LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CC
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 avril 2025
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 224 F-D
Pourvoi n° Q 23-18.712
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 AVRIL 2025
1°/ M. [N] [L],
2°/ Mme [O] [M], épouse [L],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° Q 23-18.712 contre l'arrêt rendu le 28 mars 2023 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société Crédit immobilier de France développement (CIDF), société anonyme, venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Rhône-Alpes Auvergne (CIFRAA), venant elle-même aux droits de la société Crédit immobilier de France financière Rhône Ain (CIFFRA), dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. et de Mme [L], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Crédit immobilier de France développement, après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 28 mars 2023), selon une première offre acceptée le 28 octobre 2004 et une seconde offre du 18 juillet 2006, la société Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne, aux droits de laquelle vient la société Crédit immobilier de France développement (la banque), a consenti à M. et Mme [L] (les emprunteurs), avec le concours de la société Apollonia, deux prêts s'élevant respectivement aux sommes de 258 000 euros et 244 417 euros, ayant pour objet de financer l'acquisition d'appartements destinés à la location.
2. Après avoir, le 17 février 2010, prononcé la déchéance du terme, la banque a, le 12 octobre 2010, assigné les emprunteurs en paiement des sommes restant dues au titre des prêts.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en déchéance de la banque de son droit aux intérêts et de les condamner à payer à celle-ci certaines sommes, alors « qu'à peine de déchéance du droit aux intérêts, il incombe à la banque de rapporter la preuve que l'offre préalable de prêt a été envoyée à l'emprunteur par voie postale conformément aux dispositions de l'article L 312-7 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; pour dire que les emprunteurs ne pouvaient se prévaloir d'une violation de l'article L 312-7 du code de la consommation, l'arrêt relève que quand bien même il ne figure pas dans l'offre de prêt la mention selon laquelle les emprunteurs reconnaissent avoir reçu l'offre par voie postale et que la charge de l'envoi de cette offre par voie postale incombe au prêteur, l'acte notarié du 20 avril 2004, réitérant l'offre de crédit, acte faisant foi jusqu'à inscription de faux, comporte en sa page 2 l'indication suivante conformément aux dispositions de la loi 79-596 du 13 juillet 1979, modifiée, la Financière [comprendre la Banque] a adressé une offre de prêt à l'emprunteur [comprendre M. et Mme [F]] par voie postale (? )" mais encore en sa page 3 le prêteur a adressé le 22 mars 2004 à l'emprunteur qui le reconnaît, l'offre de prêt n° 29030 qui a été reçue par ce dernier le 23 mars 2004 (?)" ; qu'en se fondant sur les mentions d'un acte authentique de prêt conclu le 20 avril 2004 totalement étranger au litige, la cour d'appel, qui a statué par une motivation impropre à établir que la banque justifie avoir envoyé par voie postale les offres de prêts des 28 octobre 2004 et 18 juillet 2006 aux emprunteurs, a violé l'article L 312-7 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 312-7 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :
5. Selon le premier de ces textes, pour les prêts mentionnés à l'article L. 312-2, le prêteur est tenu de formuler par écrit une offre adressée gratuitement par voie postale à l'emprunteur éventuel ainsi qu'aux cautions déclarées par l'emprunteur lorsqu'il s'agit de personnes physiques.
6. En application du second, en cas d'inobservation des règles de forme relatives aux modalités d'envoi de l'offre de prêt, le prêteur pourra être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
7. Pour rejeter la demande des emprunteurs tendant à ce que la banque soit déchue de son droit aux intérêts, fondée sur l'absence d'envoi par la voie postale des offres de prêt n° 36147 du 28 octobre 2004 et n° 93717 du 18 juillet 2006, l'arrêt retient que s'il ne résultait pas de l'offre de prêt que les emprunteurs reconnaissaient l'avoir reçue par voie postale, cet envoi était toutefois établi par l'acte notarié du 20 avril 2004 réitérant l'offre de crédit dès lors que cet acte faisait foi jusqu'à inscription de faux et qu'il comportait les indications suivantes : « conformément aux dispositions de la loi 79-596 du 13 juillet 1979 modifiée, la Financière [comprendre la Banque] a adressé une offre de prêt à l'emprunteur [comprendre M. et Mme [F]] par voie postale » et « le prêteur a adressé le 22 mars 2004 à l'emprunteur qui le reconnaît, l'offre de prêt n° 29030 qui a été reçue par ce dernier le 23 mars 2004 ».
8. En statuant ainsi, par des motifs qui, se référant à un acte notarié relatif à un prêt étranger au litige, sont impropres à établir qu'était rapportée la preuve de l'envoi, par voie postale, des offres de prêt des 28 octobre 2004 et 18 juillet 2006, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de déchéance du droit aux intérêts formée par M. et Mme [L], les condamne à payer à la société Crédit immobilier de France développement les sommes de 258 249,12 euros au titre du prêt n° 36147 et la somme de 246 121,97 euros au titre du prêt n° 93717 avec intérêts au taux de 4,5% pour le premier et 4,6% pour le second à compter du 17 février 2010, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 28 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Crédit immobilier de France développement aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit immobilier de France développement et la condamne à payer à M. et Mme [L] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille vingt-cinq.