LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 24-85.785 F-D
N° 01715
LR
18 DÉCEMBRE 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 DÉCEMBRE 2024
M. [L] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 7 août 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Jaillon, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [L] [K], et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Jaillon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [L] [K] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire le 28 juillet 2023.
3. Par ordonnance du 25 juillet 2024, le juge des libertés et de la détention a prolongé sa détention provisoire.
4. M. [K] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la prolongation pour six mois de la détention provisoire de M. [K], alors :
« 1°/ qu'en s'abstenant de répondre au moyen soulevé dans le mémoire de M. [K], tiré du caractère déraisonnable de la durée de sa détention provisoire, qui durait depuis plus d'un an sans qu'il ait été interrogé au fond, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que, subsidiairement, la détention provisoire ne peut excéder une durée raisonnable, au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité ; qu'en se contentant de relever, pour écarter le moyen tiré de la durée déraisonnable de la détention provisoire de M. [K], que l'instruction devait se poursuivre, de nombreuses diligences devant encore être effectuées, toutes les personnes susceptibles d'être mises en cause n'ayant pas été interpellées ni entendues, sans consacrer aucun motif à l'absence de premier interrogatoire au fond de M. [K] plus d'un an après sa mise en examen, ni relever aucun élément concret qui aurait pu expliquer cette absence de comparution pour un premier interrogatoire au fond plus d'un an après la mise en examen et justifier la durée de la détention provisoire, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, 144-1, 148-4 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 5, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale :
6. Selon le premier de ces textes, la détention provisoire ne peut excéder une durée raisonnable au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité.
7. En vertu du second, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
8. Pour prolonger la détention provisoire de M. [K], la chambre de l'instruction énonce que l'intéressé a été mis en examen du chef de faits de nature criminelle, qu'il est détenu depuis le 28 juillet 2023, soit depuis plus d'un an et que l'instruction doit se poursuivre, de nombreuses diligences devant encore être effectuées, toutes les personnes susceptibles d'être mises en cause n'ayant pas à ce jour été interpellées, ni entendues de manière détaillée et, le cas échéant, confrontées, sur l'ensemble des points qui le nécessitent.
9. Ils ajoutent que, sauf survenue d'éléments nouveaux, le délai prévisible d'achèvement de la procédure peut être évalué à dix-huit mois.
10. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction, qui n'a pas répondu au moyen du mémoire en défense soulevant le caractère déraisonnable de la détention provisoire au regard des exigences conventionnelles ci-dessus rappelées, en relevant notamment l'absence d'interrogatoire au fond depuis plus d'un an, n'a pas justifié sa décision.
11. La cassation est par conséquent encourue .
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 7 août 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à mise en liberté ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille vingt-quatre.