La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/05/2025 | FRANCE | N°12500211

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 28 mai 2025, 12500211


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1


CF






COUR DE CASSATION
______________________




Arrêt du 28 mai 2025








Cassation partielle sans renvoi




Mme CHAMPALAUNE, président






Arrêt n° 211 FS-D


Pourvoi n° N 23-15.927










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________

________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025


M. [D] [J], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 23-15.927 contre le jugement rendu le 20 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Lisi...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 28 mai 2025

Cassation partielle sans renvoi

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 211 FS-D

Pourvoi n° N 23-15.927

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025

M. [D] [J], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 23-15.927 contre le jugement rendu le 20 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Lisieux, dans le litige l'opposant à la société Devaux, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Tréard, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [J], de Me Balat, avocat de la société Devaux, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Tréard, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Bruyère, Ancel, Mmes Peyregne-Wable, Corneloup, conseillers, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1.Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Lisieux, 20 mars 2023), entre 2016 et 2017, M. [J] a confié à la société Devaux la motorisation du portail de son habitation. Le 23 mars 2021, il a contacté cette société par téléphone, pour qu'il soit remédié à une panne du portail. Après réparation et signature d'un procès-verbal de conformité et de qualité des travaux, la société Devaux a adressé sa facture à M. [J], lequel a refusé de l'acquitter, au motif qu'aucun devis n'avait été préalablement établi et qu'il n'avait pas été préalablement informé du caractère onéreux de l'intervention.

2. En l'absence de règlement et après des mises en demeure restées vaines, la société Devaux a obtenu par voie de requête une ordonnance en injonction de payer à laquelle M. [J] a fait opposition.

Examen des moyens

Sur le premier moyen pris en sa troisième branche

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. M. [J] fait grief au jugement de le condamner à payer à la société Devaux la somme en principal de 423,27 euros, ainsi que la somme de 57 euros au titre de la pénalité contractuelle, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, et de rejeter sa demande reconventionnelle, alors :

« 1°/ que le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ; qu'en l'espèce, il ressort de l'énoncé des prétentions des parties que M. [J] n'acceptait pas la facturation car il n'avait signé aucun devis et estimait que la prestation entrait dans le cadre du service après-vente ; que le tribunal judiciaire a d'abord relevé que la société Devaux avait procédé à la pose du dispositif initial entre 2016 et 2017 ; qu'il a ensuite constaté, s'agissant de la prestation litigieuse accomplie en avril 2021, l'absence de remise de devis de la part du professionnel et l'absence d'accord sur le prix ; qu'il a néanmoins condamné M. [J] à payer le prix demandé par la société Devaux, au prétexte que celui-ci avait demandé l'intervention, que les travaux avaient été réalisés, que le prix n'était pas disproportionné et que son montant n'était pas discuté ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il y était invité, si M. [J], n'ayant pas été informé au préalable d'un quelconque prix, n'avait pas légitimement pu croire que cette intervention s'inscrivait dans le cadre du service après-vente du précédent contrat et s'il avait consenti à un nouveau contrat, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1101 du code civil ;

2°/ que, subsidiairement, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel lui communique, de manière lisible et compréhensible, le prix du bien ou du service ; que cette obligation s'applique pour les prestations de dépannage, de réparation et d'entretien dans le secteur du bâtiment et de l'équipement de la maison, ce qui inclut les portails électriques ; qu'à défaut, le professionnel ne peut revendiquer le paiement du prix fixé unilatéralement ; qu'en l'espèce, le tribunal a constaté que la prestation litigieuse consistait en des réparations sur un portail motorisé, entre un consommateur, M. [J], et un professionnel, la société Devaux ; que le tribunal a néanmoins affirmé que l'absence de remise de devis de la part du professionnel n'exonérait pas de l'obligation de paiement dès lors que le débiteur avait bénéficié de la prestation, d'autant plus que celle-ci était intervenue sur demande de ce dernier, pour en déduire que M. [J] devait payer l'intégralité du prix réclamé par la société Devaux ; qu'en statuant par de tels motifs privant de toute sanction le non-respect par le professionnel de son obligation d'information sur le prix, le tribunal judiciaire a violé l'article L. 111-1 du code de la consommation, et l'article 2 de l'arrêté du 24 janvier 2017 relatif à la publicité des prix des prestations de dépannage, de réparation et d'entretien dans le secteur du bâtiment et de l'équipement de la maison. »

Réponse de la Cour

5. L'article L. 111-1 du code de la consommation dispose :

« Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
(...)

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ».

6. Aux termes de l'article L. 112-3 du même code, lorsque le prix ne peut être raisonnablement calculé à l'avance du fait de la nature du bien ou du service, le professionnel fournit le mode de calcul du prix et, s'il y a lieu, tous les frais supplémentaires de transport, de livraison ou d'affranchissement et tous les autres frais éventuels.

7. Aux termes de l'article L. 111-5 , en cas de litige relatif à l'application des dispositions des articles L. 111-1, L. 111-2, L. 111-4 et L. 111-4-1, il appartient au professionnel de prouver qu'il a exécuté ses obligations.

8. Il résulte de la combinaison de l'article L. 111-1 du code de la consommation, qui ne sanctionne pas expressément par la nullité du contrat le manquement aux obligations d'information précontractuelles qu'il énonce, et de l'article 1112-1 du code civil, qu'un tel manquement du professionnel à l'égard du consommateur entraîne l'annulation du contrat, dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants du code civil, si le défaut d'information porte sur des éléments essentiels du contrat.

9. Aux termes de l'article 1352-8 du code civil, la restitution d'une prestation de service a lieu en valeur. Celle-ci est appréciée à la date à laquelle elle a été fournie.

10. Le jugement constate que la société Devaux est intervenue au domicile de M. [J] à la suite d'une sollicitation téléphonique de celui-ci, que quelques jours plus tard, la société Devaux, qui ne justifiait pas avoir fourni un devis ou un mode de calcul du prix préalablement à son intervention, a facturé la réparation du portail sur la base d'un procès-verbal de conformité et de qualité de fin de travaux signé contradictoirement et sans réserve qui décrivait la nature des prestations réalisées, et mentionnait le déplacement, ainsi que le bon fonctionnement après essai.

11. Le jugement retient qu'au regard de la nature des travaux réalisés, le prix, dont le montant n'est d'ailleurs pas discuté, n'est pas disproportionné.

12. Il en résulte que le contrat étant nul faute d'information préalable sur l'un de ses éléments essentiels, la condamnation de M. [J] en paiement de la valeur réelle non contestée de la prestation est justifiée en application de l'article 1352-8 du code civil au titre des restitutions consécutives à cette nullité.

13. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, le jugement se trouve légalement justifié du chef de la condamnation au paiement de la somme de 423,27 euros.

14. Le moyen, rendu inopérant en sa première branche, ne peut être accueilli.

Mais sur le moyen relevé d'office

15. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code, le moyen étant de pur droit en ce qu'il ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des constatations des juges du fond.

Vu les articles L. 111-1, L. 112-3, L. 111-5 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et l'article 1112-1 du code civil :

16. Il résulte de la combinaison de ces textes que l'obligation de communication préalable du prix est sanctionnée par une nullité dans les conditions de l'article 1130 du code civil.

17. Pour condamner M. [J] à payer à la société Devaux la somme de 57 euros au titre de la pénalité contractuelle, le jugement retient que la clause pénale figurait dans ses conditions générales annexées à des factures antérieures.

18. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le contrat de réparation en cause avait été conclu, sans communication préalable du prix, élément essentiel du consentement de M. [J], de sorte qu'il était nul, le tribunal a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

19. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

20. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

21. Il résulte de ce qui précède que la demande en paiement d'une pénalité prévue par un contrat nul doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [J] à payer à la société Devaux la somme de 57 euros à titre de pénalité contractuelle, le jugement rendu le 20 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Lisieux ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette la demande de la société Devaux en paiement de la somme de 57 euros à titre de pénalité contractuelle ;

Condamne la société Devaux aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12500211
Date de la décision : 28/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi

Références :

Décision attaquée : Tribunal judiciaire de Lisieux, 20 mars 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 28 mai. 2025, pourvoi n°12500211


Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:12500211
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award