LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
VB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 octobre 2024
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 579 FS-B
Pourvoi n° T 22-20.367
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 OCTOBRE 2024
M. [D] [X], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° T 22-20.367 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2022 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre 1re section), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [Y] [E], domicilié [Adresse 3] (Suisse),
2°/ à Mme [B] [Z], domiciliée [Adresse 2], pris en qualité de mandataire judiciaire de la succession de [N] [E],
3°/ à M. [S] [O], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [X], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [E], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 septembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mmes Lion, Daniel, Marilly, Vanoni-Thierry, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles,14 juin 2022), [N] [E] est décédée le 8 décembre 2008, en laissant pour lui succéder son fils, M. [E], en l'état d'un testament authentique daté du 13 juillet 2007 instituant M. [X] légataire universel.
2. Le 12 mai 2014, M. [X] a demandé la délivrance de son legs à M. [E], puis, celui-ci l'ayant informé de son refus, il l'a, le 10 mars 2015, assigné en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession.
3. M. [E] a invoqué une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en délivrance de ce legs.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deux dernières branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, qui est irrecevable, et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. M. [X] fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite sa demande en délivrance du legs contenu dans le testament du 13 juillet 2007 et de dire que ce legs est privé de toute efficacité, alors « que l'action en délivrance du légataire universel est soumise à la prescription décennale de l'article 780 du code civil ; qu'en faisant application de la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil pour déclarer prescrite la demande de délivrance de son legs formée par M. [X] en sa qualité de légataire universel, la cour d'appel a violé les articles 780 et 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
7. Il résulte de l'article 1004 du code civil qu'à défaut de délivrance volontaire, le légataire universel est tenu de demander en justice la délivrance des biens compris dans le testament aux héritiers réservataires.
8. L'action en délivrance du legs, qui présente le caractère d'une action personnelle, est soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du même code.
9. Après avoir relevé que le point de départ de la prescription de l'action en délivrance du legs universel de M. [X] devait être fixé au 8 décembre 2008, date du décès d'[N] [E], la cour d'appel a retenu qu'aucune demande formée par M. [X] lors du litige tendant à l'interprétation du testament, tranché par l'arrêt du 30 janvier 2014, ne pouvait s'analyser en une demande reconventionnelle aux fins de délivrance de son legs, et que cette procédure n'avait pas suspendu la prescription de l'action en délivrance du legs.
10. Elle en a exactement déduit que la demande de délivrance du legs de M. [X] était prescrite et que son legs était privé de toute efficacité.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
12. M. [X] fait grief à l'arrêt de décider que les frais de déménagement, de garde-meubles et d'administration seront payés par lui, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé ; que M. [X] sollicitait la condamnation de M. [E] au paiement de l'ensemble des frais de garde-meubles, de déménagement et d'administration judiciaire ; que M. [E] ne présentait, à titre principal en cas de prononcé de la prescription, aucune demande relative à ces frais et demandait, à titre subsidiaire, que l'ensemble des frais de garde-meubles, de déménagement et d'administration judiciaire soient à la charge de la succession ; qu'en condamnant M. [X] à payer les frais de déménagement, de garde-meubles et d'administration bien qu'aucune des parties n'ait présenté une telle demande, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
13. Aux termes de ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
14. Pour dire que l'ensemble des frais de déménagement, garde-meubles et administration sera mis à la charge de M. [X], l'arrêt retient que les frais litigieux ont été générés en vain par l'inaction de celui-ci à solliciter la délivrance de son legs en justice dans le délai quinquennal de prescription, de sorte qu'ils doivent demeurer à sa charge.
15. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, M. [E] demandait, à titre principal, que soit constatée la prescription de l'action en délivrance du legs de M. [X] et que soit ordonnée, sous astreinte, la restitution de tous les meubles et de tous les fonds qui avaient été remis et payés en exécution du jugement, et, à titre subsidiaire, qu'il soit dit que l'ensemble des frais de garde-meubles, de déménagement et d'administration judiciaire seraient à la charge de la succession, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation du chef de dispositif disant que les frais de déménagement, de garde-meubles et d'administration seront payés par M. [X] n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt le condamnant aux dépens de première instance et d'appel, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille vingt-quatre.