LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 24-81.361 F-D
N° 00160
ODVS
11 FÉVRIER 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 11 FÉVRIER 2025
La société [2] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 23 novembre 2023, qui, pour blessures involontaires, l'a condamnée à 30 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société [2], les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [U] [F], Mme [T] [H] et l'[3], les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Pau-Pyrénées, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, M. Lagauche, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [U] [F], salarié de l'entreprise [1], a subi des brûlures dues à une substance chimique avec laquelle il a été mis en contact alors qu'il réalisait des travaux de maintenance sur un site industriel exploité par la société [2].
3. Cette dernière a été poursuivie du chef de blessures involontaires suivies d'une incapacité totale de travail supérieure à trois mois.
4. Le tribunal correctionnel l'a déclarée coupable, l'a condamnée à 30 000 euros d'amende, a ordonné une mesure d'affichage et a prononcé sur les intérêts civils.
5. La société [2], M. [F] et Mme [T] [H], parties civiles, et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [2] coupable de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité supérieure à trois mois, alors « qu'en se prononçant sans déterminer par quel organe ou représentant le délit reproché à la société [2] aurait été commis pour son compte, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
7. Selon le premier de ces textes, les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.
8. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
9. Pour déclarer la prévenue coupable de blessures involontaires, l'arrêt attaqué énonce que le chef de la société devait, en application de l'article L. 4211-5 du code du travail, assurer la coordination générale des mesures de prévention et veiller à ce que l'entreprise extérieure prenne les mesures utiles et nécessaires et qu'il devait, en application des articles R. 4412-15 et R. 4412-16 du même code, supprimer le risque représenté par l'exposition des travailleurs à un agent chimique dangereux ou, en cas d'impossibilité, réduire ce risque au minimum par la mise en oeuvre des mesures prévues par le second de ces textes.
10. Les juges déduisent des conditions dans lesquelles M. [F] est intervenu que la prévenue, qui n'a pas décrit la réalité du risque chimique encouru dans le plan de prévention, n'a pas vérifié son identification lors de la visite d'inspection et n'a pas accompli les diligences nécessaires à sa suppression alors que celle-ci était possible, a méconnu les obligations précitées.
11. En se prononçant ainsi, sans déterminer autrement que par une référence indirecte à un « chef de la société » dont l'identité n'est pas précisée par quel organe ou représentant de la personne morale prévenue les manquements qu'elle a constatés ont été commis pour le compte de celle-ci, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
12. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les deuxième et troisième moyens de cassation proposés, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Toulouse, en date du 23 novembre 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Toulouse et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille vingt-cinq.