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23/10/2024 | FRANCE | N°52401060

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 octobre 2024, 52401060


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1




COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 23 octobre 2024








Cassation partielle




Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 1060 F-D


Pourvoi n° X 22-13.747




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________

________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 OCTOBRE 2024


M. [M] [W], domicilié [Adresse 5], agissant en qualité de syndic à la liquidation des biens de la société de droit monégasque...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 octobre 2024

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1060 F-D

Pourvoi n° X 22-13.747

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 OCTOBRE 2024

M. [M] [W], domicilié [Adresse 5], agissant en qualité de syndic à la liquidation des biens de la société de droit monégasque Cosmetic Laboratories, a formé le pourvoi n° X 22-13.747 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2021 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [F] [T], domicilié [Adresse 1],

2°/ à la Caisse de garantie des créances des salariés de Monaco, dont le siège est [Adresse 2],

3°/ à l'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 7], dont le siège est [Adresse 3],

4°/ à l'UNEDIC délégation AGS CGEA faillite transnationale, dont le siège est [Adresse 4], venant aux droits du CGEA d'[Localité 6],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Doumic-Seiller, avocat de M. [W], ès qualités, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [T], après débats en l'audience publique du 24 septembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Panetta, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 25 novembre 2021), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 29 mai 2019, pourvoi n° 18-10.602) et les productions, M. [T] a été engagé en qualité de représentant exclusif le 28 août 2003 par la société de droit monégasque Cosmetic Laboratories (la société).

2. Par jugement du tribunal de première instance de Monaco du 7 mars 2013, la société a été déclarée en cessation de paiement et M. [W] a été désigné en qualité de syndic.

3. Ce dernier a, par lettre du 4 avril 2013, notifié au salarié la rupture du contrat de travail pour motif économique.

4. Invoquant l'application de la loi française au contrat de travail, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement et obtenir notamment le paiement de diverses indemnités de rupture, le remboursement de frais professionnels et des rappels de commissions.

5. Par jugement du 18 décembre 2014, la société a été mise en liquidation de biens.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

7. M. [W], ès qualités, fait grief à l'arrêt de dire le licenciement du salarié dénué de cause réelle et sérieuse, de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société au profit du salarié diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 2°/ que l'absence de convocation à un entretien préalable au licenciement ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'en se fondant pourtant sur l'absence d'entretien préalable, pour considérer que le licenciement du salarié était dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-11 du code du travail ;

3°/ qu'en outre, l'absence de proposition d'un contrat de sécurisation professionnelle ne prive pas plus le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-66 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1233-11 et L. 1233-66 du code du travail, celui-ci dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

8. Ni l'absence d'entretien préalable au licenciement, ni le défaut de proposition d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle n'ont pour effet de priver la cause du licenciement pour motif économique de son caractère réel et sérieux.

9. Pour dire le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les dispositions relatives à la convocation du salarié à un entretien préalable au licenciement et à la proposition d'un contrat de sécurisation professionnelle n'ont pas été respectées dans le cadre de la procédure de licenciement du salarié, celui-ci n'ayant bénéficié ni d'un entretien préalable ni d'aucune proposition de contrat de sécurisation professionnelle.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

11. M. [W], ès qualités, fait le même grief à l'arrêt, alors « que la lettre de licenciement qui vise la cessation d'activité de l'entreprise est suffisamment motivée dès lors qu'il s'en déduit la suppression de tous les postes de travail ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement, qui visait le jugement de première instance du 7 mars 2013 ayant désigné Me [M] [W] comme syndic, indiquait que ''cette décision compte tenu de l'absence d'autorisation de poursuite de l'activité de la SAM Cosmetic Laboratories implique le licenciement de l'ensemble du personnel'' ; que cette lettre de licenciement était suffisamment motivée ; qu'en considérant pourtant, pour considérer que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, que les dispositions de l'article L. 1233-15 du code du travail, prévoyant que la lettre de licenciement doit comporter, non seulement l'énonciation des difficultés économiques, des mutations technologiques ou de la réorganisation de l'entreprise, mais également l'énonciation des incidences de ces éléments sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié licencié, n'avaient pas été respectées, la lettre de licenciement du 4 avril 2013 évoquant simplement l'absence d'autorisation de poursuite de l'activité de la société sans autre explication, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 8 de la convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 relative à la faillite et à la liquidation judiciaire et l'article L. 1232-6, alinéas 1 et 2, du code du travail :

12. Selon le premier de ces textes, toutes les décisions rendues en matière de faillite ou de liquidation judiciaire dans l'un des deux pays auront autorité de chose jugée dans l'autre dès lors qu'elles auront acquis cette autorité dans le pays où elles auront été rendues.

13. La lettre de licenciement pour motif économique émanant du syndic désigné par le tribunal de la procédure collective monégasque est suffisamment motivée dès lors qu'elle vise le jugement constatant l'état de cessation des paiements et l'absence d'autorisation de la continuation de l'exploitation.

14. Pour dire le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la lettre de licenciement du 4 avril 2013 évoque simplement l'absence d'autorisation de poursuite de l'activité de la société sans autre explication.

15. En statuant ainsi, alors qu'elle a constaté que la lettre de licenciement visait le jugement rendu le 7 mars 2013 par le tribunal de première instance de Monaco déclarant la cessation des paiements de la société et l'absence d'autorisation de poursuite de l'exploitation, de sorte que la lettre de licenciement satisfait aux exigences de motivation, la cour d'appel a violé les textes susvisés

Et sur le deuxième moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

16. M. [W], ès qualités, fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur de rechercher tous les emplois disponibles dans l'entreprise ou parmi les entreprises appartenant au même groupe, dans lesquelles une permutation est possible, trouve sa limite dans la cessation d'activité de l'entreprise qui n'appartient pas à un groupe ; qu'en l'espèce, pour considérer que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu qu'il apparaît que les dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail n'ont pas été respectées dans le cadre de la procédure de licenciement de M. [T], s'agissant de l'absence de reclassement et que ''les arguments développés par M. [W], ès qualités, concernant l'impossibilité de facto de reclassement (?) sont insuffisants puisqu'en tout état de cause les dispositions impératives du code du travail n'ont pas été respectées'' ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la société Cosmetic Laboratories n'avait pas cessé toute activité et si cette société appartenait ou non à un groupe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1233-4, alinéa 1er, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

17. Selon ce texte, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

18. L'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur de rechercher tous les emplois disponibles dans l'entreprise ou parmi les entreprises appartenant au même groupe, dans lesquelles une permutation est possible, trouve sa limite dans la cessation d'activité de l'entreprise.

19. Si la preuve de l'exécution de l'obligation de reclassement incombe à l'employeur, il appartient au juge, en cas de contestation sur l'existence ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties.

20. Pour dire le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les arguments développés par M. [W], ès qualités, concernant l'impossibilité de facto de reclassement en raison de la cessation d'activité de la société et sa liquidation sont insuffisants puisqu'en tout état de cause les dispositions impératives du code du travail n'ont pas été respectées.

21. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la société n'avait pas cessé toute activité et si cette société appartenait ou non à un groupe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

22. La cassation des chefs déclarant le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse et fixant au passif de la liquidation de la société diverses sommes au titre de la rupture, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt confirmant le jugement en ce qu'il a fixé au passif de la procédure collective de la société une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile et fixant au passif des sommes sur ce même fondement, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et fixe au passif de la liquidation des biens de la société de droit monégasque Cosmetic Laboratories la somme de 25 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 25 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52401060
Date de la décision : 23/10/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 25 novembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 oct. 2024, pourvoi n°52401060


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Doumic-Seiller

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52401060
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