LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 décembre 2024
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 679 F-D
Pourvoi n° E 22-21.712
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 DÉCEMBRE 2024
La société REBCAPA, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 22-21.712 contre l'arrêt rendu le 6 juillet 2022 par la cour d'appel de Rennes (5ème chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [L] [C], épouse [F], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à M. [H] [F], domicilié [Adresse 4],
3°/ à Mme [U] [F], épouse [D], domiciliée [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grandjean, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société REBCAPA, de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [F] et Mmes [U] [F] et [L] [C], après débats en l'audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grandjean, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 6 juillet 2022), rendu en référé, le 17 novembre 2020, M. [F] et Mmes [F] épouse [D] et [C] épouse [F] (les bailleurs), propriétaires de locaux commerciaux donnés à bail à la société REBCAPA (la locataire) pour une activité de restauration, lui ont délivré un commandement de payer un arriéré de loyers depuis mai 2020 visant la clause résolutoire insérée au bail, puis l'ont assignée en constat de l'acquisition de cette clause.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. La locataire fait grief à l'arrêt de constater l'acquisition de la clause résolutoire, d'ordonner son expulsion et de la condamner à payer aux bailleurs une certaine somme provisionnelle au titre de l'arriéré locatif et de l'indemnité d'occupation, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en se fondant pour écarter l'application au bénéfice de la société Rebcapa, des dispositions des articles 4 de l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 et 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 qui excluent la mise en oeuvre d'une clause résolutoire du bail pour non-paiement des loyers et charges dus pour une période durant laquelle l'activité de l'entreprise est affectée par une mesure de police administrative au visa de l'état d'urgence sanitaire, sur l'absence de preuve de la perte de 50% du chiffre d'affaires sur la période de référence exigée par les dispositions des décrets n° 2020-371 du 30 mars 2020, n° 2020-378 du 31 mars 2020 pour l'application de l'ordonnance du 25 mars 2020 et n° 2020-1766 du 30 décembre 2020 pris pour l'application de la loi du 14 novembre 2020, quand les dispositions de ces décrets n'étaient pas invoqués par les consorts [F] qui ne contestaient pas que la société Rebcapa avait subi une perte de plus de 50% de son chiffre d'affaires sur la période de référence, la Cour d'appel a relevé un moyen d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, et partant a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
3. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
4. Pour constater l'acquisition, au 17 décembre 2020, de la clause résolutoire insérée au bail, l'arrêt retient que la locataire, qui ne justifie pas de son éligibilité aux dispositifs de protection, faute d'établir une perte de son chiffre d'affaires d'au moins 50 % sur certaines périodes, ne démontre pas réunir les conditions d'application des dispositions de l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 et l'article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 dont elle sollicite le bénéfice.
5. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne M. [F] et Mmes [F] épouse [D] et [C] épouse [F] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [F] et Mmes [F] épouse [D] et [C] épouse [F] et les condamne in solidum à payer à la société REBCAPA la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille vingt-quatre.