LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
LM
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 28 mai 2025
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 354 F-D
Pourvoi n° R 23-22.370
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
Mme [L] [W], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° R 23-22.370 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 9 - A), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Renov-France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Cofidis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Tréard, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [W], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Cofidis, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Tréard, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 septembre 2023), le 28 juin 2017, Mme [W] a conclu, hors établissement, un contrat de fourniture et de pose d'une centrale photovoltaïque et d'un ballon ECS thermodynamique avec la société Renov-France (le vendeur), dont le prix a été financé par un contrat de crédit souscrit auprès de la société Cofidis (le prêteur). Une attestation de livraison et d'installation a été établie le 12 juillet 2017 et le raccordement de l'installation a été effective le 4 avril 2018. Après mise en demeure de régler des échéances impayées, restée vaine, le prêteur s'est prévalu de la déchéance du terme le 19 février 2019.
2. Les 10 et 17 mai 2019, Mme [W] a assigné le vendeur et le prêteur en annulation des contrats de vente et de crédit affecté.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Mme [W] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de nullité des contrats de vente et de crédit affecté et ses demandes subséquentes, de rappeler qu'elle est redevable de plein droit du remboursement des sommes perçues en exécution du jugement infirmé, de la condamner à payer à la société Cofidis la somme de 24 495,51 euros majorée des intérêts au taux de 2,69 % à compter du 19 février 2019 et la somme de 100 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 19 février 2019 et de rejeter le surplus de ses demandes, alors « que les opérations de démarchage à domicile font l'objet d'un contrat qui mentionne notamment, à peine de nullité, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter le moyen de nullité tiré d'un défaut de mention suffisamment précise des délais de livraison, que ceux-ci « ont été précisés et respectés », sans rechercher, comme elle y était invitée, si le bon de commande signé distinguait le délai des opérations matérielles de livraison et d'installation des biens de celui d'exécution des autres prestations auxquelles le vendeur s'était s'engagé et si les délais indiqués permettaient à l'acquéreur de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aurait exécuté ses différentes obligations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1, L. 221-9, alinéa 2, L. 221-5, 1°, et L. 111-1, 3°, du code de la consommation, dans leur rédaction applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 242-1, L. 221-9, alinéa 2, L. 221-5, 1°, et L. 111-1, 3°, du code de la consommation, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :
4. Aux termes du premier de ces textes, les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
5. Aux termes du deuxième, ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.
6. Aux termes du troisième, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2.
7. Aux termes du dernier, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service.
8. Il résulte de ces textes que les opérations de démarchage à domicile font l'objet d'un contrat qui mentionne notamment, à peine de nullité, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service.
9. Pour rejeter les demandes d'annulation des contrats de vente et de crédit affecté, l'arrêt constate, d'abord, que le bon de commande prévoit la fourniture de biens, la livraison, la main-d'oeuvre et toutes démarches administratives inclues (déclaration en mairie, frais Enedis, Consuel, frais de raccordement et kit fiscal récupération TVA). Il relève, ensuite, que les délais de livraison y sont mentionnés (un mois pour le ballon et trois mois pour les panneaux) et que les conditions générales de vente précisent les délais maximum de livraison. Il retient que les délais de livraison ont ainsi été précisés et respectés.
10. En statuant ainsi, alors que ces indications étaient insuffisantes pour répondre aux exigences de l'article L. 111-1, 3°, du code de la consommation, dès lors que, limité au délai des opérations matérielles de livraison et d'installation des biens, ce bon ne fournissait aucune indication concernant le délai d'exécution des autres prestations auxquelles le vendeur s'était s'engagé, ce qui ne permettait pas à l'acquéreur de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aurait exécuté ses différentes obligations, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le même moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches
Enoncé du moyen
11. Mme [W] fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 4°/ que Mme [W] soutenait, dans ses conclusions d'appel, que le contrat conclu hors établissement doit comprendre, à peine de nullité, le numéro d'identification TVA du vendeur, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que Mme [W] soutenait, dans ses conclusions d'appel, que le contrat conclu hors établissement doit comprendre, à peine de nullité, les coordonnées de l'assureur responsabilité professionnelle du vendeur, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
12. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
13. Pour rejeter les demandes d'annulation des contrats de vente et de crédit affecté, l'arrêt rappelle, d'abord, que Mme [W] invoque, au visa des articles L. 111-1 et suivants du code de la consommation, des violations de dispositions impératives régissant le bon de commande, notamment le fait qu'il ne mentionne pas le numéro de TVA de la venderesse, ni les coordonnées de l'assureur de responsabilité professionnelle ou civile du vendeur. Il constate, ensuite, que le bon de commande comporte les informations relatives à l'identité du vendeur, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités et permettent aisément de l'identifier. Il en déduit que le bon de commande n'encourt pas l'annulation au regard des textes invoqués.
14. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions d'appel de Mme [W] qui se prévalait de l'absence sur le bon de commande des informations exigées par les dispositions de l'article R. 111-2, 5° et 9°, du code de la consommation, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
15. La cassation prononcée n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt confirmant le jugement en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître du litige.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare la cour incompétente, l'arrêt rendu le 14 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Cofidis et la société Renov-France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cofidis et la condamne à payer à Mme [W] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.