LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 9 avril 2025
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 383 F-D
Pourvoi n° P 23-16.503
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 AVRIL 2025
La société Sfam Roanne, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 23-16.503 contre le jugement rendu le 23 mai 2023 par le président du tribunal judiciaire de Roanne, selon la procédure accélérée au fond dans le litige l'opposant :
1°/ au comité social et économique de la société Sfam [Localité 3], dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Syndex, dont le siège est [Adresse 2], société anonyme coopérative à conseil d'administration,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Sfam Roanne, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du comité social et économique de la société Sfam Roanne et de la société Syndex, après débats en l'audience publique du 12 mars 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Roanne, 23 mai 2023), rendu selon la procédure accélérée au fond, la société Sfam Roanne (la société) a engagé la procédure annuelle d'information et de consultation du comité social et économique de la société Sfam Roanne (le comité) sur les orientations stratégiques de l'entreprise et sur sa situation économique et financière.
2. Lors de la réunion du même jour, les élus du comité ont manifesté la volonté d'être assistés d'un expert-comptable et ont voté le recours à la société d'expertise comptable Syndex (l'expert).
3. L'expert a sollicité de la direction de la société, le 30 mars 2023, la communication d'informations et de documents puis, le 4 avril 2023, a transmis le cahier des charges et les coûts.
4. Par actes du 14 avril 2023, la société a assigné le comité et l'expert devant le président du tribunal judiciaire.
5. Contestant le périmètre et le coût prévisionnel des expertises comptables décidées par le comité en application des articles L. 2315-87 et L. 2315-88 du code du travail, la société a demandé au président du tribunal judiciaire de juger que la liste des documents et le coût prévisionnel des cahiers des charges des expertises sont disproportionnés, d'annuler les cahiers des charges, d'ordonner à l'expert de notifier de nouveaux cahiers des charges en excluant les éléments du groupe et de prononcer la suspension des expertises dans l'attente des nouveaux cahiers des charges.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa troisième branche
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
7. La société fait grief au jugement de la débouter de ses demandes relatives aux deux expertises comptables décidées par le comité en application des articles L. 2315-87 et L. 2315-88 du code du travail, demandes qui avaient pour objet, à propos de l'une et de l'autre de ces expertises, de juger que la liste des documents et le coût prévisionnel du cahier des charges sont disproportionnés et, en conséquence d'annuler les cahiers des charges et de prononcer la suspension des deux expertises dans l'attente des nouveaux cahiers des charges, alors :
« 1°/ que selon les prévisions de l'article L. 2312-24 du code du travail, la consultation du CSE doit porter sur les orientations stratégiques de l'entreprise telles qu'elles sont définies par l'organe chargé de l'administration et de la surveillance de l'entreprise, ce qui désigne l'organe statutaire chargé de l'administration ou de la surveillance de la personne morale et non la personne morale de son président et encore moins celle de son principal actionnaire ; qu'en jugeant que la mission d'expertise comptable doit "s'exercer au niveau du groupe" au motif que l'organe chargé de l'administration de la société Sfam serait sa société mère et que "les fonctions de direction ne (seraient pas) exercées par la société Sfam Roanne", le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2312-24, L. 2315-87 et L. 2315-87-1 du code du travail ;
2°/ qu'en admettant même que l'expertise relative aux orientations stratégiques de l'entreprise puisse nécessiter quelques informations relatives au groupe, il n'en résulte pas pour autant que la mission d'expertise doive "s'exercer au niveau du groupe", en l'absence d'accord conclu en ce sens - conformément aux prévisions de l'article L. 2312-20 du code du travail- et alors que la consultation du CSE est elle-même limitée aux orientations de l'entreprise ; qu'en l'absence de preuve de la fictivité d'une société ou d'une confusion des patrimoines, des activités et des directions, chaque filiale d'un groupe de sociétés dispose, par principe, d'une autonomie juridique inhérente à sa personnalisation ; qu'en jugeant non seulement que l'expert pouvait demander des informations relatives au groupe en sus de celles qui figurent dans la base de données mise à la disposition des représentants du personnel mais aussi, plus généralement, qu'il doit exercer sa mission d'expertise sur les orientations stratégiques "au niveau du groupe" en raison de l'unité de contrôle qui présiderait à l'organisation de ce groupe, sans pour avoir pour autant constaté ni la fictivité de la société Sfam ni une confusion de patrimoines, d'intérêts, d'activités et de direction entre les entités personnalisées qui composent le groupe pas plus que l'existence d'une unité économique et sociale, le tribunal judiciaire a violé les dispositions des articles L. 2312-24, L. 2315-87 et L. 2315-87-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
8. Aux termes de l'article L. 2315-87 du code du travail, le comité social et économique peut décider de recourir à un expert-comptable en vue de la consultation sur les orientations stratégiques de l'entreprise prévue au 1° de l'article L. 2312-17.
9. Aux termes de l'article L. 2315-87-1 du même code, la mission de l'expert-comptable porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier, social ou environnemental nécessaires à la compréhension des orientations stratégiques de l'entreprise.
10. Aux termes de l'article L. 2315-88 du même code, le comité social et économique peut décider de recourir à un expert-comptable en vue de la consultation sur la situation économique et financière de l'entreprise prévue au 2° de l'article L. 2312-17.
11. Aux termes de l'article L. 2315-89 du même code, la mission de l'expert-comptable porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier, social ou environnemental nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise.
12. Il en résulte que le président du tribunal judiciaire a exactement décidé que le périmètre des expertises comptables pour les consultations relatives aux orientations stratégiques de l'entreprise et à sa situation économique et financière pouvait porter sur la situation et le rôle de l'entreprise au sein du groupe auquel elle appartient, de sorte que les demandes de la société tendant à voir réduire leur coût à cet égard devaient être rejetées.
13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sfam [Localité 3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sfam [Localité 3] et la condamne à payer au comité social et économique de la société Sfam [Localité 3] et à la société d'expertise comptable Syndex la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le neuf avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.