LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 11 juin 2025
Rejet
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 626 F-D
Pourvoi n° Z 23-16.789
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
La société Oxance, société mutualiste, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° Z 23-16.789 contre l'arrêt rendu le 7 avril 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [M] [C], dont le siège est [Adresse 7], pris en qualité de liquidateur de la mutuelle Grand conseil de la mutualité,
2°/ à Mme [K] [E], épouse [J], domiciliée [Adresse 4],
3°/ à la société [S] & associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [T] [S], pris en qualité d'administrateur judiciaire de la mutuelle Grand conseil de la mutualité,
4°/ à l'association Unedic AGS-CGEA de [Localité 6], dont le siège est [Adresse 2],
5°/ à la société Grand conseil de la mutualité, société mutualiste, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Palle, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la mutuelle Oxance, de la SARL Ortscheidt, avocat de Mme [E], après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Palle, conseiller rapporteur, Mme Degouys, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 avril 2023), Mme [E] a été engagée en qualité de chirurgien-dentiste à compter du 4 juillet 2005 par la société Grand conseil de la mutualité.
2. Le 17 mars 2016, la chambre disciplinaire nationale du conseil de l'ordre des chirurgiens-dentistes a notifié à la salariée une sanction disciplinaire d'interdiction de prodiguer des soins aux assurés sociaux pendant une période de douze mois, dont trois mois avec sursis, à compter du 1er juillet 2016 jusqu'au 31 mars 2017.
3. Le 9 juin 2016, la salariée a été placée en arrêt de travail jusqu'au 11 juin 2016 puis du 16 juin 2016 jusqu'au 31 mars 2017.
4. Le 15 juin 2016, la société Grand conseil de la mutualité lui a notifié une suspension sans solde de son contrat de travail pendant la période d'exécution de la sanction disciplinaire.
5. Le 3 avril 2017, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude de la salariée à son poste de travail.
6. La salariée a saisi la juridiction prud'homale en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaire, indemnités et dommages-intérêts.
7. Un plan de cession de la société Grand conseil de la mutualité, en liquidation judiciaire, a été arrêté le 11 décembre 2018 au profit de la société Mutuelles de France réseau santé, devenue la société Oxance (l'employeur), avec laquelle le contrat de travail s'est poursuivi à compter du 1er janvier 2019.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée un rappel de salaire au titre de l'obligation de reprise de paiement du salaire un mois après l'inaptitude sur la période du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2022 et l'indemnité de congés payés afférents, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au jour de sa décision, de le condamner à lui payer une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, l'indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que le chirurgien-dentiste salarié, qui s'est vu infliger à titre de sanction par son ordre professionnel une interdiction de donner des soins aux assurés sociaux pour une période donnée, ne peut invoquer un congé maladie postérieur recoupant la période de la sanction, pour préserver sa rémunération, y compris lorsqu'il s'agit de calculer le montant du salaire dû en application de l'article L. 1226-4 du code du travail à la suite d'une déclaration d'inaptitude ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que ''la sanction d'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant douze mois, dont trois mois avec sursis, notifiée par la chambre disciplinaire nationale du conseil de l'ordre des chirurgiens-dentistes par décision du 17 mars 2016 et devant s'exécuter pendant la période du 1er juillet 2016 au 31 mars 2017 inclus infligée à Mme [E] est antérieure à son placement en arrêt maladie [du 16 juin 2016 au 31 mars 2017, soit exactement le dernier jour de sa sanction disciplinaire]'' et que la sanction avait eu pour effet de suspendre son droit au maintien de son salaire ; que du fait de l'interdiction de prodiguer des soins aux assurés sociaux pendant la période du 1er juillet 2016 au 31 mars 2017, le salaire dû à Mme [J] en application de l'article L. 1226-4 du code du travail un mois après la déclaration d'inaptitude du 3 avril 2017 ne pouvait s'entendre que du salaire minimum garanti contractuellement, à l'exclusion de toute commission sur des actes que la sanction interdisait de réaliser, peu important le congé maladie dont la salariée avait bénéficié durant la même période ; qu'en jugeant cependant que la reprise du paiement du salaire devait se faire sur la base d'une rémunération incluant le salaire variable reçu antérieurement à la sanction et au congé maladie, de mai 2015 à juin 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-4 du code du travail et l'article L. 145-2 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
10. En application de l'article L. 1226-4 du code du travail, l'employeur est tenu de verser au salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel, qui n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen de reprise du travail ou qui n'est pas licencié, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Il en résulte qu'en l'absence d'une disposition expresse en ce sens, aucune réduction ne peut être opérée sur la somme, fixée forfaitairement au montant du salaire antérieur à la suspension du contrat, que l'employeur doit verser au salarié.
11. La cour d'appel, recherchant la rémunération que la salariée aurait perçue si elle avait travaillé, a exactement décidé que pour le calcul du salaire, l'ensemble des éléments de rémunération, y compris sa partie variable, perçus avant l'arrêt de travail et la mise à exécution de la sanction disciplinaire, devaient être pris en compte.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Oxance aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Oxance et la condamne à payer à Mme [E] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le onze juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.