LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 avril 2025
Cassation partielle sans renvoi
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 238 F-B
Pourvoi n° U 24-50.023
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 AVRIL 2025
1°/ le procureur général près la cour d'appel de Metz, domicilié en son parquet général, [Adresse 2],
2°/ le préfet de l'Aube, domicilié [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° U 24-50.023 contre l'ordonnance rendue le 5 juillet 2024 par le premier président de la cour d'appel de Metz, dans le litige les opposant à M. [H] [T], se disant [H] [X], domicilié centre de rétention administrative de [Localité 4], [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, substitué par Mme Dumas, conseiller référendaire, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance rendue par le premier président d'une cour d'appel (Metz, 5 juillet 2024), le 20 avril 2024, M. [T], de nationalité marocaine, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative, en exécution d'une obligation de quitter le territoire français. Par ordonnances des 22 avril, 20 mai, et 19 juin 2024, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention pour vingt-huit, trente puis quinze jours.
2. Le préfet a saisi un juge des libertés et de la détention d'une requête en quatrième prolongation de la mesure de rétention, sur le fondement de l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).
Examen du moyen
Énoncé du moyen
3. Le procureur général près la cour d'appel de Metz fait grief à l'ordonnance de confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant la requête du préfet et ordonnant la remise en liberté de M. [T], alors « que l'article L. 742-5, alinéa 7, et dernier du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que la menace à l'ordre public est désormais un motif de troisième et quatrième prolongation de la rétention administrative ; qu'en énonçant que « dans le délai de quinze jours au cours de la troisième prolongation, n'est pas survenue la circonstance d'une urgence absolue ou d'une menace pour l'ordre public », la cour d'appel a décidé d'une nouvelle condition d'application de la loi en imposant qu'un nouvel élément caractérisant une menace à l'ordre public devait survenir dans les quinze jours précédant la demande de quatrième prolongation, sans tenir compte des éléments préexistants, exposant ainsi sa décision à la censure de la Cour de cassation pour violation de la loi. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 742-5 du CESEDA :
4. Selon ce texte, à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut être saisi aux fins d'une troisième prolongation de la rétention pour une période maximale de quinze jours, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement une demande de protection contre l'éloignement ou une demande d'asile ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
5. Aux termes du septième alinéa de ce texte, le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.
6. Aux termes de son dixième alinéa, si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa survient au cours de la troisième prolongation, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions.
7. Il résulte des débats parlementaires que l'introduction du septième alinéa de ce texte par amendement du gouvernement a eu pour objet que « le juge tienne particulièrement compte de comportements menaçant l'ordre public susceptibles de révéler un risque de soustraction à la procédure d'éloignement à chaque fois qu'il est saisi aux fins de prolongation de la rétention ».
8. Il s'en déduit que la troisième prolongation de la rétention n'est pas soumise, contrairement aux autres situations, à l'exigence que la menace à l'ordre public soit apparue dans les quinze derniers jours et que la quatrième prolongation n'est soumise qu'à la persistance de cette menace au regard notamment de faits antérieurs au placement en rétention et n'impose pas qu'un nouvel élément la caractérisant soit survenu au cours de la troisième prolongation.
9. Pour rejeter la requête du préfet en quatrième prolongation de la rétention de M. [T], l'ordonnance retient qu'au cours de la troisième prolongation, la circonstance d'une menace pour l'ordre public n'est pas survenue dès lors qu'il n'est pas démontré que l'intéressé aurait adopté un comportement pouvant caractériser une telle menace.
10. En statuant ainsi, le premier président a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle a joint les procédures n° RG 24/00523 et n° RG 24/00525 sous le n° RG 24/00525, et déclaré recevable les appels du préfet et du procureur de la République de Metz, l'ordonnance rendue le 5 juillet 2024, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Metz ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille vingt-cinq.