LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 24-80.958 F-D
N° 00239
ODVS
4 MARS 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 MARS 2025
M. [Z] [B], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 13 novembre 2023, qui, dans la procédure suivie contre M. [S] [F] du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Goanvic, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [Z] [B], les observations de la SCP Duhamel, avocat de MM. [O] [W] et [S] [F], et la société [1], et les conclusions de Mme Djemni-Wagner, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Goanvic, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A la suite à la condamnation définitive de M. [S] [F] pour blessures involontaires sur la personne de M. [Z] [B], une expertise médicale de la victime, reçue en sa constitution de partie civile, a été ordonnée.
3.Par jugement ultérieur, le tribunal correctionnel, statuant sur la liquidation du préjudice de M. [B], a, notamment, débouté ce dernier de la demande présentée au titre de la perte de gains professionnels futurs.
4. M. [B] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement déféré ayant débouté M. [B] de sa demande d'indemnisation au titre de la perte de gains professionnels futurs, alors « que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que pour rejeter la demande de M. [B] au titre de la perte de gains professionnels futurs, l'arrêt retient que si son salaire brut antérieur à l'accident était supérieur à celui perçu dans le nouvel emploi que les lésions imputables à l'infraction l'avaient contraint à accepter, « cela était dû à des heures supplémentaires qui ne peuvent être prises en compte en raison de leur caractère aléatoire » ; qu'en statuant ainsi quand ces heures supplémentaires, qui résultaient de ce que le temps de travail de M. [B] était fixé à 169 heures par mois, soit 39 heures par semaine incluant nécessairement quatre heures supplémentaires chaque semaine, étaient accomplies systématiquement et automatiquement par M. [B] chaque mois, de sorte que leur paiement participait de la rémunération habituelle du salarié constitutive du salaire de référence devant être pris en considération pour déterminer la perte de revenus imputable à l'infraction, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale, ensemble les articles 1240 du code civil, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime et l'article 593 du code de procédure pénale :
6. Il résulte de ce texte que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
7. Pour débouter la partie civile de sa demande au titre de la perte de gains professionnels futurs, l'arrêt attaqué énonce, par motifs propres et adoptés, que M. [B] a été embauché, le 29 octobre 2018, pour un salaire brut de 1 852,53 euros alors que son salaire brut de base était de 1 734 euros dans l'emploi qu'il occupait avant l'accident, intervenu en août 2015.
8. Le juge relève que si les revenus nets de l'intéressé étaient supérieurs à ce dernier montant avant l'accident, en raison des heures supplémentaires effectuées, celles-ci ne peuvent être prises en compte en raison de leur caractère aléatoire.
9. Il en déduit qu'il n'est pas justifié d'une diminution de revenu consécutive à l'accident.
10. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
11. En effet, il résultait de l'avis d'imposition pour les revenus de 2014 et des bulletins de paie de cette même année versés aux débats que M. [B] était rémunéré sur une base hebdomadaire de trente-neuf heures, soit quatre heures supplémentaires majorées de vingt-cinq pour cent.
12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la perte de gains professionnels futurs. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS,
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Angers, en date du 13 novembre 2023, mais en ses seules dispositions relatives à la perte de gains professionnels futurs, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Angers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt-cinq.