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17/12/2024 | FRANCE | N°C2401530

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 décembre 2024, C2401530


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° Y 24-80.180 F-B


N° 01530




SL2
17 DÉCEMBRE 2024




CASSATION




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 17 DÉCEMBRE 2024






M.

[I] [O] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 7 juillet 2023, qui, dans la procédure suivie contre lui notamment des chefs de faux et usage, a prononcé sur les intérêts ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Y 24-80.180 F-B

N° 01530

SL2
17 DÉCEMBRE 2024

CASSATION

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 17 DÉCEMBRE 2024

M. [I] [O] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 7 juillet 2023, qui, dans la procédure suivie contre lui notamment des chefs de faux et usage, a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [I] [O], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par jugement devenu définitif de ce chef, le tribunal correctionnel a relaxé M. [I] [O] du chef d'escroquerie et l'a déclaré coupable de faux et usage, au détriment de la société [2].

3. Statuant ultérieurement sur intérêts civils, le tribunal correctionnel a déclaré la constitution de partie civile de la société [2] recevable et condamné M. [O] à lui verser certaines sommes à titre de dommages-intérêts.

4. M. [O] a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [O] à payer à la société [2] des dommages et intérêts, alors « qu'il ne résulte d'aucune mention de l'arrêt que le prévenu ait reçu notification du droit de se taire ; même si l'arrêt statue uniquement dans le cadre de l'action civile, les explications que le prévenu condamné peut être amené à fournir sur l'action civile peuvent être de nature à l'incriminer ; le droit de se taire devait donc lui être notifié et la cour d'appel a statué en violation de l'article 406 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

6. Les dispositions de l'article 406 du code de procédure pénale relatives au droit de se taire devant les juridictions pénales, qui ont pour objet d'empêcher qu'une personne prévenue d'une infraction ne contribue à sa propre incrimination, ne sont pas applicables devant la juridiction correctionnelle lorsque celle-ci se prononce uniquement sur les intérêts civils.

7. En conséquence, le moyen, inopérant, doit être écarté.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [O] ¿ définitivement condamné du chef de faux et usage de faux K bis d'une société [1] ¿ à payer à la société [2] des dommages et intérêts d'un montant de 283 616,50 euros correspondant exactement d'après le document comptable de la société [2] auquel la cour d'appel se réfère expressément, aux sommes versées par cette société pour cinq chantiers sous traités par elle à la société [1] après « simple vérification arithmétique » des documents et factures produits par la société [2], alors :

« 1°/ que le préjudice octroyé à la partie civile doit être en lien direct avec la faute pénale dont le prévenu a été reconnu coupable ; la seule circonstance que celui-ci a falsifié le K bis de la société [1] et obtenu, à l'aide de cette falsification, des marchés de sous-traitance que, sans ce faux, la société [2] n'aurait pas voulu lui confier, n'a pas pour conséquence directe le montant des travaux payés par cette dernière, dont rien ne permet de dire ni qu'ils n'ont pas été exécutés, ni qu'ils ne l'ont pas été dans les règles de l'art ; en octroyant à la société [2] le remboursement de l'intégralité du prix des marchés exécutés, et non le simple préjudice résultant du faux et de son usage, qui ne pouvait être que l'influence éventuelle sur le choix de son sous traitant par la société [2], la cour d'appel a indemnisé un préjudice qui n'est pas directement fonction de l'infraction constituée, et violé les articles 1240 du code civil et 2 du code de procédure pénale ;

2°/ que la prévention d'origine visait un abus de confiance requalifié en escroquerie, dont M. [O] a été relaxé par l'arrêt définitif statuant sur l'action publique le 22 janvier 2020 au motif exprès que « l'enquête n'a pas permis d'établir en quoi le choix de la SAS [1], société sous-traitante pour le compte de la SA [2], donneuse d'ordre, aurait été effectué au détriment de celle-ci » ; ces motifs excluent tout lien de causalité entre le comportement de M. [O] et les marchés passés ; en octroyant à la société [2] à titre de dommages et intérêts le montant de ces marchés, en l'absence de tout préjudice, la cour d'appel a méconnu l'autorité de chose jugée au pénal ;

3°/ que la réparation doit être sans perte ni profit pour la victime ; en octroyant à la société [2] le montant du prix des marchés et donc des prestations dont elle a bénéficié, sans toutefois constater qu'elles soient inexistantes ni même insuffisantes, la cour d'appel a octroyé à la société [2] un enrichissement injustifié et violé l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2 et 593 du code de procédure pénale :

9. Selon le premier de ces textes, l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction.

10. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

11. Pour condamner M. [O] a verser à la société [2] une certaine somme au titre de son préjudice résultant des faux et usage, l'arrêt attaqué énonce que celui-ci, chargé d'affaires pour ladite société, a créé la société [1], alors qu'il était assujetti à une clause d'exclusivité et de discrétion.

12. Les juges ajoutent que les agissements reprochés à M. [O] ont eu pour but, dans le cadre de son contrat de travail au sein de la société [2], de sous-traiter à la société [1] des chantiers d'immeubles afin d'asseoir une rémunération dans des conditions favorisant celle-ci au détriment de son employeur.

13. Ils considèrent que si les autres infractions pour lesquelles M. [O] a été poursuivi ont fait l'objet d'une décision de relaxe partielle définitive, l'obtention en sous-traitance de chantiers réalisés par la société [1] pour le compte de la société [2] est la résultante directe de la falsification initiale de l'extrait K Bis par le prévenu.

14. Ils concluent que le préjudice subi par la société [2] doit être chiffré à la somme de 283 616,50 euros, correspondant aux surfacturations dont a bénéficié la société [1] pour les chantiers ainsi obtenus, montant résultant de l'enquête diligentée et validé par le cabinet d'expertise comptable de la société, dont l'estimation n'a pas été remise en cause au cours des débats.

15. En se déterminant ainsi, par des motifs dont il ne résulte pas que le préjudice de la société [2] a été directement causé par les seules infractions de falsification du K Bis et usage dont le prévenu a été déclaré coupable, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
16. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 7 juillet 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2401530
Date de la décision : 17/12/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Analyses

JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Droits de la défense - Débats - Prévenu - Notification du droit de se taire - Domaine d'application - Juridiction correctionnelle se prononçant uniquement sur les intérêts civils (non)

DROITS DE LA DEFENSE - Droits du prévenu - Notification du droit de se taire - Champ d'application - Détermination - Cas - Juridiction correctionnelle se prononçant uniquement sur les intérêts civils (non)

Les dispositions de l'article 406 du code de procédure pénale relatives au droit de se taire devant les juridictions pénales, qui ont pour objet d'empêcher qu'une personne prévenue d'une infraction ne contribue à sa propre incrimination, ne sont pas applicables devant la juridiction correctionnelle lorsque celle-ci se prononce uniquement sur les intérêts civils


Références :

Article 406 du code de procédure pénale.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 07 juillet 2023

Sur la nécessaire information par le président de la juridiction correctionnelle ou un assesseur désigné du droit du prévenu des dispositions de l'article 406 du code de procédure pénale : Crim., 8 juillet 2015, pourvoi n° 14-85699, Bull. crim. 2015, n° 178 (cassation). Sur l'absence d'application de l'obligation d'informer le prévenu des dispositions de l'article 406 du code de procédure pénale devant la chambre de l'instruction statuant dans le cadre de la procédure de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental : Crim., 29 novembre 2017, pourvoi n° 16-85490, Bull. crim. 2017, n° 271 (irrecevabilité et rejet).Sur l'absence de contrariété découlant de la non-information du droit de se taire par la chambre de l'instruction qui statue sur l'exécution d'un mandat d'arrêt européen avec les droits de la défense : Crim., 24 mars 2021, pourvoi n° 21-81361, Bull. crim. (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 17 déc. 2024, pourvoi n°C2401530


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C2401530
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