LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
COUR DE CASSATION
CC
______________________
QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________
Audience publique du 19 décembre 2024
NON-LIEU A RENVOI
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 695 FS-B
Pourvoi n° F 24-16.592
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 DÉCEMBRE 2024
Par mémoire spécial présenté le 9 octobre 2024, la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société BT Home, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formulé une question prioritaire de constitutionnalité (n° 1214) à l'occasion du pourvoi n° F 24-16.592 qu'elle a formé contre l'ordonnance de visites domiciliaires rendue le 6 juin 2024 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans une instance l'opposant à la commune de [Localité 3], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l'[Adresse 2].
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Brillet, conseiller, les observations écrites de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société BT Home, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la commune de [Localité 3], représentée par son maire en exercice, et l'avis de M. Burgaud, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Brillet, conseiller rapporteur, M. Boyer conseiller doyen, Mme Abgrall, M. Pety, Mmes Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. La société BT Home est propriétaire de parcelles sur lesquelles est notamment construite une maison à usage d'habitation.
2. Les services de l'urbanisme de la commune ont dressé un procès-verbal d'infraction depuis la voie publique faisant état de travaux de construction réalisés sur ces parcelles sans autorisation administrative préalable.
3. Suivant arrêté portant ordre d'interruption immédiate des travaux, le maire de la commune a mis en demeure la gérante de la société de cesser tous les travaux entrepris en infraction avec les dispositions du code de l'urbanisme.
4. La société BT Home ayant informé la commune de son refus de lui laisser l'accès à sa propriété afin de contrôle, celle-ci a saisi un juge des libertés et de la détention sur le fondement des articles L. 461-1, L. 461-2, L. 461-3, L. 480-1 et L. 480-17 du code de l'urbanisme pour être autorisée à procéder à une visite des parcelles appartenant à la société pour y constater toutes les infractions à ce code.
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
5. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'ordonnance rendue le 6 juin 2024 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, la société BT Home a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :
« Les articles L. 461-1 et L. 461-3 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, en ce qu'ils autorisent la visite de domiciles et locaux à usage d'habitation sans l'accord de leur occupant et dans le seul but de vérifier que les dispositions de ce code sont respectées, sont-ils contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution, et en particulier au droit au respect de l'inviolabilité du domicile garanti par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? »
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
6. Les dispositions contestées sont applicables au litige.
7. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
8. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
9. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.
10. En effet, en premier lieu, en ce qu'ils contribuent au respect de règles permettant la maîtrise, par les collectivités publiques, de l'occupation des sols et du développement urbain, ces textes poursuivent un objectif d'intérêt général.
11. En second lieu, en application des articles L. 461-2 et L. 461-3 du code de l'urbanisme, d'abord, la visite des lieux accueillant des domiciles ou des locaux comportant des parties à usage d'habitation est subordonnée à l'assentiment préalable de l'occupant ou, si celui-ci refuse ou ne peut être atteint, à une autorisation du juge des libertés et de la détention.
12. Ensuite, la visite domiciliaire poursuit un objet limité au contrôle de la conformité des constructions, aménagements, installations et travaux aux dispositions du code de l'urbanisme qui leur sont applicables et ne peut donner lieu à aucune perquisition, saisie ou autre mesure de contrainte, la demande de communication éventuelle de documents étant limitée à ceux se rapportant à la réalisation de ces opérations.
13. En outre, la visite domiciliaire, placée sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, lequel peut se rendre sur place et la suspendre ou l'arrêter à tout moment, d'office ou à la demande de l'occupant, est effectuée par certains fonctionnaires et agents limitativement énumérés, à certaines heures, en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant, qui peut se faire assister d'un conseil de son choix ou, à défaut, en présence de deux témoins n'étant pas placés sous l'autorité des agents y procédant.
14. Enfin, tant l'ordonnance autorisant la visite, laquelle doit comporter l'adresse des lieux à visiter, le nom et la qualité des agents habilités à procéder aux opérations de visite ainsi que les heures auxquelles ces agents sont autorisés à se présenter, que le déroulement des opérations peuvent faire l'objet d'un recours devant le premier président de la cour d'appel.
15. Ces dispositions sont de nature à garantir une juste conciliation entre l'objectif d'intérêt général précité et le droit au respect de l'inviolabilité du domicile.
16. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille vingt-quatre.