'il n'est pas exclu que la disposition critiquée puisse porter atteinte au principe de légalité des délits et des peines et à la liberté d'expression des idées et des opinions.
4. En effet, d'une part, le texte ne définit pas la notion de démoralisation de l'armée.
5. D'autre part, en raison de l'imprécision de l'incrimination, l'infraction peut porter, selon les circonstances de sa commission, une atteinte qui n'apparaît ni adaptée, ni nécessaire ni proportionnée au droit d'expression collective des idées et des opinions.
6. En conséquence, il y a lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.