LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
JL10
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 9 avril 2025
Cassation partielle
sans renvoi
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 387 F-D
Pourvoi n° S 24-11.979
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 AVRIL 2025
La société NXP Semiconductors France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 9], [Localité 5], a formé le pourvoi n° S 24-11.979 contre le jugement rendu le 9 février 2024 par le tribunal judiciaire de Caen (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'Union locale CGT d'[Localité 7], dont le siège est [Adresse 2], [Localité 7],
2°/ à M. [YJ] [VE], domicilié [Adresse 4], [Localité 3],
3°/ à M. [T] [K], domicilié [Adresse 8], [Localité 7],
4°/ au syndicat CFDT,
5°/ au syndicat CFE-CGC,
tous deux ayant leur siège établissement NXP [Localité 6], [Adresse 1], [Localité 6],
6°/ à Mme [LP] [J],
7°/ à M. [M] [ZD],
8°/ à M. [XT] [L],
9°/ à M. [R] [JS],
10°/ à M. [Y] [RW],
11°/ à M. [ED] [N],
12°/ à M. [EL] [V],
13°/ à M. [G] [U],
14°/ à M. [R] [WL],
15°/ à Mme [B] [I],
16°/ à M. [RF] [HA],
17°/ à M. [F] [Z] [A],
18°/ à M. [GJ] [OY],
19°/ à Mme [KZ] [P],
20°/ à M. [XT] [X],
21°/ à M. [VV] [FT],
22°/ à M. [R] [S],
23°/ à M. [XC] [TU],
24°/ à M. [KI] [O],
25°/ à M. [D] [E],
26°/ à M. [H] [TX],
27°/ à M. [FC] [C],
28°/ à M. [RF] [W],
tous les vingt-trois domiciliés [Adresse 1], [Localité 6],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société NXP Semiconductors France, après débats en l'audience publique du 12 mars 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Caen, 9 février 2024), rectifié par jugement du 25 mars 2024, le protocole d'accord préélectoral, signé le 25 octobre 2023 entre la société NXP Semiconductors France (la société) et les quatre organisations syndicales représentatives en vue des élections professionnelles au sein de l'entreprise comportant plusieurs établissements distincts, a prévu que le premier tour de scrutin se déroulerait du 1er au 5 décembre 2023 et que le second tour de scrutin aurait lieu du 15 au 19 décembre 2023. Il a fixé, pour le premier tour, la date limite de dépôt des listes de candidats au lundi 20 novembre 2023 à 10 heures.
2. Par un courriel du 20 novembre 2023 adressé postérieurement à cette heure limite, l'employeur a accusé réception du dépôt de la liste CGT pour le second tour des élections professionnelles. Le même jour, le syndicat concerné a confirmé le dépôt de sa liste de candidats pour le premier tour.
3. Par requête du 6 décembre 2023, l'Union locale CGT d'[Localité 7] (l'Union locale CGT) et MM. [VE] et [K] ont saisi le tribunal judiciaire aux fins d'annulation des élections au troisième collège du comité social et économique du site de [Localité 6] dont les résultats ont été proclamés le 5 décembre 2023, en demandant au tribunal d'ordonner à la société d'organiser de nouvelles élections professionnelles au troisième collège sur ce site.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. La société, dans un mémoire complémentaire déposé le 5 avril 2024, a déclaré renoncer au premier moyen, compte tenu de la rectification pour erreur matérielle du jugement attaqué décidée par jugement du tribunal judiciaire de Caen du 25 mars 2024.
5. Il n'y a, dès lors, pas lieu de procéder à son examen.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La société fait grief au jugement d'annuler les élections des membres du comité social et économique en date du 1er au 5 décembre 2023 au sein de la société concernant le troisième collège et de lui ordonner d'organiser de nouvelles élections au comité social et économique dans un délai de dix semaines à compter de la notification de la décision, alors « que les modalités d'organisation du scrutin, fixées par un protocole préélectoral dont la régularité n'est pas contestée, s'imposent à l'employeur et aux organisations syndicales ; que l'employeur ne commet donc aucune irrégularité en refusant de tenir compte d'une liste de candidature déposée après la date et l'heure limite prévue par le protocole préélectoral ; qu'en l'espèce, il était constant que le protocole préélectoral conclu à l'unanimité pour l'organisation des élections professionnelles aux comités sociaux et économiques de la société NXP Semiconductors France prévoyait que le premier tour aurait lieu du 1er au 5 décembre 2023 et le second tour du 15 au 19 décembre 2023 ; que le tribunal a relevé que le protocole préélectoral fixait le 20 novembre 2023 à 10h comme date limite de dépôt des candidatures en vue du premier tour ; qu'il résulte de la décision attaquée que la lettre d'accompagnement de la liste de candidatures déposée le 14 novembre 2023 pour le collège cadre indiquait "dépôt de candidature CGT aux élections professionnelles NXP du 15 au 19 décembre 2023", soit les dates du second tour des élections, et que ce n'est qu'après l'expiration du délai imparti par le protocole préélectoral pour déposer une liste de candidatures au premier tour que M. [VE] avait indiqué que les listes avaient été déposées en vue du premier tour ; qu'en énonçant cependant, pour conclure à un manquement de l'employeur à son obligation de neutralité et pour annuler les élections au CSE de l'établissement de [Localité 6] dans le 3e collège, que les éléments produits permettaient d'établir que l'envoi du dépôt de candidatures CGT avait été fait avant le jour de clôture de déclaration des candidatures pour le premier tour, que la contestation d'une candidature, quels qu'en soient les motifs, se rattachait à la régularité des opérations électorales relevant de la compétence du tribunal de sorte que la société ne pouvait se faire juge de la validité des candidatures CGT, que dès lors l'employeur ne pouvait pas écarter lui-même cette candidature mais seulement saisir le juge à cette fin, que les dispositions du protocole d'accord préélectoral fixant une date butoir au 20 novembre 2023 à 10 heures avaient été respectées, que les listes CGT avaient été déposées dans le délai imparti et que la lettre d'accompagnement du dépôt de candidature était entachée d'une erreur matérielle flagrante, le tribunal a violé les articles L. 2314-28 et L. 2314-29 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 2314-28 et L. 2314-29 du code du travail :
7. Les modalités d'organisation du scrutin, fixées par un protocole d'accord préélectoral dont la régularité n'est pas contestée, s'imposent à l'employeur et aux organisations syndicales.
8. Pour annuler les élections au troisième collège du comité social et économique de la société du site de [Localité 6] du 1er au 5 décembre 2023, après avoir constaté que le protocole d'accord préélectoral avait fixé au 20 novembre 2023 à 10 heures la date limite de dépôt des candidatures pour le premier tour de scrutin et que l'Union locale CGT avait déposé le 14 novembre 2023 une liste par une lettre dont l'objet était « dépôt de candidature CGT aux élections professionnelles NXP du 15 au 19 décembre 2023 », le jugement retient que les dispositions du protocole d'accord préélectoral ont été respectées, que la lettre d'accompagnement du dépôt de candidature est entachée d'une erreur matérielle flagrante, que l'employeur ne pouvait pas écarter lui-même cette candidature et a empêché par son attitude l'ensemble des syndicats de concourir sur un pied d'égalité aux élections professionnelles.
9. En statuant ainsi, alors qu'il avait constaté que le dépôt de la liste de candidats effectué par l'Union locale CGT le 14 novembre 2023 ne répondait pas aux modalités de forme d'une liste de candidats concourant au premier tour de scrutin du 1er au 5 décembre 2023, ce dont il aurait dû déduire que l'employeur, en refusant de prendre en compte cette liste, n'avait commis aucune irrégularité de sorte que celui-ci n'avait pas manqué à son obligation de neutralité, le tribunal judiciaire a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. Tel que suggéré par la société, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare l'Union locale CGT d'[Localité 7] et MM. [VE] et [K] recevables en leurs demandes tendant à l'annulation des élections professionnelles au comité social et économique au sein de la société NXP Semiconductors France en date du 1er au 5 décembre 2023 concernant le troisième collège du site de [Localité 6], le jugement rendu le 9 février 2024, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Caen ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute l'Union locale CGT d'[Localité 7] et MM. [VE] et [K] de leurs demandes tendant à l'annulation des élections professionnelles au comité social et économique au sein de la société NXP Semiconductors France en date du 1er au 5 décembre 2023 concernant le troisième collège du site de [Localité 6] ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société NXP Semiconductors France ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le neuf avril deux mille vingt-cinq, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.