LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° B 23-82.410 F-D
N° 01544
GM
18 DÉCEMBRE 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 DÉCEMBRE 2024
M. [H] [N] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 7 mars 2023, qui, pour transfert de capitaux sans déclaration et blanchiment, l'a condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis, 40 000 euros d'amende fiscale, cinq ans d'interdiction du territoire français, et une confiscation.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [H] [N], les observations de la société Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction générale des douanes et droits indirects, et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 26 juillet 2021, les agents des douanes ont contrôlé, à bord d'un train en provenance d'[Localité 1] et à destination de [Localité 2], M. [H] [N], qui transportait sur sa personne et dans son sac des devises pour un montant total de 191 600 euros.
3. M. [N] a reconnu ne pas avoir procédé à la déclaration préalable de cette somme auprès des autorités douanières.
4. Il a été poursuivi pour transfert de capitaux sans déclaration et blanchiment.
5. Par jugement du 8 avril 2022, le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable de ces infractions et condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis, 40 000 euros d'amende fiscale, cinq ans d'interdiction du territoire français, et la confiscation d'un scellé.
6. M. [N] et le ministère public ont fait appel de cette condamnation.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le troisième moyen
Énoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [N] à une amende douanière de 40 000 euros, alors « que le juge qui prononce une amende en application de l'article L. 152-4 du code monétaire et financier en répression du délit de transfert non déclaré de capitaux, en fonction du montant de l'argent liquide sur lequel a porté l'infraction, doit motiver sa décision au regard de l'ampleur et de la gravité de l'infraction commise ainsi que de la personnalité de son auteur ; que le juge ne doit pas prendre en considération la situation personnelle, familiale et sociale du prévenu ; qu'en se fondant, pour fixer le montant de l'amende prononcée à l'encontre du prévenu, sur la situation financière de ce dernier, la cour d'appel a violé les articles L. 152-4 du code monétaire et financier, 365 et 369 du code des douanes et 485, 512 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 369 du code des douanes :
9. Il résulte de ce texte que le juge qui prononce une amende fiscale, s'il peut en moduler le montant eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise ainsi qu'à la personnalité de son auteur, n'a pas à prendre en considération la situation personnelle, familiale et sociale du contrevenant.
10. Pour condamner M. [N] à une amende douanière de 40 000 euros, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé que le manquement à l'obligation déclarative portant sur la somme de 191 600 euros, l'amende douanière encourue est égale à 95 845 euros, confirme l'amende douanière prononcée par le tribunal, en raison, notamment, des revenus de celui-ci.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.
12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Et sur le quatrième moyen
Énoncé du moyen
13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la confiscation du scellé BR 001, alors « que hormis le cas où la confiscation, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue le produit de l'infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé lorsqu'une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une confiscation de tout ou partie du patrimoine ; qu'il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu ; que la cour d'appel énonce que la confiscation du scellé BR001, sur le fondement de l'article 131-21, alinéa 3, du code pénal qui prévoit la confiscation du produit de l'infraction, sera confirmée ; qu'en statuant ainsi, sans mieux s'expliquer sur la nature des biens confisqués, la cour d'appel n'a pas mis la cour de cassation en mesure de s'assurer que les exigences de motivation rappelées ci-dessus ont été respectées et a violé les articles 1 er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
14. Selon le premier de ces textes, la peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement. Elle porte sur les biens qui ont servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre, et sur ceux qui sont l'objet ou le produit, direct ou indirect, de l'infraction et ne peuvent être restitués. Si la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit, la confiscation peut porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné. Il incombe au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature de ce bien ainsi que le fondement de la mesure.
15. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
16. L'arrêt attaqué, comme le jugement qu'il confirme, ordonnent la confiscation du scellé BR 001 en tant que produit de l'infraction sans indiquer sa nature.
17. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
18. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
19. La cassation sera limitée aux peines, les autres dispositions étant maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 7 mars 2023, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille vingt-quatre.