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08/04/2025 | FRANCE | N°C2500476

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 avril 2025, C2500476


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° Z 24-84.068 F-D


N° 00476




ODVS
8 AVRIL 2025




REJET




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 AVRIL 2025






Mme [X] [V] [Z]

a formé un pourvoi contre l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Douai, en date du 5 février 2024, qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la direction régionale de l'économie,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Z 24-84.068 F-D

N° 00476

ODVS
8 AVRIL 2025

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 AVRIL 2025

Mme [X] [V] [Z] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Douai, en date du 5 février 2024, qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités des [Localité 1] à effectuer des opérations de visite et de saisie en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de Mme [X] [V] [Z], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités des [Localité 1], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, M. Lagauche, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par ordonnance du 23 janvier 2023, le juge des libertés et de la détention a autorisé la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) des [Localité 1] à procéder à des opérations de visite et saisies, notamment au domicile de Mme [X] [V] [Z].

3. Le 10 février 2023, cette dernière a relevé appel de cette ordonnance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes et a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Lille en date du 23 janvier 2023 autorisant des opérations de visite domiciliaire et saisie en application de l'article L. 450-4 du code de commerce à son domicile, alors :

« 1°/ que par mémoire distinct et motivé, il est soutenu que l'article L. 450-4, alinéa 1er, du code de commerce, en ce qu'il permet au juge des libertés et de la détention d'autoriser la visite et la saisie de documents ou supports d'informations « en tous lieux », sans prévoir de garanties suffisantes pour encadrer les visites et saisies effectuées au domicile de personnes physiques, telles que les salariés des entreprises soupçonnées d'avoir commis des pratiques anticoncurrentielles, est contraire au droit au respect de la vie privée garanti par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que la déclaration d'inconstitutionnalité de ce texte, qui sera prononcée après renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité, entraînera l'annulation de l'arrêt attaqué pour perte de fondement juridique ;

2°/ en tout etat de cause, que les opérations de visite et de saisies au domicile d'une personne physique étant particulièrement attentatoires au droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, le juge ne peut autoriser de telles opérations au domicile personnel d'un salarié d'une entreprise soupçonnée d'avoir commis des pratiques anticoncurrentielles au seul motif que des documents professionnels sont susceptibles de s'y trouver, sans caractériser l'existence d'indices laissant présumer une implication du salarié dans les pratiques dont la preuve est recherchée ; qu'en retenant, pour écarter le moyen soulevé par Mme [Z] tenant à l'absence de motivation de l'ordonnance d'autorisation quant à son implication personnelle dans le schéma-anticoncurrentiel prétendument mis en oeuvre par son ancien employeur, que l'autorisation de visite domiciliaire ne reposait nullement sur le fait que Mme [Z] ait été à l'initiative des pratiques anticoncurrentielles alléguées contre son employeur, mais qu'au regard des fonctions qu'elle exerçait au sein de la société [3] et de ce qu'elle apparaissait avoir travaillé à partir de son domicile, l'administration était fondée à vouloir visiter ce domicile pour avoir accès à ses documents professionnels, le premier président a violé l'article L. 450-4 du code de commerce et l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ subsidiairement, que le juge ne peut autoriser des opérations de visite et de saisies au domicile personnel d'un salarié d"une entreprise soupçonnée d'avoir commis des pratiques anticoncurrentielles sans indiquer en quoi ce domicile est susceptible de contenir des documents permettant de caractériser des pratiques commises par ladite entreprise; qu'il doit en outre s'assurer que de telles opérations, particulièrement attentatoires au droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance du salarié en cause, sont nécessaires, ce qui n'est pas le cas si les documents susceptibles de se trouver au domicile du salarié sont accessibles depuis les locaux de l'entreprise suspectée ; qu'en l'espèce, pour juger que le recours à une visite domiciliaire au domicile personnel de Mme [Z] était fondé, le premier président s'est borné à relever que la société [3] n'avait pas de locaux en France avant juillet 2022, que Mme [Z] travaillait depuis son domicile et occupait ses fonctions depuis au moins mai 2019, et que la nécessité d'intervenir simultanément dans l'ensemble des lieux dans lesquels une visite était ordonnée ne permettait pas d'envisager une démarche amiable ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'il y était invité, si la visite de ce domicile personnel était nécessaire, alors que la messagerie professionnelle de Mme [Z] était accessible sur un serveur situé dans les locaux de la société [3], au sein desquels une visite domiciliaire avait par ailleurs été autorisée, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 450-4 du code de commerce et de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en sa première branche

5. Le grief est sans objet dès lors que, par arrêt du 7 janvier 2025, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

6. Pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant les opérations de visite et saisie au domicile de Mme [Z], la décision attaquée énonce notamment que celle-ci était la directrice commerciale régionale France de l'entreprise [3], que son profil [2] précise qu'elle assurait des fonctions de management de la filiale française, de définition et mise en place de la stratégie France et qu'elle travaillait à partir de son domicile de sorte que l'administration était fondée à vouloir visiter celui-ci pour avoir accès à ses documents professionnels.

7. Le juge ajoute que l'autorisation de visite du domicile personnel de Mme [Z] n'est que l'une des neuf autorisations données par le juge des libertés et de la détention de visites devant se dérouler au sein de huit sociétés, ce magistrat ayant retenu à juste raison qu'il était nécessaire de permettre aux agents de l'administration d'intervenir simultanément sur l'ensemble des lieux, en ce compris le domicile de Mme [Z], afin d'éviter la disparition ou la dissimulation d'éléments matériels, ce qui ne permettait pas d'envisager une démarche amiable auprès de cette dernière.

8. En prononçant ainsi, le premier président a justifié sa décision pour les motifs qui suivent.

9. D'une part, en vertu de l'article L. 450-4 du code de commerce, le juge peut autoriser des opérations de visite et de saisie, en tous lieux, même privés, dès lors qu'il constate que des documents se rapportant à la fraude présumée sont susceptibles de s'y trouver, et ce sans qu'il soit nécessaire de caractériser l'existence d'indices laissant présumer une participation de l'occupant desdits lieux aux pratiques anticoncurrentielles dont la preuve est recherchée.

10. D'autre part, le juge a caractérisé, sans insuffisance, qu'en raison de l'exercice, à son domicile, par Mme [Z] de ses fonctions professionnelles, de tels documents étaient susceptibles de s'y trouver.

11. Enfin, il a retenu par des motifs dénués d'insuffisance et de contradiction que la mesure autorisée était nécessaire et proportionnée au regard de la nature et de l'ampleur des investigations devant être réalisées.

12. Ainsi, le moyen doit être écarté.

13. Par ailleurs l'ordonnance est régulière en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que Mme [Z] devra payer à la DREETS des [Localité 1] et en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2500476
Date de la décision : 08/04/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Premier Président près la Cour d'appel de Douai, 05 février 2024


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 avr. 2025, pourvoi n°C2500476


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Melka-Prigent-Drusch

Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:C2500476
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