LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° K 23-86.075 F-B
N° 00535
RB5
30 AVRIL 2025
CASSATION PAR VOIE DE RETRANCHEMENT SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 AVRIL 2025
MM. [E] [O] et [P] [F] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 9 octobre 2023, qui a condamné, le premier, pour détournement de fonds publics, à un an d'emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d'amende et cinq ans d'interdiction des droits civiques et d'exercer la fonction de maire et de président de communauté d'agglomération, le second, pour recel, à un an d'emprisonnement avec sursis, 50 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction des droits civiques et une confiscation.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [E] [O], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [P] [F], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [E] [O], maire de la commune de [Localité 1] et président de la communauté d'agglomération « [3] » devenue « [2] », a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour des faits de détournement de fonds publics et M. [P] [F], directeur général des services desdites commune et communauté d'agglomération, pour recel de ces détournements.
3. Les juges du premier degré les ont relaxés.
4. Le ministère public a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième, troisième et cinquième moyens proposés pour M. [O] et les premier, deuxième, troisième, quatrième et sixième moyens proposés pour M. [F]
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le quatrième moyen proposé pour M. [O] et le cinquième moyen proposé pour M. [F]
Enoncé des moyens
6. Le quatrième moyen proposé pour M. [O] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a condamné aux peines complémentaires d'interdiction de droit de vote et d'interdiction d'exercer la fonction de maire et de président de communauté d'agglomération, alors « qu'en se prononçant sans motiver sa décision en considération des critères d'individualisation visés à l'article 132-1 du code pénal, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de ce texte et a méconnu l'article 593 du code de procédure pénale. »
7. Le cinquième moyen proposé pour M. [F] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a condamné à la peine complémentaire d'interdiction du droit de vote, alors « qu'en se prononçant sans motiver sa décision en considération des critères d'individualisation visés à l'article 132-1 du code pénal, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de ce texte et a méconnu l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Les moyens sont réunis.
9. Pour condamner M. [O] à une interdiction de droit de vote, l'arrêt attaqué relève, par une motivation commune à cette peine et à celles d'emprisonnement et d'amende qu'il a prononcées à titre principal, des éléments de personnalité du prévenu et des éléments relatifs à sa situation personnelle, ainsi que des éléments relatifs à la nature des faits et à leur gravité.
10. Les juges ont procédé de la même manière pour condamner M. [F] à une interdiction du droit de vote.
11. En prononçant ainsi, dès lors que les juges ne sont pas tenus, lorsqu'ils prononcent une peine complémentaire facultative, d'expliquer par une motivation distincte de celle de la peine principale en quoi cette peine complémentaire est justifiée au regard de la personnalité et de la situation personnelle du prévenu, la cour d'appel a justifié sa décision.
12. Dès lors, les moyens doivent être écartés.
Mais sur le sixième moyen proposé pour M. [O]
Enoncé du moyen
13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [O] à la peine complémentaire d'interdiction d'exercer la fonction de maire et de président de communauté d'agglomération, alors « qu'en prononçant à l'égard du prévenu une peine d'interdiction d'exercer des fonctions qui relèvent de l'exercice de mandats électifs, lorsque les dispositions de l'article 432-17, 2°, du code pénal ne sont pas applicables à l'exercice d'un tel mandat, la cour d'appel a violé cette disposition, ainsi que les articles 131-27 du code pénal et 591 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 131-27, alinéa 3, et 432-17, 2°, du code pénal :
14. Selon le premier de ces textes, l'interdiction d'exercer une fonction publique ou d'exercer une activité professionnelle ou sociale n'est pas applicable à l'exercice d'un mandat électif.
15. Selon le second, en cas de condamnation pour détournement de fonds publics, il peut être prononcé, à titre de peine complémentaire, suivant les modalités prévues par l'article 131-27 du code pénal, l'interdiction d'exercer une fonction publique.
16. Après avoir déclaré M. [O] coupable de détournement de fonds publics, l'arrêt attaqué l'a condamné, notamment, à l'interdiction d'exercer la fonction de maire et de président de communauté d'agglomération, en application de l'article 432-17, 2°, du code pénal.
17. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés.
18. La cassation est encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
19. La cassation sera limitée à la condamnation de M. [O] à l'interdiction d'exercer la fonction de maire et de président de communauté d'agglomération.
20. Compte tenu de la privation des droits civiques par ailleurs prononcée, la cassation pourra avoir lieu sans renvoi par retranchement de cette seule disposition.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 9 octobre 2023, en sa seule disposition ayant condamné M. [O] à l'interdiction d'exercer la fonction de maire et de président de communauté d'agglomération, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille vingt-cinq.