LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° M 24-81.503 F-D
N° 00714
ECF
28 MAI 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 28 MAI 2025
Le procureur général près la cour d'appel d'Angers, a formé un pourvoi contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 13 février 2024, qui, dans la procédure suivie contre M. [F] [T], la société [2] et la société [1], du chef de favoritisme pour le premier, complicité de favoritisme pour le deuxième et recel pour le troisième, a prononcé la nullité des poursuites.
Des mémoires en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Jaillon, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [F] [T], les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat des sociétés [2] et [1], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 avril 2025, les avocats ayant eu la parole en dernier, où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Jaillon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 26 juin 2013, le responsable commercial de la société [4] a dénoncé au procureur financier près la chambre régionale des comptes de possibles anomalies ayant entaché le marché public afférent à la vente et l'installation d'un cube vidéo lors de la construction de la salle Arena [Localité 3] dans la ville de [Localité 5] (49).
3. A la suite de son rapport, le procureur financier près la chambre régionale des comptes a, le 17 septembre 2014, adressé un rapport de signalement au procureur de la République.
4. M. [F] [T], maire de la commune de Trélazé, la société [2] et la société [1] ont été cités devant le tribunal correctionnel des chefs susvisés.
5. Les juges du premier degré ont rejeté l'exception de nullité des citations et relaxé les prévenus.
6. Le procureur de la République, puis les prévenus ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
7. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le moyen, pris en ses autres branches
Enoncé du moyen
8. Le moyen, pris de la violation de l'article 551 du code de procédure pénale, critique l'arrêt en ce qu'il a constaté la nullité des citations des prévenus, alors :
1°/ que l'obligation d'une nouvelle mise en concurrence en cas d'avenant modifiant l'équilibre économique du marché en faveur d'un titulaire d'une manière qui n'était pas prévue dans le marché initial, dont il est reproché à ces derniers la violation, est, en des termes très précis, contenue dans la citation délivrée aux prévenus, et ce, en dépit de l'absence de référence expresse aux dispositions législatives et réglementaires ;
2°/ que la règle édictée par ces textes correspond à un principe de base de la commande publique ;
4°/ qu'à supposer cette seule omission constitutive d'une irrégularité, elle n'entraîne pas, au terme de la jurisprudence, nullité de la citation dès lors que le prévenu a été en mesure de préparer sa défense.
Réponse de la Cour
Vu l'article 551 du code de procédure pénale :
9. Il résulte de ce texte que la citation telle que complétée par les pièces qui lui sont jointes est régulière lorsqu'elle énonce les faits poursuivis et vise les textes de loi qui les répriment.
10. Pour faire droit aux conclusions des prévenus invoquant la nullité des citations, l'arrêt attaqué énonce que la lecture des actes de poursuite ne permet pas de savoir quel est le texte réglementaire ou législatif violé par les prévenus qui caractériserait ainsi l'élément matériel de l'infraction de favoritisme.
11. Les juges relèvent qu'en ne mentionnant pas dans les actes de poursuite les textes que les prévenus auraient méconnus, le ministère public ne met pas ceux-ci en état de se défendre, pas plus que le juge pénal en état de se prononcer sur l'élément légal de l'infraction.
12. Ils en déduisent que les citations délivrées aux prévenus ne répondent pas aux exigences de l'article 551 du code de procédure pénale.
13. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé.
14. En effet, les citations précisent suffisamment les faits reprochés, visent l'absence de mise en concurrence rendue nécessaire du fait du changement de la consistance du lot initialement attribué à la société [1] ainsi que les textes de répression, permettant aux prévenus, même en l'absence de référence aux dispositions législatives et réglementaires applicables, de préparer utilement leur défense sur les délits de favoritisme, de complicité et de recel reprochés.
15. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Angers, en date du 13 février 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Angers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt-cinq.