COUR DE CASSATION
Première présidence
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ORejPer
Pourvoi n° : D 21-11.748
Demandeur : la société Francelot
Défendeur : Mme [J] et autre
Requête n° : 1046/24
Ordonnance n° : 90168 du 13 février 2025
ORDONNANCE
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ENTRE :
Mme [N] [J] épouse [M], ayant la SCP Claire Leduc et Solange Vigand pour avocat à la Cour de cassation,
M. [B] [J], ayant la SCP Claire Leduc et Solange Vigand pour avocat à la Cour de cassation,
ET :
la société Francelot, ayant la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret pour avocat à la Cour de cassation,
Lionel Rinuy, conseiller délégué par le premier président de la Cour de cassation, assisté de Vénusia Ismail, greffier lors des débats du 23 janvier 2025, a rendu l'ordonnance suivante :
Vu l'ordonnance du 13 janvier 2022 prononçant la radiation du pourvoi enregistré sous le numéro D 21-11.748 formé à l'encontre de l'arrêt rendu le 24 novembre 2020 par la cour d'appel de Caen dans l'instance opposant la société Francelot à Mme [N] [J] et M. [B] [J] ;
Vu la requête du 9 octobre 2024 par laquelle Mme [N] [J] épouse [M] et M. [B] [J] demandent que, par application des articles 386 et 1009-2 du code de procédure civile, la péremption de l'instance soit constatée ;
Vu les observations développées au soutien de cette requête ;
Vu les observations développées en défense ;
Vu l'avis de Pascale Compagnie, avocat général, recueilli lors des débats ;
Par décision du 13 janvier 2022, l'affaire inscrite sous le numéro D 21-11.748 a été radiée, en application de l'article 1009-1 du code de procédure civile.
Par décision du 2 mai 2024, la requête en réinscription du pourvoi, présentée le 11 janvier 2024 par la demanderesse au pourvoi, a été rejetée au principal motif que celle-ci ne justifiait toujours pas, ni que les offres faites à chacun des consorts [J] étaient satisfactoires et conformes à la décision attaquée, ni que l'obligation de communiquer l'ensemble des contrats de vente et/ou de réservation portant sur l'opération immobilière avait été remplie.
Le 9 octobre 2024, les consorts [J] ont demandé que la péremption de l'instance soit constatée, exposant que le pourvoi a été radié du rôle par une ordonnance en date du 13 janvier 2022, signifiée le 30 août 2022 à la demanderesse au pourvoi et que, plus de deux ans plus tard, les causes de l'arrêt n'avaient pas été exécutées.
La demanderesse au pourvoi soutient notamment, dans ses observations en défense, que les diligences interruptives de la péremption n'obéissent à aucun formalisme particulier, que la Cour de cassation a récemment jugé « qu'en cas de retrait du rôle, le dépôt au greffe des conclusions sollicitant la réinscription interrompt le délai de péremption » (Civ. 2ème, 21 décembre 2023, pourvoi n° 21-23.816) et que, de plus, une exécution partielle suffit à interrompre la péremption (Ord. 1er prés. 23 mai 2001, n° 97-22.084, Bull. ord. n°19).
Elle fait également valoir qu'elle a accompli de nombreux actes témoignant sans équivoque sa volonté de poursuivre la procédure et d'exécuter l'arrêt attaqué dans le délai de deux ans à compter de la notification de l'ordonnance de radiation, qu'en effet, son conseil a, par courrier officiel du 14 mars 2023, adressé au conseil des requérants l'intégralité des contrats de vente et/ou de réservation portant sur l'opération immobilière, qu'elle a également exécuté les condamnations pécuniaires prononcées à son encontre, que dans le cadre de la procédure en liquidation de l'astreinte, la cour d'appel de Caen a constaté, dans son arrêt du 20 février 2024, que sa proposition constituait un début d'exécution, qu'elle a adressé une nouvelle offre officielle aux consorts [J] le 3 janvier 2024, que M. [J] a acceptée le 17 juillet 2024, et qu'elle a sollicité la réinscription au rôle de son pourvoi, concluant que de tels actes avaient interrompu le cours de la péremption.
Les requérants répliquent que tout en alléguant avoir accompli des actes d'exécution manifestant sa volonté de se soumettre aux prescriptions de l'arrêt confirmatif du 24 novembre 2020, la demanderesse au pourvoi ne justifie d'aucun acte nouveau et distinct de ceux dont la Première présidence a déjà eu à connaître et qu'elle a jugés manifestement insuffisants pour la convaincre de la volonté sincère de celle-ci d'exécuter les causes de l'arrêt frappé de pourvoi, que le seul événement nouveau qui soit survenu depuis les ordonnances des 13 janvier 2022 et 2 mai 2024 réside, non dans un acte qui aurait été accompli par la demanderesse au pourvoi et qui serait, comme tel, susceptible de manifester sans équivoque sa volonté d'exécuter, mais dans l'initiative de M. [B] [J], le 17 juillet 2024, de déclarer officiellement accepter son offre. Ils ajoutent que M. [J] avait alors rappelé à la demanderesse au pourvoi, la société Francelot, qu'aux termes du jugement du 9 novembre 2015, tel que confirmé par l'arrêt du 24 novembre 2020, celle-ci avait été condamnée à réitérer la vente par acte authentique dans le délai de trois mois suivant la remise de l'offre, qu'il était pour sa part prêt à procéder à cette réitération et qu'il entendait, par sa démarche, « faire courir tout délai » mais que, depuis la réception de ce courrier, la demanderesse au pourvoi n'avait accompli aucune démarche aux fins de permettre la réitération de la vente, alors que le délai de trois mois expirait le 17 octobre 2024 et que, plus de six mois après l'acceptation de l'offre, elle ne s'était toujours pas manifestée.
Il convient de rappeler qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1009-2 du code de procédure civile : le délai de péremption court à compter de la notification de la décision ordonnant la radiation. Il est interrompu par un acte manifestant sans équivoque la volonté d'exécuter.
La seule demande de réinscription ne peut ainsi à elle seule caractériser un tel acte interruptif de prescription.
En revanche, le fait que des actes d'exécution de l'arrêt attaqué n'aient pas été jugés suffisants pour justifier la réinscription de l'affaire en application de l'article 1009-3 du code de procédure civile n'ôte pas à ces actes leur caractère interruptif s'ils manifestent sans équivoque la volonté d'exécuter des demandeurs dont le pourvoi a été radié.
Or, en l'espèce, il a été justifié par la demanderesse au pourvoi d'une offre faite le 3 janvier 2024, à laquelle a souscrit, fût-ce sous condition, M. [J], par sa lettre du 17 juillet 2024, de sorte que cette offre constitue un acte interruptif de la prescription et qu'un nouveau délai de deux ans court depuis le 3 janvier 2024.
En conséquence, la péremption ne pouvant être constatée, il y a lieu de rejeter la requête.
EN CONSÉQUENCE :
La péremption de l'instance ouverte sur la déclaration de pourvoi enregistrée sous le numéro D 21-11.748 n'est pas constatée.
Fait à Paris, le 13 février 2025
Le greffier,
Le conseiller délégué,
Vénusia Ismail
Lionel Rinuy