LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° C 23-84.918 F-D
N° 00352
GM
19 MARS 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 19 MARS 2025
La société [H] [1], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 634 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, en date du 25 juillet 2023, qui, dans la procédure suivie contre personne non dénommée des chefs de faux, usage et tentative d'escroquerie, a confirmé l'ordonnance la condamnant à une amende civile de 10 000 euros rendue par le juge d'instruction.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de la société [H] [1], les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [Z] [X], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [Z] [X], recruté en juin 2007 en qualité de directeur des ressources humaines par la société [H] [1], a été licencié le 3 avril 2018.
3. Le 23 avril 2019, la société [H] [1] a porté plainte à l'encontre de M. [X] pour avoir produit devant la juridiction prud'homale des bulletins de salaire argués de faux et s'est constituée partie civile.
4. Une information a été ouverte des chefs de faux, usage de faux et tentative d'escroquerie au cours de laquelle M. [X] a été placé sous le statut de témoin assisté.
5. Le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre à son encontre par ordonnance du 16 août 2022, dont la société [H] [1] a relevé appel.
6. Par ordonnance du 28 septembre 2022, le juge d'instruction a déclaré abusive la constitution de partie civile de la société [H] [1] et condamné M. [J] [H], représentant légal de ladite société, à payer une amende civile de 10 000 euros.
7. La société [H] [1] a relevé appel de cette ordonnance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance rendue par le juge d'instruction condamnant M. [H], es qualité de représentant légal de la société [H] [1], à payer une amende civile, alors :
« 1°/ que la cassation à intervenir de l'arrêt confirmatif de non-lieu n° 633/2023 rendu par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier (pourvoi n° A 23-84.916), entrainera par voie de conséquence la cassation au paiement d'une amende civile pour constitution abusive de partie civile ;
2°/ que tout jugement ou tout arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision et que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; un arrêt manque de base légale lorsqu'il procède de la dénaturation des termes clairs, précis et univoque d'une décision de justice ; en affirmant qu'il résultait de l'arrêt n° 633/2023 du 25 juillet 2023 que M. [X] n'avait pas présenté de faux bulletins de paie devant la justice, la chambre de l'instruction a dénaturé les termes dudit arrêt qui se bornait à constater une insuffisance de charges et, partant, a privé sa décision de base légale au regard des articles 177-2, 212-2 et violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que si une amende civile peut être prononcée lorsqu'une constitution de partie civile est abusive ou dilatoire, la juridiction est tenue d'exposer les motifs pour lesquels elle estime que la constitution de partie civile a un caractère abusif ; la circonstance que la constitution de partie civile puisse influer sur une procédure civile en cours ne caractérise pas en soi un abus de droit ; en retenant le caractère abusif de la constitution de partie civile de la S.A.S. [H] [1] au seul motif qu'elle est susceptible d'influer sur une instance prud'homale en cours dont les enjeux financiers sont importants, alors que la plainte se fonde sur des documents concrets constatés par huissier et corroborés par diverses expertises, attestation et témoignage, la chambre de l'instruction a violé les articles 177-2 et 212-2 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
9. Par arrêt de ce jour, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt confirmatif du non-lieu ordonné par le juge d'instruction, de sorte que le grief est devenu sans objet.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
10. Pour confirmer l'ordonnance ayant condamné M. [H] à payer une amende civile de 10 000 euros, l'arrêt attaqué relève qu'il résulte de la décision confirmant l'ordonnance de non-lieu, laquelle a constaté l'absence d'éléments à charge à l'encontre de M. [X], que ce dernier n'a pas présenté de faux bulletins de paie devant la justice.
11. Les juges ajoutent que prétendre le contraire dans le cadre d'une instance prud'homale dont les enjeux financiers sont importants et, dans ce contexte, porter plainte avec constitution de partie civile en produisant des bulletins de paye non conformes à la réalité confère à la dite plainte, destinée à influencer l'instance prud'homale en cours, un caractère abusif.
12. Ils en déduisent que le juge d'instruction est fondé à considérer que le procédé utilisé par le dirigeant de la société, dont la mauvaise foi est établie par les déclarations de M. [X] et de ses anciens employés, est constitutif d'un abus de droit.
13. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a, sans dénaturer l'arrêt confirmatif de l'ordonnance de non-lieu, souverainement jugé abusive la constitution de partie civile.
14. Ainsi, le moyen ne peut être accueilli.
15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que la société [H] [1] devra payer à M. [Z] [X] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt-cinq.