La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/02/2025 | FRANCE | N°52500114

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 février 2025, 52500114


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 5 février 2025








Cassation partielle




Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 114 F-D


Pourvoi n° W 22-15.172








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE

FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 FÉVRIER 2025


La société CLT, exerçant sous l'enseigne [Z] [D], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 février 2025

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 114 F-D

Pourvoi n° W 22-15.172

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 FÉVRIER 2025

La société CLT, exerçant sous l'enseigne [Z] [D], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° W 22-15.172 contre l'arrêt rendu le 11 février 2022 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [L] [N], domiciliée [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Redon, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société CLT, de Me Haas, avocat de Mme [N], après débats en l'audience publique du 7 janvier 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Redon, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 11 février 2022), Mme [N] a été engagée en qualité de responsable de magasin à compter du 1er octobre 2007 par la société pâtisserie confiserie Jean, devenue la société CLT.

2. Licenciée pour faute grave par lettre du 26 septembre 2018, elle a saisi la juridiction prud'homale en contestation de cette rupture.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen pris en ses deuxième et troisième branches

Énoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer à la salariée des sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner l'employeur à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées effectivement à la salariée dans la limite de trois mois d'indemnités, alors :

« 2°/ que la règle non bis in idem ne s'oppose pas à ce que l'employeur tienne compte, pour prononcer un licenciement pour faute grave, de l'ensemble des agissements fautifs commis par le salarié, dont il n'a pu connaître l'exactitude, l'ampleur et la gravité qu'au terme d'une enquête

interne ; qu'au cas présent, la société CLT faisait valoir que si Mme [G] ([C]) avait dénoncé, par son courriel du 17 août 2018, les critiques incessantes et dénigrantes, ainsi que l'espionnage par vidéo-surveillance de Mme [N], elle n'avait pu avoir une connaissance exacte de l'ampleur et de la gravité de ces agissements supposés de Mme [N] qu'au terme de son enquête interne, après avoir recueilli les témoignages des collaborateurs et ex-collaborateurs ; qu'au soutien de ses prétentions, la société exposante démontrait, avec offre de preuves les critiques incessantes et dénigrantes formulées par Mme [N], instaurant par là une ambiance de travail pénible et stressante, avaient été confirmées et détaillées par les attestations de Mme [S] [O] et de Mme [X] du 8 septembre 2018 dont les termes étaient expressément invoqués par l'exposante et par l'attestation de M. [B] du 11 septembre 2018 dont les termes étaient expressément invoqués par l'exposante, de même que l'espionnage auquel se livrait Mme [N], par le visionnage injustifié et répété des images des caméras de surveillance, avait été confirmé et détaillé par l'attestation de Mme [P] du 9 septembre 2018 dont les termes étaient expressément invoqués par l'exposante et par l'attestation de Mme [S] [O] du 8 septembre 2018 dont les termes étaient expressément invoqués par l'exposante ; qu'en s'abstenant néanmoins de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la société CLT n'avait pu avoir une connaissance exacte de la réalité, de l'ampleur et de la gravité des agissements commis par Mme [N] qu'au terme de son enquête interne, après avoir recueilli, entre le 8 et le 11 septembre 2018, les témoignages des collaborateurs et ex-collaborateurs, c'est-à-dire postérieurement à l'envoi du compte-rendu d'entretien daté du 29 août 2018, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1332-4 et L. 1235-1 du code du travail, ensemble le principe non bis in idem ;

3°/ que la poursuite par un salarié d'un fait fautif autorise l'employeur à se prévaloir de faits similaires, y compris ceux ayant déjà été sanctionnés, pour caractériser une faute grave ; que la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige ; qu'au cas présent, la cour d'appel a encore reproché à la société CLT d'avoir "fait référence dans son courrier du 29 août 2018 à l'attitude de la salariée à l'égard de l'ensemble des salariés, en mentionnant, entre autres, le visionnage des caméras de vidéosurveillance pour des raisons autres que celles liées à la sécurité des salariés, les remarques négatives faites aux clients et aux autres salariés, et les rumeurs", ce dont elle a déduit que "l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire concernant ces faits", de sorte que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant ainsi, cependant que ledit courrier du 29 août 2018 ne mentionnait pas les faits fautifs reprochés à la salariée dans la lettre de licenciement du 26 septembre 2018 et distincts de ceux initialement dénoncés par Mme [G], relatifs au harcèlement commis à l'encontre de M. [B] par des demandes répétitives injustifiées et des appels durant ses repos pour des demandes non urgentes ou qui ne le concernaient pas, à la modification des horaires et/ou des congés des salariés sans les aviser et à l'obligation faite aux apprenties de se changer dans l'arrière-boutique, et non dans le vestiaire prévu à cet effet, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1235-1, L. 1235-2 et L. 1232-6 du code du travail, ensemble l'article L. 1331-1 du même code et le principe non bis in idem. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1331-1 du code du travail :

5. Il résulte de ce texte que si un même fait fautif ne peut donner lieu à double sanction, en revanche, la poursuite par un salarié d'un comportement fautif autorise l'employeur à se prévaloir de ces faits, y compris ceux ayant déjà été sanctionnés, pour caractériser une faute grave.

6. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamner l'employeur à payer diverses sommes à la salariée, l'arrêt retient qu'à l'exception des faits de subornation de témoin rapportés par Mme [T], l'employeur ne justifie ni ne soutient qu'il n'avait pas connaissance des autres griefs reprochés à la salariée avant l'envoi de la lettre du 29 août 2018 précitée, dès lors qu'il expose avoir diligenté une enquête pour entendre l'ensemble des salariés suite à l'alerte de Mme [R] [G], puis fait référence dans son courrier du 29 août 2018 à l'attitude de la salariée à l'égard de l'ensemble des salariés, en mentionnant, entre autres, le visionnage des caméras de vidéosurveillance pour des raisons autres que celles liées à la sécurité des salariés, les remarques négatives faites aux clients et aux autres salariés, et les rumeurs.

7. Il ajoute que l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire concernant ces faits, et que les faits de subornation de témoin ne sont pas caractérisés.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'enquête menée par l'employeur avait permis de porter à sa connaissance, postérieurement à la lettre d'avertissement du 29 août 2018, des faits différents de ceux qui y étaient visés, révélés notamment par l'attestation établie le 11 septembre 2018 par M. [B], consistant en des appels téléphoniques pendant les congés, des demandes excessives de productivité, des propos dénigrants et l'interdiction, pour les salariées, de se changer dans les vestiaires, la cour d'appel, qui a n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme [N] de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement et pour licenciement vexatoire, l'arrêt rendu le 11 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne Mme [N] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500114
Date de la décision : 05/02/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 11 février 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 fév. 2025, pourvoi n°52500114


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500114
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award