LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 février 2025
Cassation partielle sans renvoi
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 110 F-D
Pourvoi n° Q 22-24.504
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 FÉVRIER 2025
Mme [B] [X], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 22-24.504 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2022 par la cour d'appel de Versailles (21e chambre), dans le litige l'opposant à la société Carrefour hypermarchés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bérard, conseiller, les observations écrites de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [X], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Carrefour hypermarchés, après débats en l'audience publique du 7 janvier 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bérard, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 octobre 2022), Mme [X] a été engagée, en qualité d'équipière de service, le 19 septembre 1997 par la société Carrefour hypermarchés (la société). Au dernier état de la relation de travail, elle occupait un emploi de manager ressources humaines.
2. La salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, le 30 novembre 2019.
3. Soutenant avoir subi une discrimination dans sa progression de carrière à raison de ses origines et faisant grief à la société de ne pas avoir bénéficié du dispositif de rupture conventionnelle collective, elle a saisi la juridiction prud'homale afin de juger que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de diverses sommes à titre d'indemnités.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société une certaine somme à titre d'indemnité de préavis et de recevoir la société en ses demandes reconventionnelles, alors :
« 1°/ que devant le conseil de prud'hommes, si la partie défenderesse est recevable à formuler une demande reconventionnelle qui se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant, encore faut-il, lorsqu'elle est assistée ou représentée par un avocat, qu'elle ait formulé cette demande reconventionnelle dans ses dernières conclusions écrites réitérées verbalement à l'audience ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que la société Carrefour hypermarchés reconnaissait qu'elle n'avait pas formulé sa demande de condamnation de Mme [X] au paiement du préavis dans ses dernières conclusions de première instance, la cour d'appel a jugé que "la procédure devant le conseil de prud'hommes est orale, de sorte que le seul fait que les dernières écritures de première instance de la société Carrefour hypermarchés ne formalisent pas de demande en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis est inopérante" ; qu'en statuant ainsi quand le conseil de prud'hommes n'avait pas été saisi par la société Carrefour hypermarchés d'une demande d'indemnité compensatrice de préavis dès lors que cette demande n'avait pas été formalisée dans les dernières conclusions de première instance de la société, la cour d'appel a violé les articles R. 1453-3 et R. 1453-5 du code du travail et 70 et 446-2 du code de procédure civile ;
2°/ devant le conseil de prud'hommes, les demandes des parties doivent être formulées à l'oral lors de l'audience ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que si la société Carrefour hypermarchés reconnaissait qu'elle n'avait pas formulé sa demande de condamnation de Mme [X] au paiement du préavis dans ses dernières conclusions de première instance, elle avait affirmé qu'elle avait formulé cette demande oralement à l'audience du 9 juin 2020 ; qu'en se bornant à rappeler les dires de la société Carrefour hypermarchés quand il lui appartenait de vérifier que le conseil de prud'hommes n'avait pas expressément listé dans son jugement les demandes qui avaient été formulées à la barre par l'avocate de la société Carrefour hypermarchés parmi lesquelles ne figurait pas une demande de paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, la cour d'appel a violé les articles R. 1453-3, R. 1453-4 et R. 1453-5 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 1453-3 et R. 1453-5 du code du travail :
6. Aux termes du premier de ces textes, la procédure prud'homale est orale.
7. Aux termes du second, lorsque toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions par écrit et sont assistées ou représentées par un avocat, elles sont tenues de les récapituler sous forme de dispositif et elles doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures.
8. Il en résulte qu'en matière prud'homale, le défendeur, assisté ou représenté par un avocat, n'est recevable à formuler contradictoirement des demandes reconventionnelles qui se rattachent aux prétentions originaires, que dans ses dernières conclusions écrites réitérées verbalement à l'audience.
9. Pour confirmer le jugement en ce qu'il condamne la salariée à verser une indemnité de préavis à la société, l'arrêt retient que la procédure devant le conseil de prud'hommes est orale, de sorte que le seul fait que les dernières écritures de première instance de la société ne formalisent pas de demande en paiement de l'indemnité de préavis est inopérante.
10. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la société, représentée par un avocat en première instance, n'avait formulé, dans ses dernières conclusions écrites, aucune demande en paiement d'indemnité de préavis, de sorte que les premiers juges n'étaient saisis d'aucune prétention à ce titre, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, en ce qu'il condamne Mme [X] à payer à la société Carrefour hypermarchés la somme de 15 888 euros au titre d'une indemnité de préavis, l'arrêt rendu le 20 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne la société Carrefour hypermarchés aux dépens à l'exclusion des dépens devant les juges du fond ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Carrefour hypermarchés et la condamne à payer à Mme [X] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille vingt-cinq.