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18/12/2024 | FRANCE | N°12400722

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 18 décembre 2024, 12400722


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1


MY1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 18 décembre 2024








Rejet




Mme CHAMPALAUNE, président






Arrêt n° 722 F-B+R


Pourvoi n° G 21-23.252














R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 DÉCEMBRE 2024


La société Amlin Insurance SE, société de droit anglais, dont le siège est [Adresse 4], (Royaume-Uni), venant aux droits de la société Amlin E...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 décembre 2024

Rejet

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 722 F-B+R

Pourvoi n° G 21-23.252

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 DÉCEMBRE 2024

La société Amlin Insurance SE, société de droit anglais, dont le siège est [Adresse 4], (Royaume-Uni), venant aux droits de la société Amlin Europe NV, a formé le pourvoi n° G 21-23.252 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [L] [R], domicilié [Adresse 5], pris en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Shema,

2°/ à la commune de [Localité 2], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité, [Adresse 3],

3°/ à la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles (CRAMA) Groupama Méditerranée, dont le siège est [Adresse 1], société de réassurance mutuelle,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Corneloup, conseiller, les observations de la SARL Corlay, avocat de la société Amlin Insurance SE, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la commune de [Localité 2], représentée par son maire en exercice, de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles (CRAMA) Groupama Méditerranée, après débats en l'audience publique du 5 novembre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Corneloup, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 juin 2021), le 24 juillet 2007, un navire appartenant à la société Shema a heurté la passerelle d'accès à la base de l'hélistation du port de la commune de [Localité 2] (la commune).

2. Les 16 et 24 février 2010, la commune a assigné son assureur, la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Méditerranée (la société Groupama), et la société Shema en indemnisation devant le tribunal de grande instance de Grasse.

3. Par requête du 30 août 2010, les assureurs de la société Shema, dont la société Amlin Insurance Corporate N.V, ont saisi la Haute Cour de Londres d'une action en déclaration de non-responsabilité à l'égard de la commune et de la société Groupama, fondée sur la clause « pay to be paid » stipulée dans le contrat d'assurance. Cette procédure a été notifiée à la commune le 25 mai 2011.

4. Le 30 mars 2011, la commune a assigné en garantie la société Intercoastal Shipowner's P&I B.V, la société Amlin Insurance Corporate N.V, aux droits de laquelle vient la société Amlin Insurance SE (la société Amlin), et le GIE Gestion assurances maritimes (les assureurs) devant le tribunal de grande instance de Grasse.

5. Le 7 septembre 2011, la Haute Cour de Londres a rendu une décision déclarant que les assureurs de la société Shema n'étaient pas responsables en application de leur contrat.

6. La société Shema a été placée en liquidation judiciaire et M. [R] désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, qui est préalable

Enoncé du moyen

7. La société Amlin fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence des assureurs, de déclarer recevable l'action de la commune et de condamner in solidum les sociétés Amlin et Groupama à lui payer la somme de 160 000 euros en réparation de son préjudice d'exploitation, avec intérêts légaux à compter de l'arrêt, outre les frais irrépétibles et les dépens, alors « que si les règles de compétences prévues à l'article 11 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 donnent à la personne lésée un choix entre plusieurs options de compétence, notamment au bénéfice du tribunal saisi de l'action de la personne lésée contre l'assuré, si la loi de ce tribunal le permet, ce choix ne peut être exercé dès lors que le défendeur bénéficie d'une clause attributive de compétence licite en application des articles 13, 5° et 14 dudit règlement donnant compétence à un autre tribunal ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté l'existence d'une clause dérogatoire licite en application des articles 13,5) et 14 du règlement ; qu'en refusant cependant d'y faire droit aux motifs qu'elle serait inopposable au tiers victime, la cour d'appel a violé les articles 11, 13-5° et 14 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 applicable à la cause, ensemble l'article 23 dudit règlement. »

Réponse de la Cour

8. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit qu'une clause attributive de juridiction convenue entre un assureur et un preneur d'assurance ne saurait être opposée à la victime d'un dommage assuré, qui souhaite agir directement contre l'assureur, dès lors que l'extension aux victimes de l'effet contraignant des clauses attributives de juridiction pourrait compromettre l'objectif de la section 3 du chapitre II du règlement (CE) du Conseil n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (règlement Bruxelles I), à savoir protéger la partie économiquement et juridiquement la plus faible (CJUE, arrêt du 13 juillet 2017, Assens Havn, C-368/16, points 40 et 41).

9. La cour d'appel, après avoir admis la validité de la clause désignant la Haute Cour de Londres, a retenu qu'elle ne pouvait produire ses effets qu'entre les cocontractants et n'était pas opposable à la commune, qui n'y avait pas consenti.

10. De ces énonciations et appréciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que l'exception d'incompétence fondée sur la clause attributive de juridiction devait être rejetée.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

12. La société Amlin fait grief à l'arrêt de dire que la décision de la Haute Cour de Londres du 7 novembre 2011 est inopposable à la commune et à la société Groupama, de rejeter l'exception d'incompétence des assureurs, de déclarer recevable l'action de la commune et de condamner in solidum les sociétés Amlin et Groupama à lui payer la somme de 160 000 euros en réparation de son préjudice d'exploitation avec intérêts légaux à compter de l'arrêt, outre frais irrépétibles et dépens, alors :

« 1°/ que les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure ; que cette reconnaissance est automatique sauf à ce qu'aient été méconnues des règles impératives de compétence ; qu'en matière d'assurance, la clause de choix de juridiction est licite dès lors que le contrat d'assurance vise à couvrir notamment les « grands risques » au sens de la Directive CEE 73/239 dont l'annexe I à laquelle il est renvoyé définit comme « grands Risques », « toute responsabilité résultant de l'emploi de véhicules (...) maritimes » ; qu'en refusant de reconnaître la décision anglaise de la « High Court » du 7 septembre 2011, rendue entre les mêmes parties, aux motifs que la clause attributive de juridiction figurant dans le contrat d'assurance ne serait pas opposable aux tiers au contrat d'assurance, opérant ainsi à un contrôle de compétence interdit par le règlement, la cour d'appel a violé les articles 33, 35, 12, 13 et 14 du Règlement n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale applicable à la cause, ensemble l'article 13 de la Directive CEE 73/239 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité de l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie, et son exercice, dans sa version applicable à la cause ;

2°/ que les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure ; que cette reconnaissance est automatique ; qu'en dehors des règles impératives de compétence, il ne peut être procédé au contrôle de la compétence des juridictions de l'État membre d'origine ; que le critère de l'ordre public visé à l'article 34, point 1, ne peut être appliqué aux règles de compétence ; qu'en refusant de reconnaître la décision anglaise de la « High Court » du 7 septembre 2011, rendue entre les mêmes parties, aux motifs que cette décision aurait été rendue par une juridiction qui n'avait pas compétence territoriale pour statuer, la cour d'appel a violé les articles 33, 35, 12, 13 et 14 du Règlement n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale applicable à la cause ;

3°/ que les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure ; que cette reconnaissance est automatique quand bien même auraient été méconnues des règles de litispendance ; qu'en refusant de reconnaître la décision anglaise de la High Court du 7 septembre 2011, rendue entre les mêmes parties, aux motifs que « cette décision a été rendue par une juridiction qui n'avait pas compétence territoriale pour statuer puisqu'au jour du prononcé de sa décision en septembre 2011, la juridiction française qui avait été saisie de l'action contre le responsable dès février et mars 2010, soit bien avant la saisine de la juridiction londonienne d'août 2010, était valablement saisie depuis mai et juin 2011 de l'action contre l'assureur en application des 10 et 11 du Règlement », la cour d'appel a violé les articles 33, 35, et 27 du Règlement n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale applicable à la cause ;

4°/ qu'en toute hypothèse le devoir pour le juge second saisi de surseoir à statuer ne s'impose que si la saisine a le même objet et la même cause, formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'États membres différents ; qu'en l'espèce il est constant que les assureurs ont saisi la juridiction anglaise dès le mois d'août 2010 à l'encontre de la Ville de [Localité 2] et des sociétés Groupama et Shema ; qu'en refusant de reconnaître la décision anglaise de la « High Court » du 7 septembre 2011 aux motifs que « cette décision a été rendue par une juridiction qui n'avait pas compétence territoriale pour statuer puisqu'au jour du prononcé de sa décision en septembre 2011, la juridiction française qui avait été saisie de l'action contre le responsable dès février et mars 2010 », quand l'assureur de celui-ci n'avait pas été mis en cause, la cour d'appel a violé les articles 33, 35, et 27 du Règlement n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale applicable à la cause ;

5°/ que les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure ; que cette reconnaissance est automatique sauf à ce que la décision étrangère ait été rendue en méconnaissance de l'ordre public international ; qu'en aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond et le juge de l'Etat requis ne peut, sous couvert d'exception d'ordre public international, contrôler l'application de la loi par le juge de l'Etat d'origine ; que n'est pas contraire à l'ordre public international la clause « pay to be paid » qui conduit à écarter l'action directe contre l'assureur responsabilité en matière maritime, cette action directe n'étant pas même impérative dans l'ordre interne pour un dommage matériel en matière d'assurance responsabilité maritime; qu'en refusant de reconnaître la décision anglaise de la « High Court » du 7 septembre 2011, rendue entre les mêmes parties, aux motifs que cette clause enfreindrait « le principe d'ordre public du droit de la victime à indemnisation », la cour d'appel a violé les articles 33, 34 et 36 du Règlement n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale applicable à la cause ;

6°/ que les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure ; que cette reconnaissance est automatique sauf à ce que la décision étrangère ait été rendue en méconnaissance de l'ordre public international ; qu'une partie régulièrement assignée qui fait défaut devant la juridiction étrangère, ne peut, de ce fait, invoquer le moyen de fraude qu'il aurait dû faire valoir devant le juge étranger ; qu'en refusant de reconnaître la décision anglaise de la « High Court » du 7 septembre 2011, rendue entre les mêmes parties, aux motifs que « les assureurs ont saisi la High Court, sans l'informer de la procédure en cours en France, et alors qu'ils avaient connaissance du recours que la Ville de Cannes entendait former contre eux » quand il est constant que la Ville de Cannes, la société Groupama et la société Shema avaient été régulièrement attraites devant les juridictions anglaises et n'ont pas comparu, la cour d'appel a violé les articles 33 et 34 du Règlement n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale applicable à la cause ;

7°/ que les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure ; que cette reconnaissance est automatique sauf à ce que la décision étrangère ait été rendue en méconnaissance de l'ordre public international ; que ne constitue pas une fraude contraire à l'ordre public international le fait de saisir préventivement la juridiction d'un Etat membre désigné par une clause attributive de juridiction d'une action dénégatoire, quand bien même le demandeur a connaissance de ce que le défendeur envisage d'agir contre lui devant une autre juridiction ; qu'en refusant de reconnaître la décision anglaise de la « High Court » du 7 septembre 2011, rendue entre les mêmes parties, aux motifs que « les assureurs ont saisi la High Court, sans l'informer de la procédure en cours en France, et alors qu'ils avaient connaissance du recours que la Ville de Cannes entendait former contre eux » quand l'action dénégatoire visant à saisir préventivement un tribunal pour voir constater l'absence de responsabilité ou de garantie est licite, la cour d'appel a violé les articles 33 et 34 du Règlement n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

13. Selon l'article 33 du règlement Bruxelles I, les décisions rendues dans un Etat membre sont reconnues de plein droit dans les autres Etats membres.

14. Selon l'article 35 de ce règlement, il ne peut être procédé au contrôle de la compétence des juridictions de l'Etat membre d'origine, sauf si les dispositions des sections 3, 4 et 6 du chapitre II ont été méconnues, ainsi que dans le cas prévu à l'article 72.

15. Son article 11, § 2, compris dans la section 3 du chapitre II, dispose :

« Les dispositions des articles 8, 9 et 10 sont applicables en cas d'action directe intentée par la victime contre l'assureur, lorsque l'action directe est possible ».

16. Aux termes de son article 12, § 1er, l'action de l'assureur ne peut être portée que devant les tribunaux de l'Etat membre sur le territoire duquel est domicilié le défendeur, qu'il soit preneur d'assurance, assuré ou bénéficiaire.

17. Il se déduit de ces textes que les règles impératives de la section 3 du chapitre II du règlement s'imposent à l'assureur qui agit contre la victime d'un dommage causé par l'assuré, la victime devant, au regard de l'article 12, § 1er, être assimilée au preneur d'assurance, assuré ou bénéficiaire.

18. Dès lors que la clause attributive de juridiction est inopposable à la commune et que cette dernière est domiciliée en France, la décision de la Haute Cour de Londres ne peut être reconnue.

19. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

20. La société Amlin fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de la commune et de condamner in solidum les sociétés Amlin et Groupama à lui payer la somme de 160 000 euros en réparation de son préjudice d'exploitation, avec intérêts légaux à compter de l'arrêt, outre les frais irrépétibles et les dépens, alors :

« 1°/ qu'en matière non contractuelle, la personne lésée peut agir directement contre l'assureur de la personne devant réparation si la loi applicable à l'obligation non contractuelle ou la loi applicable au contrat d'assurance le prévoit ; que cependant le régime juridique du contrat d'assurance reste soumis à la loi du contrat d'assurance ; qu'en l'espèce l'assureur faisait valoir qu'aux termes de la loi anglaise applicable au contrat d'assurance la clause « pay to be paid » s'opposait à l'indemnisation du tiers victime ; qu'en considérant néanmoins recevable l'action directe exercée par le tiers lésé contre l'assureur, sans faire application des exceptions opposables selon la loi du contrat d'assurance, aux motifs que l'article L. 173-23 du code des assurances autorise l'action directe du tiers lésé à l'encontre de l'assureur et que « L'action directe qui n'est pas contraire à l'ordre public international et qui est consacrée par la loi française est par conséquent recevable, l'assureur ne pouvant opposer au tiers victime les exceptions opposables au souscripteur dès lors qu'elles sont contraires à l'ordre public. », la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil, ensemble l'article 173-23 du code des assurances et les principes du droit international privé ;

2°/ qu'en toute hypothèse, c'est par erreur de droit qu'il a été considéré que la clause « pay to be paid » était contraire à l'ordre public s'agissant d'un dommage purement matériel, et l'article L. 173-23 du code des assurances ne figurant pas dans la liste des règles impératives de l'article L. 171-2 de ce code ; qu'en disant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil, ensemble les articles L. 171-2 et 173-23 du code des assurances et les principes du droit international privé. »

Réponse de la Cour

21. Selon l'article 11, § 2, du règlement Bruxelles I, la possibilité de l'action directe de la partie lésée contre l'assureur du responsable est déterminée par la loi désignée par la règle de conflit du juge saisi.

22. Il résulte des principes régissant le conflit de lois en matière d'action directe que l'action est possible si elle est permise, soit par la loi de l'obligation principale, soit par la loi du contrat d'assurance, de sorte que, si la loi de l'obligation principale l'autorise, la loi du contrat d'assurance, applicable au régime de l'assurance, ne peut y faire obstacle et ne peut être invoquée que dans ses dispositions qui régissent les relations entre l'assureur et l'assuré, dispositions à laquelle la question de l'action directe est étrangère.

23. Après avoir rappelé que la loi applicable à l'obligation principale était celle du lieu de survenance du dommage et, par conséquent, la loi française, que l'article L. 124-3 du code des assurances, d'application générale, accordait au tiers lésé une action directe contre l'assureur de responsabilité de l'auteur du dommage, et après avoir fait ressortir que, selon le droit anglais applicable au contrat d'assurance, la clause « pay to be paid », qui impose au responsable d'un sinistre d'indemniser la victime pour être remboursé par son assureur, avait pour effet de rendre l'action directe de la victime impossible, en privant cette action de son objet même, la cour d'appel en a exactement déduit que l'opposabilité de cette clause à la victime s'analysait, au sens de l'article 11, § 2, du règlement Bruxelles I, en une règle de la loi du contrat régissant la possibilité de l'action directe, qui était évincée par la loi française applicable à l'obligation principale.

24. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, est donc mal fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Amlin aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Amlin et la condamne à payer à la commune de [Localité 2] et à la société Groupama chacune la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille vingt-quatre.

Le conseiller rapporteur le president

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12400722
Date de la décision : 18/12/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

CONFLIT DE LOIS

Il résulte de l'article 11, § 2, du règlement (CE) du Conseil n° 44/2001, dit « Bruxelles I », et des principes régissant le conflit de lois en matière d'action directe de la partie lésée contre l'assureur du responsable, que l'action est possible si elle est permise, soit par la loi de l'obligation principale, soit par la loi du contrat d'assurance, de sorte que, si la loi de l'obligation principale l'autorise, la loi du contrat d'assurance, applicable au régime de l'assurance, ne peut y faire obstacle et ne peut être invoquée que dans ses dispositions qui régissent les relations entre l'assureur et l'assuré, dispositions à laquelle la question de l'action directe est étrangère. Selon le droit anglais applicable au contrat d'assurance, la clause « pay to be paid », imposant au responsable d'un sinistre d'indemniser la victime pour être remboursé par son assureur, a pour effet de rendre l'action directe de la victime impossible, en privant cette action de son objet même. L'opposabilité de cette clause à la victime s'analyse, au sens de l'article 11, § 2, du règlement Bruxelles I, en une règle de la loi du contrat régissant la possibilité de l'action directe, qui est évincée par la loi française, laquelle est applicable à l'obligation principale à raison de la survenance du dommage en France, et dont l'article L. 124-3 du code des assurances, d'application générale, accorde au tiers lésé une action directe contre l'assureur de responsabilité de l'auteur du dommage


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, 24 juin 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 18 déc. 2024, pourvoi n°12400722


Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune
Avocat(s) : SARL Corlay, SAS Buk Lament-Robillot, SARL Cabinet Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 31/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:12400722
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