LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CH10
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 5 juin 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 556 F-D
Pourvoi n° J 23-14.797
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 JUIN 2025
La société [3], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 23-14.797 contre l'arrêt n° RG : 22/00679 rendu le 21 février 2023 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Franche-Comté, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Franche-Comté, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 avril 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Le Fischer, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 21 février 2023), la société [3] (la société) a fait l'objet, pour les années 2016 à 2018, d'un contrôle par l'URSSAF de Franche-Comté (l'URSSAF), pour son établissement de Besançon.
2. L'URSSAF lui ayant notifié, les 26 juillet et 30 septembre 2019, deux lettres d'observations suivies, le 22 novembre 2019, d'une mise en demeure, la société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que selon les articles L. 1251-18 et L. 1251-43 du code du travail, si les salariés intérimaires sont soumis au statut collectif de leur employeur - l'entreprise de travail temporaire - le montant de leur rémunération avec ses différentes composantes, y compris les primes et accessoires de salaire, ne peut être inférieure à celle que percevrait dans l'entreprise utilisatrice un salarié de qualification professionnelle équivalente occupant le même poste de travail ; que, s'agissant de primes, ce principe s'applique sous la réserve que le salarié intérimaire remplisse les conditions prévues pour l'attribution de celles-ci et que les salariés de l'entreprise utilisatrice perçoivent de manière effective lesdites primes ; que les droits conventionnels octroyés aux salariés intérimaires lors de leur mission au sein d'une entreprise utilisatrice doivent en conséquence être appréciés par comparaison avec ceux que perçoivent concrètement les salariés de ladite entreprise utilisatrice ; que tel que l'a fait valoir la société dans ses conclusions d'appel, elle ne pouvait en conséquence faire l'objet d'un redressement au titre d'un droit au paiement à ses salariés intérimaires de l'indemnité conventionnelle de trajet prévue par l'article 8.17 de la convention collective nationale des ouvriers employés des entreprises du bâtiment ¿ susceptible d'être appliquée chez certaines des entreprises utilisatrices dans lesquelles intervenaient ses salariés intérimaires ¿ sans qu'il soit établi que tous les salariés permanents desdites entreprises utilisatrices bénéficiaient effectivement de cette indemnité conventionnelle de trajet ; qu'en validant néanmoins le redressement sans vérifier si, tel qu'il était contesté par la société, tous les salariés permanents des entreprises utilisatrices dans lesquelles intervenaient ses salariés intérimaires percevaient de manière effective l'indemnité conventionnelle de trajet prévue par l'article 8.17 de la convention collective des ouvriers employés des entreprises du bâtiment, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 1251-18 et L. 1251-43 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1251-18, alinéa 1er, L. 1251-43 et L. 3221-3 du code du travail et l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, ce dernier, dans sa rédaction applicable au litige :
4. Selon les deux premiers de ces textes, la rémunération, au sens du troisième, perçue par le salarié intérimaire, ne peut être inférieure à celle prévue au contrat de mise à disposition, telle que définie au 6° de l'article L. 1251-43 du même code, que percevrait dans l'entreprise utilisatrice, après période d'essai, un salarié de qualification professionnelle équivalente occupant le même poste de travail. :
5. Pour valider le chef de redressement n° 1 afférent à la réintégration, dans l'assiette des cotisations sociales, des indemnités de trajet que la société aurait dû verser à ses salariés, l'arrêt relève que la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment du 8 octobre 1990 impose, dans son article 8.17, le versement d'une indemnité de trajet à tout ouvrier dans la nécessité de se rendre quotidiennement sur le chantier et d'en revenir, sauf lorsque l'ouvrier est logé gratuitement par l'entreprise sur le chantier ou à proximité du chantier. Il retient que si, selon la société, les conditions de versement de l'indemnité de trajet ne sont pas satisfaites, elle ne démontre pas, cependant, avoir logé gratuitement les salariés concernés sur les chantiers ou à proximité de ces derniers. L'arrêt ajoute que la société ne justifie pas que ces mêmes salariés auraient été en situation de grands déplacements, laquelle ouvre droit à d'autres indemnisations, l'indemnité de trajet étant exclusivement réservée aux petits déplacements. Il énonce encore que cette indemnité de trajet se cumule avec les indemnités de frais de transport, conformément aux dispositions de l'article 8.11 de la convention collective précitée, de sorte que la société se devait d'assurer le dédommagement de la sujétion que représente pour l'ouvrier la nécessité de se rendre quotidiennement sur le chantier et d'en revenir, indépendamment des frais de transport d'ores et déjà indemnisés. L'arrêt en déduit que la société devait verser à ses salariés travaillant dans le secteur du bâtiment et se rendant sur les chantiers une indemnité de trajet, indemnité dont elle ne conteste pas ne pas avoir assuré le paiement.
6. En statuant ainsi, sans constater, d'une part, que les dispositions conventionnelles en cause était applicables au sein de l'entreprise utilisatrice ou des entreprises utilisatrices concernées, d'autre part, que les salariés intérimaires visés par le redressement étaient dans une situation comparable à celle des salariés permanents de l'entreprise utilisatrice pouvant prétendre au bénéfice de l'indemnité litigieuse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en tant qu'il déclare recevable la requête formée par la société [3], l'arrêt rendu le 21 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne l'URSSAF de Franche-Comté aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Franche-Comté et la condamne à payer à la société [3] la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le cinq juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.