LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 14 mai 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 500 F-D
Pourvoi n° A 24-11.044
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 MAI 2025
Mme [E] [J], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 24-11.044 contre les arrêts rendus les 27 avril et 20 octobre 2023 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l'opposant à la société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de Mme [J], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [3], après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon les arrêts attaqués (Lyon, 27 avril 2023 et 20 octobre 2023), Mme [J] a été engagée en qualité d'infirmière diplômée d'Etat par la société [3] le 13 septembre 1994.
2. Déclarée inapte à son poste par le médecin du travail en un seul examen, le 3 novembre 2014, la salariée, licenciée pour inaptitude le 31 décembre 2014, a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La salariée fait grief l'arrêt du 27 avril 2023 de la débouter de sa demande en paiement au titre du solde de son indemnité de licenciement, alors « que le salarié licencié à raison d'une inaptitude consécutive à une maladie professionnelle a droit à une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9 du code du travail ; cette indemnité ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans et un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans ; qu'en relevant, pour fixer à la somme de 13 731,97 euros l'indemnité spéciale doublée de licenciement de Mme [J] et, par conséquent, la débouter de sa demande d'un complément de salaire à ce titre dès lors qu'elle indique avoir reçu un règlement de la part de son employeur d'un montant de 15 146,82 euros, que celle-ci a été engagée par la société Polyclinique par contrat à durée indéterminée formé le 13 septembre 1994 et licenciée pour inaptitude par lettre en date du 31 décembre 2014 pour relever ensuite qu'elle avait une ancienneté de neuf années révolues le jour de son licenciement et procéder au calcul de son indemnité spéciale doublée de licenciement sur la base de cette ancienneté erronée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il ressortait que Mme [J] jouissait d'une ancienneté de 20 ans au sein de l'entreprise lors de son licenciement et a violé les articles L. 1226-14 et R. 1234-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-14, alinéa 1er, R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017 :
4. Aux termes du premier de ces textes, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.
5. Aux termes du deuxième, l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines.
6. Selon le dernier, cette indemnité ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzième de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.
7. Pour débouter la salariée de sa demande formée au titre du reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L. 1226-14, l'arrêt retient que l'ancienneté à prendre en considération, telle que définie par la convention collective, est celle acquise au sein de l'entreprise débitrice, sans prise en considération de la reprise d'expérience puis constate que la salariée avait dans cette entreprise une ancienneté de neuf années révolues au jour de son licenciement. Il en déduit que l'indemnité spéciale de licenciement s'élève à la somme de 13 731,97 euros et que la salariée a été remplie de ses droits par la somme déjà versée par l'employeur.
8. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la salariée avait été engagée par la société [3] le 13 septembre 1994 et qu'elle avait été licenciée le 31 décembre 2014, ce dont il résultait qu'elle avait une ancienneté auprès de cet employeur de plus de neuf ans, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. La cassation du chef de dispositif déboutant la salariée de sa demande en paiement d'une somme au titre du reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.
PAR CES MOTIFS,et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [J] de sa demande en paiement d'une somme au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement, l'arrêt rendu le 27 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;
Condamne la société [3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Polyclinique et la condamne à payer à Mme [J] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le quatorze mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.