LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 24-80.550 F-D
N° 01347
RB5
13 NOVEMBRE 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 NOVEMBRE 2024
L'officier du ministère public près le tribunal de police de Bordeaux a formé un pourvoi contre le jugement dudit tribunal, en date du 11 décembre 2023, qui a relaxé la société [2] [S] du chef de contravention au code de la route.
Un mémoire et un mémoire personnel en défense ont été produits.
Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 8 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Un excès de vitesse a été relevé à l'encontre du conducteur d'un véhicule appartenant à la société [2] [S], anciennement dénommée [1].
3. Un avis de contravention pour non-désignation de conducteur a été émis le 26 mai 2023 et envoyé à la société [1], prise en la personne de son représentant légal, M. [W] [S].
4. Sur la contestation formulée par l'avocat de M. [S] contre un avis d'amende forfaitaire majorée adressé à la société, le tribunal de police a été saisi.
5. La citation à comparaître a été délivrée à M. [S] sans qu'il y soit précisé que celui-ci était désigné en qualité de représentant légal de ladite société.
Examen de la recevabilité du mémoire personnel en défense
6. Ce mémoire n'est pas signé par un avocat à la Cour de cassation. Dès lors, il est irrecevable par application de l'article 585 du code de procédure pénale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen est pris de la violation des articles 550, 555, 537, 706-41, 706-42, 706-43 et 706-46 du code de procédure pénale.
8. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré nulle la citation, dit y avoir lieu à annulation de pièces de la procédure et relaxé la société [2] [S], représentée par M. [S], alors que le réquisitoire aux fins de citation joint en annexe de celle-ci mentionne la société prise en la personne de son représentant légal, [W] [S], que celui-ci ne pouvait ignorer être cité en qualité de représentant légal de la société et que l'avocat représentant à la fois la personne morale et le gérant de la société a développé une défense au fond, de sorte qu'il n'y a pas eu d'atteinte à ses intérêts.
Réponse de la Cour
Vu les articles 565 du code de procédure pénale et L. 121-6 du code de la route :
9. Selon le premier de ces textes, la nullité d'un exploit ne peut être prononcée que lorsqu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne qu'il concerne, sous réserve, pour les délais de citation, des dispositions de l'article 553, 2°, du même code.
10. En vertu du second, le représentant légal d'une personne morale peut être poursuivi pour n'avoir pas satisfait, dans le délai qu'il prévoit, à l'obligation de communiquer l'identité et l'adresse de la personne physique qui, lors de la commission d'une infraction constatée selon les modalités prévues à l'article L. 130-9 du code de la route, conduisait le véhicule détenu par cette personne morale. Les poursuites peuvent dès lors être engagées tant contre la personne morale que contre son dirigeant.
11. Pour accueillir le moyen de nullité tiré de l'imprécision de la citation, le jugement attaqué énonce que la désignation dans la citation faite à la personne physique de M. [S] est incomplète et mal dirigée.
12. En se déterminant ainsi, le tribunal a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
13. En effet, il ne résulte de l'intitulé du destinataire de la citation aucune atteinte aux intérêts de ladite société qui, représentée devant le juge par un avocat, a été en mesure de présenter une défense au fond. Au surplus, le mandement joint à la citation et comportant l'indication des faits reprochés mentionnait comme prévenue la société [2] [S] prise en la personne de son représentant légal.
14. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement susvisé du tribunal de police de Bordeaux, en date du 11 décembre 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant le tribunal de police de Bordeaux, autrement composé, à ce désigné par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe du tribunal de police de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite du jugement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille vingt-quatre.