LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 24-85.669 F-D
N° 01687
RB5
17 DÉCEMBRE 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 17 DÉCEMBRE 2024
M. [M] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 28 juin 2024, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 28 novembre 2023, pourvoi n° 23-82.264), infirmant, sur le seul appel de la partie civile, l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction, l'a renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention de blessures involontaires.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [M] [J], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, M. Samuel, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [X] [D] a été blessé à la cheville par un véhicule de police alors qu'il tentait, avec une quarantaine de personnes, de s'opposer au transfert en Italie de personnes étrangères en situation irrégulière.
3. M. [D] a porté plainte et s'est constitué partie civile devant le juge d'instruction du chef de violences volontaires.
4. M. [M] [J], fonctionnaire de police et chauffeur du véhicule, a été mis en examen du chef de blessures involontaires par conducteur d'un véhicule terrestre à moteur et violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement.
5. A l'issue de l'information, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu.
6. M. [D] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Gap, dit qu'il existait des charges suffisantes contre M. [J] d'avoir, étant conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation législative ou réglementaire de prudence ou de sécurité, causé à M. [D] une atteinte à l'intégrité de sa personne, suivie d'une incapacité totale de travail d'une durée inférieure ou égale à trois mois, en l'espèce deux jours, et prononcé le renvoi de l'affaire devant le tribunal correctionnel de Gap, alors :
« 1°/ que les mémoires régulièrement déposés au greffe d'une juridiction doivent être transmis par ce dernier à ses destinataires ; que les arrêts de la chambre de l'instruction doivent faire mention des mémoires régulièrement déposés au greffe de cette dernière ; que contrairement aux énonciations de l'arrêt attaqué, entachées de faux sur ce point, un mémoire réfutant les allégations adverses avait été établi par Monsieur [J], mis en examen, et que celui-ci avait été effectivement déposé au greffe de la chambre de l'instruction via la plate-forme PLEX le 28 mai 2024 ; que dès lors en tenant pour non contredites les accusations de Monsieur [D], partie civile, au motif erroné que le mis en examen n'avait déposé aucun mémoire, l'arrêt attaqué a méconnu les articles 198 et 216 du code de procédure pénale ;
2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que contrairement aux énonciations de l'arrêt attaqué, entachées de faux sur ce point, un mémoire réfutant les allégations adverses avait été établi par Monsieur [J], mis en examen, et que celui-ci avait été effectivement déposé au greffe de la chambre de l'instruction via la plate-forme PLEX le 28 mai 2024 ; que dès lors en tenant pour non contredites les accusations de Monsieur [D], partie civile, au motif erroné que le mis en examen n'avait déposé aucun mémoire, l'arrêt attaqué a méconnu l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article préliminaire du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 198 et 216 du code de procédure pénale :
8. Selon ces textes, les parties sont admises, jusqu'au jour de l'audience, à produire des mémoires dont l'arrêt de la chambre de l'instruction doit mentionner le dépôt.
9. La mention de l'arrêt attaqué selon laquelle il n'a pas été déposé de mémoire pour le compte de la personne mise en examen a été arguée de faux.
10. L'autorisation de s'inscrire en faux ayant été accordée par le premier président de la Cour de cassation et les significations prévues à l'article 647-2 du code de procédure pénale ayant été effectuées, ni le ministère public ni M. [D] n'ont manifesté l'intention de soutenir l'exactitude des énonciations contestées.
11. Dès lors, en vertu des dispositions de l'article 647-4 du même code, les énonciations arguées de faux doivent être considérées comme inexactes, et, par suite, l'arrêt est présumé ne pas remplir les conditions de son existence légale.
12. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 28 juin 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille vingt-quatre.