LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
SA9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 novembre 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 596 F-D
Pourvoi n° M 23-18.594
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 NOVEMBRE 2024
Mme [G] [O], domiciliée [Adresse 1], [Localité 5] (Royaume-uni), a formé le pourvoi n° M 23-18.594 contre l'arrêt rendu le 14 mars 2023 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Versailles, domicilié en son parquet général, [Adresse 2], [Localité 3], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [O], après débats en l'audience publique du 17 septembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 mars 2023), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 7 juillet 2021, pourvoi n° 20-15.316), Mme [O] s'est vu refuser la délivrance d'un certificat de nationalité française comme née le 16 septembre 1980 à [Localité 4] (Cameroun), d'un père français, au motif que, à la suite des vérifications effectuées par les autorités consulaires, l'acte de naissance qu'elle produit serait apocryphe.
2. Elle a introduit une action déclaratoire de nationalité.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième, cinquième et sixième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, septième et huitième branches
Enoncé du moyen
4. Mme [O] reproche à l'arrêt de dire qu'elle n'est pas française et d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil, alors :
« 1°/ que suivant l'article 34 de l'accord de coopération en matière de justice entre la France et le Cameroun du 21 février 1974 « en matière civile, sociale ou commerciale, les décisions contentieuses ou gracieuses rendues par une juridiction siégeant en France ou au Cameroun sont reconnues de plein droit sur le territoire de l'autre État si elles réunissent les conditions suivantes : a) Les parties ont été régulièrement citées, représentées ou déclarées défaillantes ; b) litige entre les mêmes parties, fondé sur les mêmes faits et ayant le même objet ; n'est pas pendant devant une juridiction de l'État requis, ou n'a pas donné lieu à une décision rendue dans l'État requis, ou n'a pas donné lieu à une décision rendue dans un État et réunissant les conditions nécessaires à son exequatur dans l'État requis ; c) La décision, d'après la loi de l'État où elle a été rendue, ne peut plus faire l'objet d'un recours ordinaire ou d'un pourvoi en cassation ; d) La décision émane d'une juridiction compétente d'après les règles de conflit de l'État requis, sauf renonciation de la partie intéressée ; e) La décision n'est pas contraire à une décision judiciaire prononcée dans cet État et possédant à son égard l'autorité de la chose jugée ; f) elle ne contient rien de contraire à l'ordre public de l'État où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables dans cet État » ; qu'en énonçant, pour débouter Madame [O] de sa demande, « qu'il ressort [ait] également que [de] la requête de Madame [O] n'était pas datée et qu'elle a indiqué s'être rendue compte d'une "erreur" sur son acte de naissance à l'occasion de l'introduction "d'un dossier relatif à un voyage" au consulat de France au Cameroun (pièce 19 appelante) » pour en déduire qu' « Il s'ensuit que le tribunal n'a pas été informé de l'acte de naissance produit par Madame [O] auprès des autorités françaises ni de ses démarches destinées à obtenir un certificat de nationalité française » cependant qu'il résultait de la lecture de la requête adressé au tribunal de Douala qu'il était indiqué « qu'en ce qui concerne [G] [J] [O], née à [Localité 4], le 16 septembre 1980 de père [T] [O] et de mère [I] [H] [Y], le Consulat de France où elle a déposé un dossier contenant la copie de l'acte de naissance à elle délivrée par la Mairie de [Localité 4] et, lui a notifié le rejet de son dossier au motif que son acte de naissance était « apocryphe ». Que s'étant rendue à la Mairie, il a été découvert qu'effectivement le numéro porté sur son acte de naissance correspondait plutôt à l'acte de naissance du nommé [E] [C] [Z] [M] né le 7 septembre 1980. Que bien que la Mairie ait confirmé cette erreur au Consulat de France dans différentes correspondances, le rejet de son dossier a été maintenu » (cf. requête aux fins de rectification d'état civil du 23 décembre 2011 de Madame [O] [G] et de Madame [O] [P]), la cour d'appel de renvoi a violé les articles 34 et 38 de l'accord de coopération en matière de justice entre la France et le Cameroun du 21 février 1974 ;
2°/ qu'en toute hypothèse, l'autorité attachée à un jugement supplétif d'état civil étranger ne peut être écartée en raison d'une fraude que si cette dernière a influé sur ce jugement ; qu'en énonçant, pour débouter Madame [O] de sa demande « qu'il ressort [ait] également que [de] la requête de Madame [O] n'était pas datée et qu'elle a indiqué s'être rendue compte d'une "erreur" sur son acte de naissance à l'occasion de l'introduction "d'un dossier relatif à un voyage" au consulat de France au Cameroun (pièce 19 appelante) » pour en déduire qu' « Il s'ensuit que le tribunal n'a pas été informé de l'acte de naissance produit par Madame [O] auprès des autorités françaises ni de ses démarches destinées à obtenir un certificat de nationalité française », sans rechercher si cette prétendue dissimulation aurait pu avoir eu une incidence sur la solution du jugement, la cour d'appel de renvoi a privé sa décision de base légale au regard des articles 34 et 38 de l'accord de coopération en matière de justice entre la France et le Cameroun du 21 février 1974 ;
7°/ que sous réserve des dispositions des articles 38, 39, 40 et 41 de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945, la femme étrangère qui épouse un français acquiert la nationalité française au moment de la célébration du mariage ; qu'en énonçant qu'ainsi que le démontrait l'acte de mariage versé aux débats, [D] [A] [B] était divorcée, et non veuve, lors de son mariage avec [F] [X] de sorte qu'elle n'avait pas pu acquérir la nationalité française, la cour d'appel de renvoi a violé l'article 37 de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945 ;
8°/ que l'abrogation par le Conseil constitutionnel d'une disposition législative, en ce qu'elle fait perdre à l'arrêt qui en fait application son fondement juridique, entraîne de plein droit l'anéantissement de celui-ci ; que par suite de la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 84 de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945 qui sera prononcée par le Conseil constitutionnel, auquel sera renvoyée la question prioritaire de constitutionnalité posée par Madame [G] [O] par mémoire distinct, l'arrêt attaqué devra être annulé par voie de conséquence pour perte de fondement juridique au regard de l'article 84 de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945. »
Réponse de la Cour
5. L'arrêt constate d'abord que Mme [O], pour établir son état civil et son lien de filiation avec un père français, a produit, à l'appui de sa demande de certificat de nationalité française, un acte de naissance dressé le 20 septembre 1980 portant le numéro 980/80, dont les constatations effectuées par les services consulaires français ont révélé qu'il correspondait à un acte de naissance dressé au nom d'une autre personne et qu'il présentait un numéro de feuillet surchargé, sans aucune référence à l'année au cours de laquelle il avait été dressé, contrairement aux deux actes précédents numérotés 978/80 et 979/80 figurant dans le même registre, de sorte que ce document a été considéré comme apocryphe.
6. L'arrêt retient, ensuite, que si Mme [O] produit un nouvel acte de naissance n° 980/80 bis, dressé en exécution d'un jugement camerounais du 2 août 2012, cette décision judiciaire a été obtenue par fraude, dès lors que l'intéressée a présenté au juge camerounais une requête tendant à rectifier une simple erreur, sans mentionner les diligences effectuées auprès des autorités françaises pour obtenir un certificat de nationalité française.
7. Indépendamment du motif, erroné mais surabondant, tiré de l'application du 1° de l'article 84 de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945 portant code de la nationalité française, dans sa rédaction initiale, qui excluait la femme divorcée du bénéfice de l'acquisition de la nationalité française par mariage, disposition que le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2024-1086 QPC du 25 avril 2024, a déclaré contraire à la Constitution, c'est sans excéder les limites du contrôle autorisé par l'Accord de coopération en matière de justice du 21 février 1974 entre la France et le Cameroun, que la cour d'appel a pu déduire de ces constatations que le jugement camerounais, obtenu par fraude, ne pouvait être reconnu en France, de sorte que Mme [O] ne faisait pas la preuve d'un état civil certain.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille vingt-quatre.