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04/12/2024 | FRANCE | N°12400686

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 décembre 2024, 12400686


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1


MY1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 4 décembre 2024








Rejet




Mme CHAMPALAUNE, président






Arrêt n° 686 F-D


Pourvoi n° Z 22-24.490














R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
___

______________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 DÉCEMBRE 2024


La société Bayer HealthCare, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° Z 22-24.490 contre l'arrêt rendu...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 décembre 2024

Rejet

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 686 F-D

Pourvoi n° Z 22-24.490

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 DÉCEMBRE 2024

La société Bayer HealthCare, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° Z 22-24.490 contre l'arrêt rendu le 19 octobre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 3), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [S] [L], domiciliée [Adresse 6],

2°/ à Mme [K] [P], épouse [N], domiciliée [Adresse 1],

3°/ à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 7], établissement public,

4°/ à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), dont le siège est [Adresse 2], établissement public,

5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Bas-Rhin, dont le siège est [Adresse 3],

6°/ à M. [H] [U], domicilié [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Bayer HealthCare, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [P], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat del'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, après débats en l'audience publique du 15 octobre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué ( Paris, 19 octobre 2022), rendu en référé, de 1984 à 2010, Mme [N] s'est vu prescrire, notamment par M. [U] et Mme [L], de l'Androcur, médicament ayant pour principe actif l'acétate de cyprotérone produit par la société Bayer Healthcare. Le 8 novembre 2011, elle a subi une exérèse de trois méningiomes.

2. Le 8 novembre 2021, Mme [N], imputant l'apparition de ces tumeurs à la prise d'Androcur, a, après un échec de la procédure de règlement amiable, assigné la société Bayer Healthcare, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affection iatrogènes et des infections nosocomiales, l'Agence nationale de sécurité du médicament, ainsi que M. [U] et Mme [L] devant le juge des référés aux fins d'obtenir la désignation d'un collège d'experts, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine.

3. La société Bayer HealthCare a opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action qui pourrait être engagée au fond.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société Bayer HealthCare fait grief à l'arrêt d'écarter la fin de non-recevoir et d'ordonner une mesure d'expertise judiciaire, alors :

« 1°/ que si le prononcé d'une mesure d'instruction in futurum n'exige pas que le demandeur ait à établir le bien-fondé de l'action en vue de laquelle la mesure est sollicitée, il suppose toutefois que cette action ne soit pas manifestement vouée à l'échec, notamment en raison de son irrecevabilité au regard de l'ensemble des fondements invocables ; qu'en retenant en l'espèce, pour accueillir la demande d'expertise médicale sollicitée par Mme [N], que cette dernière "caractérise suffisamment l'existence d'un procès potentiel, non manifestement voué à l'échec, en expliquant qu'elle recherchera notamment la responsabilité de la société Bayer Healthcare, puisque l'exigence d'un motif légitime n'implique pas que le demandeur à la mesure d'instruction énonce précisément le fondement juridique de éventuel litige ultérieur au fond", cependant que l'irrecevabilité manifeste de l'action au fond pouvant être intentée à l'encontre de la société exposante, de nature à faire obstacle au prononcé de la mesure d'expertise médicale sollicitée, nécessitait de connaitre le fondement juridique de l'éventuel litige ultérieur, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation de l'article 145 du code de procédure civile ;

2°/ que le prononcé d'une mesure d'instruction in futurum suppose que l'action au fond susceptible d'être introduite ne soit pas manifestement vouée à l'échec, et notamment irrecevable au regard du ou des fondements pouvant être invoqués par le demandeur ; que si le régime de responsabilité du fait des produits défectueux ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité, c'est à la condition que ceux-ci reposent sur des fondements différents, telle l'existence d'une faute distincte du défaut de sécurité du produit ; que ce défaut de sécurité peut être intrinsèque, lorsqu'il tient à la dangerosité du produit, ou extrinsèque lorsqu'il découle de l'absence d'information relative à celui-ci ; qu'est en conséquence irrecevable toute action en responsabilité civile de droit commun fondée sur la soi-disant dangerosité d'un produit ou sur lemanquement à l'obligation d'information ou de vigilance relative aux risques liés à celui-ci, cette action n'étant alors pas fondée sur une faute distincte du défaut de sécurité du produit ; qu'en énonçant en outre en l'espèce, pour décider que la prescription de l'action pouvant être engagée au fond n'était pas acquise avec évidence, qu'il était "inexact que Mme [N] ait exclusivement excipé de la seule responsabilité du fait des produits défectueux, puisqu'elle a également invoqué la responsabilité pour faute du fait de l'obligation de vigilance de l'appelante", cependant que l'action en responsabilité civile de droit commun fondée sur une telle faute de vigilance, non distincte d'un éventuel défaut de sécurité du médicament litigieux, était manifestement irrecevable, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile, ensemble les articles 1240 et 1245-17 du code civil ;

3°/ que si le prononcé d'une mesure d'instruction in futurum n'exige pas que le demandeur ait à établir le bien-fondé de l'action en vue de laquelle la mesure est sollicitée, il suppose toutefois que cette action ne soit pas manifestement vouée à l'échec, notamment en raison de son irrecevabilité du fait du jeu de la prescription ; que l'action en responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que Mme [N] "a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) du Bas-Rhin d'une demande d'indemnisation le 13 mai 2014", que la CCI ayant diligenté une expertise, les experts ont conclu, aux termes de leur rapport du 24 novembre 2014, "à l'absence de lien de causalité entre le traitement Androcur et les troubles survenus" et que "par avis du 27 janvier 2015, la CCI s'est déclarée incompétente pour statuer sur la demande d'indemnisation, les seuils de gravité prévus à l'article L. 1142-1 du code de la santé publique n'étant pas atteints" ; qu'en décidant cependant que l'action que Mme [N] était susceptible d'engager au fond à l'encontre de la société Bayer HealthCare n'était manifestement pas vouée à l'échec, car prescrite, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que la demanderesse, dont l'assignation en référé est en date du 8 novembre 2021, avait eu connaissance, dès le 24 novembre 2014 et au plus tard le 27 janvier 2015, du dommage, du défaut éventuel du produit incriminé et de l'identité du producteur, puisqu'elle avait fondé sa demande d'indemnisation amiable sur l'ensemble de ses éléments, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui s'en évinçaient, a violé l'article 145 du code de procédure civile, ensemble l'article 1245-15 du code civil ;

4°/ que si le prononcé d'une mesure d'instruction in futurum n'exige pas que le demandeur ait à établir le bien-fondé de l'action en vue de laquelle la mesure est sollicitée, il suppose toutefois que cette action ne soit pas manifestement vouée à l'échec, notamment en raison de son irrecevabilité du fait du jeu de la prescription ; que l'action en responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que Mme [N] "a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) du Bas-Rhin d'une demande d'indemnisation le 13 mai 2014", que la CCI ayant diligenté une expertise, les experts ont conclu, aux termes de leur rapport du 24 novembre 2014, "à l'absence de lien de causalité entre le traitement Androcur et les troubles survenus" et que "par avis du 27 janvier 2015, la CCI s'est déclarée incompétente pour statuer sur la demande d'indemnisation, les seuils de gravité prévus à l'article L. 1142-1 du code de la santé publique n'étant pas atteints" ; qu'il résultait de ces éléments que la demanderesse avait connaissance, dès le 24 novembre 2014 et au plus tard le 27 janvier 2015, du dommage, du défaut éventuel du produit incriminé et de l'identité du producteur, puisqu'elle avait fondé sa demande d'indemnisation amiable sur l'ensemble de ses éléments ; qu'en énonçant, pour décider que l'action que Mme [N] était susceptible d'engager au fond à l'encontre de la société Bayer HealthCare n'était manifestement pas vouée à l'échec, car prescrite, que "l'avis de la CCI de 2015 a précisément écarté l'existence d'un produit défectueux ayant entraîné le dommage de Mme [N]" et que "des études plus récentes peuvent être de nature à modifier cette analyse", motifs impropres à remettre en cause la connaissance que la demanderesse avait du défaut éventuel du produit incriminé, du dommage et de l'identité du producteur dès le 24 novembre 2014 et au plus tard le 27 janvier 2015, la cour d'appel a derechef violé l'article 145 du code de procédure civile, ensemble l'article 1245-15 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. C'est dans l'exercice de leur pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui leur étaient soumis que les juges des référés ont estimé, au vu d'études récentes sur le risque de méningiome chez la femme en cas d'exposition prolongée à de fortes doses d'acétate de cyprotérone ainsi que des régimes de responsabilité du fait des produits défectueux et de droit commun pour faute que Mme [N] serait susceptible d'invoquer, qu'il existait un motif légitime et que l'action envisagée, n'étant pas manifestement prescrite, n'était pas vouée à l'échec.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Bayer Healthcare aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme [N] et à l'ONIAM la somme de globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12400686
Date de la décision : 04/12/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 octobre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 déc. 2024, pourvoi n°12400686


Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune (président)
Avocat(s) : SARL Gury & Maitre, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 31/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:12400686
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