LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HE1
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 4 juin 2025
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 589 F-D
Pourvoi n° C 24-13.622
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
M. [M] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 24-13.622 contre l'arrêt rendu le 2 février 2024 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1), dans le litige l'opposant à la société Laboratoire expanscience, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Maitral, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Gury & Maitre, avocat de M. [W], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Laboratoire expanscience, après débats en l'audience publique du 5 mai 2025 où étaient présentes Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Maitral, conseiller référendaire rapporteur, Mme Douxami, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 2 février 2024), M. [W], engagé en qualité de voyageur-représentant-placier (VRP) le 13 janvier 1997 par la société Laboratoires expanscience (la société), occupait en dernier lieu les fonctions de directeur de zone.
2. Son contrat de travail ayant été rompu le 16 novembre 2020, après qu'il a accepté le contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en contestation de cette rupture.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement économique est fondé et de le débouter de ses demandes autres que celle fondée sur le non-respect de l'obligation de réembauche, alors :
« 1°/ que le licenciement économique peut avoir pour cause, soit une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, soit des difficultés économiques ; que celles-ci doivent être caractérisées par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation ; que la durée de cette baisse doit, en comparaison avec la même période de l'année précédente, être au moins égale à : a) un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ; b) deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ; c) trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ; d) quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ; qu'ayant constaté que la lettre de licenciement mêlait les deux causes, à savoir "d'importantes difficultés économiques qui menacent la sauvegarde de la compétitivité du groupe expanscience en France", en jugeant que "s'il n'est pas nécessaire que l'entreprise démontre l'existence de difficultés économiques antérieures au licenciement, celles-ci n'ont pas à être exclues, colorant le contexte économique et les faiblesses de l'entreprise amenée à prendre des mesures utiles pour prévenir une menace sur sa compétitivité et donc de nouvelles difficultés", permettant à l'employeur d'invoquer une "décroissance du chiffre d'affaires", une perte de contrats, une "baisse des marchés et des marques", conduisant à constater que "le résultat courant avant impôt des laboratoires expanscience présentait des pertes en 2020 contre un profit en 2019" tout en se dispensant de justifier de difficultés économiques sérieuses sur une durée appréciée en fonction de son effectif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3, 1°, du code du travail dans sa version applicable à compter du 1er avril 2018 ;
2°/ que les difficultés économiques comme la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient ; qu'en jugeant qu'il existait un "risque sur la compétitivité du groupe" au regard d'une "décroissance du chiffre d'affaires" résultant des données "de la société", d'une perte de contrats par cette dernière, d'une "baisse des marchés et des marques", également propres à l'employeur, et en définitive du fait que "le résultat courant avant impôt des Laboratoires expanscience présentait des pertes en 2020 contre un profit en 2019 "sans caractériser des difficultés au niveau secteur d'activité du groupe auquel elle
appartient, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3, 3e alinéa, du code du travail dans sa version applicable à compter du 1er avril 2018. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité afin de prévenir des difficultés économiques à venir.
6. Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.
7. La cour d'appel, interprétant la lettre de licenciement, a estimé que la cause économique invoquée par la société était la suppression de l'emploi du salarié consécutive à la réorganisation de l'entreprise justifiée par la nécessité de sauvegarder la compétitivité du groupe auquel elle appartenait.
8. Elle a ensuite relevé que, s'il n'était pas nécessaire que l'entreprise démontrât l'existence de difficultés économiques antérieures au licenciement, celles-ci n'avaient pas à être exclues, colorant le contexte économique et les faiblesses de l'entreprise amenée à prendre des mesures utiles pour prévenir une menace sur sa compétitivité et donc de nouvelles difficultés. Elle a constaté, qu'en 2019, sur dix marchés, neuf ont subi une décroissance du chiffre d'affaires, pour la majorité à deux chiffres, que le chiffre d'affaires marché France (Mustela - rhumatologie - dermatologie - Noviderm) présentait une baisse de 12,6 % par rapport à 2018, que la société avait perdu au second semestre 2019 les contrats de distribution Hyalugel (licence non renouvelée fin 2019) et Hyalgan et Hyalone (suite à une rupture d'approvisionnement unilatérale du fabricant en mars 2019) et que celle-ci précisait que la perte de ces contrats avait entraîné une baisse globale de chiffre d'affaires en 2020 de plus de 6,7 millions d'euros que le lancement du produit Hyalexo à l'été 2020 n'avait pu compenser, le chiffre d'affaires de ce produit étant largement inférieur à celui des contrats perdus.
9. Elle a ajouté qu'en 2020, le chiffre d'affaires production de biens vendus avait baissé de 14,1 % par rapport à 2019, tel qu'il ressort des activités Mustela - rhumatologie et dermatologie, que, sur la période de janvier à mars 2020, les ventes par les pharmacies aux patients des produits Mustela et Piasclédine 300 (produit de rhumatologie) avaient augmenté respectivement de 5,7 % et 7 % mais que la tendance à la baisse des autres marques était semblable à 2019 et que, sur le mois d'avril 2020, suite au confinement, il avait été constaté une baisse des marchés et des marques de -10 % à -20 %, avant une reprise en mai 2020.
10. Elle a, encore, retenu que la société avait entrepris en 2018 et poursuivi jusqu'en 2020 un objectif de réduction des stocks en pharmacie, que le résultat courant avant impôts des laboratoires expanscience présentait des pertes en 2020 contre un profit en 2019 et que l'employeur avait précisé que le marché français était en perte dès 2019 et que la rentabilité des actifs cosmétiques et de l'export avait compensé cette perte complètement en 2019 mais partiellement en 2020.
11. Elle a, enfin, relevé que la société faisait valoir que son organisation verticale avec quatre niveaux hiérarchiques et le déficit d'outils et de méthodes de « business intelligence » rendaient difficile son fonctionnement face aux laboratoires concurrents dans un contexte de marché en décroissance et un environnement client plus complexe marqué par le regroupement d'officines et les exigences de qualité, de performance et de transparence des consommateurs. Elle a ajouté qu'il n'était pas contesté que l'organisation était verticale dite en « silo » sur toutes les activités siège France et que les résultats d'un questionnaire « team effectiveness » réalisé en juillet 2019 présentaient cette organisation comme point faible sur le plan de la direction, communication et systèmes. Elle a constaté que la société expliquait à cet effet que le déficit de pilotage de l'activité et de trade marketing, le manque de reporting pour la direction ne permettaient pas de trouver de nouveaux relais de développement, alors notamment que le « nouveau business du produit Piasclédine » (marketing médical) impliquait des leviers en points de vente et que des actions étaient nécessaires sur d'autres marques du portefeuille actuel et futur.
12. De ces constatations et énonciations, elle a pu déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ces constatations rendaient inopérante, que la continuité de la baisse du chiffre d'affaires sur 2019 et 2020 dans le contexte d'un marché très concurrentiel, de la modification des structures des officines, des points faibles développés par l'employeur concernant son fonctionnement et ses outils décisionnels, qu'il existait un risque sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe ayant nécessité une réorganisation pour éviter des difficultés à venir et préserver la pérennité de l'entreprise.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [W] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le quatre juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.