LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 24-82.910 F-D
N° 00717
ECF
28 MAI 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 28 MAI 2025
M. [N] [T], Mme [Y] [C] et M. [O] [L] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Papeete, chambre correctionnelle, en date du 18 avril 2024, qui, pour tentative d'inscription indue sur une liste électorale, a condamné, le premier, à neuf mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, 1 000 000 de francs CFP d'amende et cinq ans d'inéligibilité, la deuxième, à six mois d'emprisonnement avec sursis, 500 000 francs CFP d'amende et trois ans d'inéligibilité, et le troisième, pour faux et usage, à neuf mois d'emprisonnement avec sursis et 500 000 francs CFP d'amende.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire a été produit pour M. [N] [T] et Mme [Y] [C].
Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [N] [T] et de Mme [Y] [C], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement du 27 septembre 2022, le tribunal correctionnel a déclaré M. [N] [T] et Mme [Y] [C] coupables de tentatives d'inscription indue sur les listes électorales et M. [O] [L] coupable de faux et usage de faux.
3. Les prévenus et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Déchéance du pourvoi formé par M. [L]
4. M. [L] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.
Examen des pourvois formés par M. [T] et Mme [C]
Sur les premier, deuxième et cinquième moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur les troisième et sixième moyens
Enoncé des moyens
6. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [T] à une peine d'emprisonnement délictuel de neuf mois avec sursis probatoire, alors « que toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée et déterminée dans son quantum et sa nature en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en retenant que la peine d'emprisonnement de neuf mois avec sursis probatoire prononcée par le tribunal correctionnel était justifiée en ce qu'elle constituait une sanction adaptée à la gravité des faits et justifiée « par les éléments de sa personnalité dont la cour dispose en particulier de son casier judiciaire déjà chargé », la cour d'appel, qui n'a pas individualisé et personnalisé la peine d'emprisonnement en prenant en considération sa situation matérielle, familiale et sociale, a violé les articles 130-1, 132-1, 132-19 du code pénal et les articles 485-1, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
7. Le sixième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclarée Mme [C] coupable de tentative d'inscription indue sur les listes électorales et l'a condamnée à une peine d'emprisonnement délictuel de six mois avec sursis, alors « que toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée et déterminée dans son quantum et sa nature en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en retenant que la peine d'emprisonnement de six mois avec sursis simple prononcée par le tribunal correctionnel était justifié en ce qu'elle constituait une sanction adaptée à la gravité des faits et justifiée par les « éléments de personnalité dont la cour dispose en particulier de son casier judiciaire déjà chargé », la cour d'appel, qui n'a pas individualisé et personnalisé la peine d'emprisonnement en ne s'intéressant pas aux éléments de sa situation matérielle, familiale et sociale, a violé les articles 130-1, 132-1, 132-19 du code pénal, ensemble les articles 485-1, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 485-1 et 593 du code de procédure pénale :
9. Selon le premier de ces textes, en matière correctionnelle, le choix de la peine doit être motivé au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation du produit ou de l'objet de l'infraction. Il en résulte qu'à l'exception de ces cas, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle.
10. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
11. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [T] à neuf mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, l'arrêt attaqué retient que cette peine constitue une sanction adaptée à la gravité des faits et que le prévenu ayant déjà exercé des mandats publics, il aurait dû, plus que tout autre, se conformer à la loi.
12. Les juges ajoutent que cette peine est également justifiée par les éléments de personnalité dont la cour d'appel dispose, en particulier son casier judiciaire déjà chargé.
13. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [C] à six mois d'emprisonnement avec sursis, l'arrêt retient que cette peine constitue une sanction adaptée à la gravité des faits commis ainsi qu'aux éléments de personnalité dont la cour d'appel dispose.
14. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui ne s'est pas expliquée sur la situation personnelle des prévenus, n'a pas justifié sa décision.
15. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
16. Sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la cassation sera limitée aux peines prononcées à l'encontre de M. [T] et Mme [C]. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi formé par M. [L] :
CONSTATE la déchéance du pourvoi ;
Sur les pourvois formés par M. [T] et Mme [C] :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Papeete, en date du 18 avril 2024, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de M. [T] et Mme [C], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Papeete et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt-cinq.