LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 6 mai 2025
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 440 F-D
Pourvoi n° E 23-19.209
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
1°/ M. [G] [K], domicilié [Adresse 3], agissant en qualité de liquidateur amiable de la société [K] [Z] et associés,
2°/ M. [E] [P], domicilié [Adresse 5],
agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société [K] [Z] et Associés,
ont formé le pourvoi n° E 23-19.209 contre l'arrêt rendu le 2 mars 2023 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [N] [X], épouse [O], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à l'UNEDIC délégation AGS CGEA Ile-de-France Ouest, dont le siège est [Adresse 1],
3°/ à la société [Z] Angrand avocats, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de MM. [K] et [P], ès qualités, de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de Mme [X], de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de la société [Z] Angrand avocats, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Redon, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, et Mme Dumont, greffier de chambre,
La chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l' article L.431-3 alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, des présidents et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 2 mars 2023), Mme [X], épouse [O], a été engagée en qualité de secrétaire audio, le 12 mai 2009, par la société d'avocats [K] [Z] et associés (la SCP).
2. Le 5 mai 2020, l'assemblée générale des associés a validé la dissolution de la SCP et a désigné M. [K] en qualité de liquidateur amiable.
3. M. [K] et l'un des deux autres associés de la SCP ont constitué la SELAS [K] Zanati avocats, qui a débuté ses activités le 12 mai 2020 tandis que M. [Z] a constitué avec une autre avocate la SARL, devenue SELARL, [Z] Angrand avocats (la SELARL), qui a débuté ses activités le 14 mai 2020.
4. Par lettre du 24 juin 2020, le liquidateur amiable de la SCP a notifié à la salariée la fin de ses fonctions à compter du 1er juillet 2020 au motif que son contrat de travail devait être transféré à la société [Z] Angrand avocats.
5. Considérant avoir été licenciée de fait le 1er juillet 2020, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes subséquentes formées à l'encontre de la SCP, représentée par son liquidateur amiable, lequel a appelé en intervention forcée et en garantie la société [Z] Angrand avocats.
6. La liquidation judiciaire de la SCP a été prononcée le 12 mai 2022, M. [P] étant désigné en qualité de liquidateur.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première à troisième branches
Enoncé du moyen
8. M. [K], en qualité de liquidateur amiable de la SCP [K] [Z] et associés et M. [P], en qualité de liquidateur judiciaire de cette même société, font grief à l'arrêt de fixer la créance de la salariée au passif de la liquidation judiciaire à diverses sommes au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement, des retenues pour les tickets de restaurant pour les mois de mai et juin 2020, de l'indemnité compensatrice de congés payés ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance, alors :
« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, les contrats de travail en cours sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise en cas de transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; qu'en affirmant, pour exclure l'application de ce texte, que l'entité économique que constituait la SCP [K] [Z] et associés avait disparu avant le début d'activité de la SELARL, quand elle avait constaté que la première avait cessé toute activité le 30 juin 2020 et que la seconde, créée le 14 février 2020, avait commencé son activité le 14 mai 2020, ce dont il résultait que l'activité de la SCP n'avait pas cessé avant que ne soit créée la SELARL, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article susvisé ;
2°/ qu'en retenant, pour exclure l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, qu'aucun transfert de dossiers n'aurait été convenu entre les associés de la SCP [K] [Z] quand elle avait pourtant constaté qu'ils avaient, dans les sociétés qu'ils avaient respectivement créées, repris la quasi-totalité de ces dossiers une fois que leurs clients avaient fait connaître leur choix, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article susvisé ;
3°/ qu'en retenant, pour exclure l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, qu'il n'était pas établi qu'il y ait eu identité d'activité entre celle de la SCP [K] [Z] et Associés et la SELARL [Z] Angrand dans la mesure où il ne pouvait être exclu que la SCP pouvait être amenée à intervenir dans différents domaines juridiques quand il était constant que cette société, comme la SELARL, étaient des cabinets d'avocats enregistrés au registre du commerce sous le même code Activités juridiques (6910Z) et exerçaient donc strictement la même activité, peu important que les domaines juridiques aient pu éventuellement différer, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et l'a privée de base légale au regard de l'article susvisé. »
Réponse de la Cour
9. Selon l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
10. Ce texte, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, ne s'applique qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise. Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre. Le transfert d'une telle entité ne s'opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant.
11. Le transfert d'une entité économique autonome s'opère à la date à laquelle le nouvel exploitant est mis en mesure d'assurer la direction de cette entité.
12. La cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a, d'abord, constaté que la SCP, entité économique autonome, avait été dissoute le 10 mars 2020 correspondant à la dernière notification du retrait du dernier associé, qu'à partir de cette date elle n'avait plus été une structure en exercice et qu'elle avait survécu jusqu'au 30 juin 2020 seulement pour les besoins de sa liquidation amiable.
13. Elle a, ensuite, relevé que la disparition de la SCP était antérieure au début des activités de la société [K] Zanati avocats, le 12 mai 2020 et de la société [Z] Angrand avocats, le 14 mai 2020, dates à partir desquelles les avocats qui les composaient avaient exercé dans leurs cabinets respectifs, même si la société [Z] Angrand Avocats avait été constituée dès le 14 février 2020.
14. Elle a fait ressortir que les quelques salariés qui avaient rejoint la société [Z] Angrand avocats ayant préalablement démissionné de la SCP, leurs contrats de travail n'avaient pas été transférés, que le bail du local dans lequel la SCP exerçait ses activités n'avait pas été cédé à la société [Z] Angrand avocats, établie à une autre adresse et qu'aucun transfert de dossier n'avait été convenu entre l'ancienne société d'avocats et les deux nouvelles, les clients ayant été laissés libres de leur choix.
15. De ces constatations et énonciations, abstraction faite des motifs, surabondants, critiqués par la troisième branche, elle a pu déduire qu'il n'y avait pas eu transfert d'une entité économique autonome à laquelle la salariée se trouvait affectée et a exactement retenu que son contrat de travail n'avait pu être transmis de plein droit à la société [Z] Angrand avocats.
16. Le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [K], en sa qualité de liquidateur amiable de la société [K] [Z] et associés et M. [P], en sa qualité de liquidateur judiciaire de cette même société, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [K] et [P], ès qualités, et les condamne in solidum à payer à la société [Z] Angrand avocats la somme de 3 000 euros et les condamne à payer à Mme [X], épouse [O] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le six mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.